Les théologiens et évêques Africains [1] s’interrogeaient sur “la focalisation des débats au synode sur des thèmes controversés comme le divorce et le remariage et les relations entre personnes de même sexe, laissant de de côté une multitude de problèmes urgents auxquels sont confrontées des millions de personnes vivant dans l’ensemble de l’Afrique.”
Conscients du lobbying que peut exercer une délégation nationale bien organisée, ils appelaient “les dirigeants de l’Église africaine à travailler plus étroitement ensemble afin de coordonner leur prise de parole à propos de ces questions pendant le synode 2015.”
L’article de Christa Pongratz-Lippit publié ici peut être regardé comme une illustration de leurs craintes.
Profondément déçus par la langue compliquée et le faible taux de diffusion du questionnaire officiel publié par le Vatican avant le Synode des évêques sur la famille, trois catholiques allemands, étudiants en théologie, ont décidé de faire le leur.
Plus de 12.000 catholiques de tous âges issus de 42 pays et d’horizons différents, dont la plupart fréquentent régulièrement la messe, ont répondu au questionnaire sur le mariage et la famille distribué par Anna et Tobias Roth de l’Université de Münster et Sarah Delere de l’Université libre de Berlin, entre septembre 2014 et mars 2015.
Les étudiants ont «traduit» le questionnaire du pape en un langage plus familier. De septembre 2014 à janvier 2015, dans la première phase de leur projet de recherche, ils ont emporté le questionnaire au cours d’un voyage de recherche dans des villes côtières d’Europe, d’Afrique du Nord, d’Amérique latine et d’Amérique du Nord.
Ils en ont distribué des copies dans les paroisses en Angleterre, Pologne, Allemagne, Belgique, France, Irlande, Portugal, Espagne, Italie, au Maroc, au Brésil et aux États-Unis. Comme ils ont remis le questionnaire en mains propres, les étudiants ont pu récolter au cours des échanges informels de précieux éléments qui complètent les réponses. De janvier à mars, ils ont publié leur questionnaire en ligne en sept langues [2].
La grande majorité des 12.400 réponses, à savoir 7.873, sont venues d’Allemagne, mais il est intéressant de noter que les réponses aux questions concernant la fréquentation de la messe, le mariage religieux, la pratique de la foi en famille et l’importance de prier avec les enfants ont reçu les mêmes pourcentages élevés dans les 41 autres pays.
Les réponses montrent que, à l’exception des moins de 30 ans, un grand pourcentage des participants allemands assistent à la messe plus d’une fois par mois.
“La majorité des participants allemands peuvent être décrits comme pratiquants actifs, évaluation effectuée à partir du nombre de fois où ils ont assisté à la messe”, selon l’étude. “Environ la moitié des participants ont assisté à la messe une fois par semaine ou plus souvent, 80% plus d’une fois par mois. Il en est de même pour les participants d’autres pays. Il est frappant de constater que même 60% de ceux qui disent ne pas être d’accord avec l’enseignement de l’Église sur la famille, ont assisté à la messe plus d’une fois par mois.”
Plus de 90 pour cent de ceux qui ont répondu dans l’ensemble des 42 pays disent qu’un mariage à l’Église est très important et plus de 95 pour cent veulent une éducation chrétienne pour leurs enfants. Soixante pour cent ont répondu qu’ils prient avec leurs enfants au moins une fois par semaine et pensent très important de prier matin et soir, avant les repas et de chanter des hymnes en famille.
Les avis sur les questions les plus controversées, comme l’enseignement de l’Église sur les divorcés remariés, les couples homosexuels, le célibat obligatoire des prêtres et les femmes diacres, diffèrent plus largement selon les pays.
Quatre-vingt dix pour cent des Allemands aimeraient voir les deuxièmes mariages reconnus et bénis. Le tableau diffère légèrement dans d’autres pays, mais 75 pour cent de tous ceux qui ont rempli le questionnaire pensent que l’exclusion permanente de l’Eucharistie des divorcés remariés est disproportionnée. Un diacre de Salvador, au Brésil, a déclaré qu’il était tout à fait incompréhensible que les meurtriers puissent recevoir à nouveau la communion après confession, mais que les divorcés remariés en restent exclus à vie. Beaucoup de catholiques allemands considèrent que la pratique actuelle est impitoyable et veulent que les divorcés remariés soient autorisés à recevoir l’Eucharistie – bien que « peut-être seulement après examen de chaque cas individuellement.”
