Reportage de Marie-Monique Robin
Ce reportage diffusé le 4 février 2012 sur Arte, raconte les conséquences désastreuses de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA) sur l’agriculture et la souveraineté alimentaire du Mexique.
Voici la présentation qu’en fait l’auteur :
« Le 1er janvier 1994, entrait en vigueur l’Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA), signé en décembre 1992 par les Etats Unis, le Canada et le Mexique. Prônant la déréglementation et le renoncement à toute forme de protectionnisme, il exigeait des trois pays partenaires l’abolition de toutes les taxes d’importation et le démantèlement des aides destinées à soutenir les agricultures et industries nationales. Reprenant les credos de la vulgate ultra-libérale, les signataires de l’accord affirmaient que celui-ci allait entraîner un développement sans précédent des échanges commerciaux entre les trois pays, qui allaient pouvoir faire jouer à plein leur « avantage comparatif ». Le Mexique, par exemple, le pays le plus pauvre du trio, allait pouvoir produire des fruits et légumes en contre-saison pour les exporter « librement » vers ses grands voisins du nord. De même, la « libre concurrence » allait lui permettre de se procurer de la nourriture moins chère et d’entrer dans le club des nations développées grâce à l’accroissement du volume de ses exportations, dont les bénéfices allaient irriguer toute l’économie mexicaine, entraînant un « bien être général » (principe du « donnant donnant »).
Seize ans plus tard, la belle fiction a tourné au scénario catastrophe. Certes, d’après le FMI, le commerce total entre les USA et le Mexique a triplé entre 1993 et 2004, et toutes les heures, le Mexique importe des produits agricoles et alimentaires des Etats Unis pour une valeur d’ un million et demi de dollars, mais, toutes les heures aussi, trente Mexicains quittent la campagne pour émigrer clandestinement aux Etats Unis, tandis que progressent les taux de malnutrition (mais aussi d’obésité) et de pauvreté dans tout le pays.
De fait, l’ALENA a littéralement laminé l’agriculture mexicaine, et notamment les petits paysans (21% de la population active) qui exploitent, en moyenne, cinq hectares de cultures vivrières : fruits, légumes et maïs, la plante sacrée des mayas et aztèques, qui constitue l’aliment de base depuis la nuit des temps.
Au nom du « libre échange », le Mexique a progressivement démantelé le système qui avait pourtant permis son autosuffisance alimentaire pendant des décennies, à savoir des prix garantis aux producteurs locaux et un contrôle des prix pratiqués dans les villes (soutien à la consommation). Dans le même temps, le pays s’est retrouvé inondé de maïs américain (transgénique) vendu à un prix trois fois inférieur au maïs « criollo » (local), en raison des subventions accordées par Washington aux producteurs américains. Quinze ans après l’entrée en vigueur de l’ALENA, le Mexique importait vingt millions de tonnes de maïs provenant du nord du Rio Grande, soit 40% du marché national, commercialisées par des multinationales de l’agroalimentaires, qu’elles soient américaines comme Cargill-Monsanto, ou mexicaines comme Maseca.
Incapables de résister à cette concurrence que d’aucuns dénoncent comme un dumping déloyal , trois millions de petits paysans ont dû cesser leur activité et rejoindre les bidonvilles mexicains ou tenter leur chance comme travailleurs clandestins aux Etats Unis. Un grand nombre des « indocumentados « travaillent dans les usines d’abattage et de conditionnement de la viande qui ont poussé comme des champignons dans les Etats de l’Iowa ou du Nebraska, tandis que le flux sans précédent d’immigrés clandestins provoquait des réactions de xénophobie aux Etats Unis.
On a vu le résultat de cette politique en 2007 lorsque le prix du maïs des Etats Unis a doublé en raison de la demande en biocarburants: en un mois, le prix de la tortilla de maïs a augmenté de 50% suscitant les premières émeutes de la faim du XXIème siècle… ».
• En savoir plus :
– La radio le Mouv’ a consacré une émission (samedi 28 janvier 2012 de 18h à 19h) au reportage ; vous pouvez ré-écouter l’entretien avec Marie-Monique Robin à :
http://www.lemouv.fr/diffusion-les-forcats-du-travail-de-tanger-au-zacatecas
– La bande annonce du reportage est accessible sur le blog de M.M. Robin.
• Soutenir le film en cours de réalisation :
“Les déportés du libre échange” représente la première production de m2rfilms, la maison de production que M.M. Robin a récemment créée. Elle prépare actuellement un nouveau film (et livre) provisoirement intitulés “Comment on nourrit les gens?”, qui investigue la capacité de nourrir le monde, avec des techniques agro-écologiques. Vous trouverez plus d’informations sur ce projet déjà bien avancé (sortie prévue en octobre 2012) sur le site de m2rfilms, qui a lancé une opération de financement communautaire, permettant de soutenir le film, en pré-achetant le DVD. Plus d’informations sur la démarche et ses objectifs à l’adresse suivante:
http://www.m2rfilms.com/crbst_22.html
Source : : http://robin.blog.arte.tv/