Le rapport montre toutefois que le tableau est considérablement différent dans d’autres pays. “Même si dans l’ensemble les catholiques dans ces autres pays ont tendance à vouloir que les divorcés remariés soient autorisé à recevoir l’Eucharistie, la barre y est mise beaucoup plus haut, certains affirmant que seules les ‘parties clairement innocentes d’un divorce’ devraient être autorisées à recevoir à nouveau la communion “. La grande exception est la Pologne, où 50% sont en faveur de l’adhésion à la loi actuelle de l’Église et de l’exclusion de tous les divorcés remariés de l’Eucharistie.
Alors que 70 pour cent des catholiques allemands aimeraient voir les couples homosexuels reconnus et bénis, “aucune image claire n’émerge, suggérant d’aller aussi loin que permettre aux partenaires de même sexe de se marier à l’Église » déclare le rapport. “Une explication fréquemment avancée dans de nombreux entretiens est que, selon l’enseignement de l’Église catholique l’importance du mariage sacramentel à l’Église est que l’homme et la femme concernés sont disposés à avoir des enfants. Les participants voient cela comme si important que les partenaires de même sexe sont en eux-mêmes exclus du mariage ».
La majorité des catholiques en Pologne, en Europe du sud et au Brésil, cependant, rejettent clairement la reconnaissant et la bénédiction des couples de même sexe et les mariages religieux entre personnes de même sexe.
Les opinions diffèrent largement sur la question de rendre ou non optionnel le célibat des prêtres. Alors que 75 à 85% des catholiques dans les pays de langue allemande – en Allemagne, en Autriche et en Suisse – y sont favorables, comme la majorité des catholiques en France, en Amérique du Nord et au Brésil, ce n’est pas le cas en Europe du Sud et en Pologne.
Quatre-vingt-sept pour cent des catholiques allemands sont en faveur de l’introduction du diaconat pour les femmes. L’évaluation de la situation dans d’autres pays s’est toutefois avérée impossible dès la phase préparatoire. “En raison de la difficulté de traduire le terme ‘diaconat’ il a été impossible d’établir une comparaison interculturelle valable » dit le rapport.
Beaucoup de participants ont critiqué l’Église pour voir les choses exclusivement en noir et blanc.
« Il s’agit de la vie des gens. On ne peut pas simplement produire un modèle et décider s’ils y satisfont ou non » déclare un prêtre de Casablanca, au Maroc. “La majorité des participants exigent qu’un idéal soit considérée comme un idéal et que les catégories d’échec et le principe de gradualité soient inclus dans l’enseignement de l’Église.”
L’enquête a également montré qu’il y a un grand désir de dialogue ouvert, honnête.
“Les participants qui ne veulent pas que l’enseignement de l’Église change ont fréquemment un jugement négatif sur François,” indique le rapport. “La grande majorité des participants sont en faveur du changement, ont une haute opinion du pape et expriment de nombreux souhaits et suggestions constructifs pour changer la pratique et l’enseignement de l’Église.”
Les résultats ont été évalués à l’Université pontificale grégorienne de Rome et l’Université libre de Berlin et présentés à Berlin le 19 août. Un compte-rendu détaillé de l’ensemble du projet de recherche a été publié dans le numéro de Septembre du mensuel jésuite allemand de théologie, Stimmen der Zeit [1].
L’ampleur étonnante du taux de réponse au questionnaire a attiré l’attention dans l’ensemble des pays germanophones. Le questionnaire a été signalé dans les programmes d’information de la télévision allemande le soir de sa sortie.
Le taux élevé de réponse semble montrer que la relativement faible réponse au questionnaire du Vatican ne peut pas nécessairement être attribuée à un manque d’intérêt de la part des fidèles diocésains, disent les auteurs. Au contraire, la réponse montre le potentiel d’un sondage méthodiquement bien fondé de l’opinion catholique quand il est utilisé comme un instrument d’une écoute nuancée. Il est un bon exemple de la façon dont il serait possible d’enregistrer systématiquement la vie réelle des fidèles catholiques et l’apporter dans les discussions sur la loi de l’Église, disent les étudiants.
L’évêque Allemand d’Osnabrück, Franz-Josef Bode, qui accompagnera le cardinal Reinhard Marx et l’archevêque Heiner Koch au synode en Octobre, présentera les résultats du questionnaire des étudiants aux participants synodaux.
Source http://ncronline.org/news/faith-parish/students-synod-questionnaire-meets-surprisingly-wide-response
Traduction par Lucienne Gouguenheim
[2] Texte du questionnaire en français
[3] Neue Formen des Hörens in der katholischen Kirche (De nouvelles formes d’audience dans l’Église catholique).