Par Michael Sean Winters
C’était frustrant d’observer la réunion de la Conférence épiscopale des États-Unis (USCCB) cette semaine. La conférence semble bloquée. À un moment où le pays a désespérément besoin d’une parole morale forte, la parole commune des évêques est mise sur la touche : ils se préoccupent de choses sans importance et s’attaquent avec tiédeur à celles qui en ont. Et il est manifeste pour tous que les préoccupations du pape François sont loin de celles de l’USCCB.
Dans sa mise à jour du travail du Comité ad hoc sur la liberté religieuse, l’archevêque William Lori a déclaré qu’ils changent les choses. Le font-ils ? La pièce maîtresse de leur campagne, la « Quinzaine pour la liberté », attire peu l’attention. Dans la presse populaire, on cite rarement aujourd’hui la liberté religieuse. Dans l’esprit populaire, le thème de la liberté religieuse est lié à la discrimination contre les gays et les lesbiennes, et non sans raison. S’il s’agit de la ligne concernant les litiges dans la liberté religieuse dans les années à venir, je frémis devant les perspectives de liberté religieuse.
Je n’ai presque pas entendu parler de l’environnement ou de Laudato Si’ à la réunion de l’USCCB. Pensez-y une minute. Le pape publie une encyclique, la seule qu’il a publiée jusqu’à présent, et elle est consacrée à l’environnement. Et les évêques du pays qui a causé plus de dommages à l’environnement que tous les autres sont muets. Comment est-ce possible? S’ils pensent être pro-vie, pourquoi ne se soucient-ils pas de l’une des deux menaces, l’autre étant la prolifération nucléaire, qui pourrait nous tuer tous? Combattre l’avortement est une chose morale à faire, bien sûr, mais il n’y a aucun sens à défendre la vie à naître et qu’ainsi les enfants puissent grandir, si c’est pour vivre dans un monde de plus en plus invivable. Les évêques d’autres pays ne sont pas si réticents. Le cardinal Charles Maung Bo du Myanmar a prononcé récemment un discours à l’Académie Pontificale des Sciences dans lequel il a déclaré : « Si les pays riches n’acceptent pas de réduire le réchauffement de la planète, un plus grand nombre de personnes mourront. Quand le pauvre et le faible sont exposés à une nature violente créée par l’utilisation sans restriction des combustibles fossiles par les pays riches, pour moi, c’est un génocide criminel. » Un génocide criminel. Et les évêques américains ne peuvent pas être dérangés.
Il n’y a aucune raison d’éviter les ramifications politiques de la question, mais même si les évêques pour une raison ou une autre étaient réticents à s’engager à ce niveau, pourquoi avons-nous besoin d’un nouveau rapport sur les activités de liberté religieuse et aucun rapport sur ce que font les évêques dans leurs diocèses pour promouvoir le soin de la création? Je crains que la réponse soit qu’ils ne font pas grand-chose. Pourquoi n’installe-t-on pas de panneaux solaires sur nos édifices religieux? Pourquoi nos collèges et universités catholiques ne mettent-ils pas l’accent sur le travail de création de nouvelles technologies plus respectueuses de l’environnement? Les gens aiment dénigrer la «religion organisée», mais voici une chance de montrer ce que «la religion organisée» peut faire en montrant le chemin en convertissant notre infrastructure à des sources d’énergie durables.
Il a été fréquemment fait mention de l’œuvre de charité de l’Église. Mais, aucun évêque n’a pris le micro pour dénoncer «l’économie qui tue». Les évêques des États-Unis sont à des années-lumière de l’endroit où se situe le reste de l’Église quand il s’agit de développer un degré approprié de suspicion sur notre consommation, sur la culture capitaliste. Il est plus facile d’attribuer la sécularisation de la culture aux gremlins et aux poltergeists, ou au président Obama, que de reconnaître que c’est notre culture de consommation, ce que Brad Gregory a qualifié de « vie de marchandises », qui est en fait l’agent de la sécularisation. Pourquoi risquer la colère de tous ces bons donateurs? Il vaut mieux invoquer la Vierge Marie que de reconnaître le défi qu’elle a posé quand elle a dit que Dieu « renverrait les riches les mains vides».
Il y a eu aussi un manque de discussion, au moins en séance publique, au sujet d’Amoris Laetitia. Au moins, aucun évêque n’a suivi la direction du Cardinal Raymond Burke qui, dans une interview publiée hier, a encore affirmé qu’Amoris Laetitia n’est pas un document magistral. Pour quelqu’un qui est si préoccupé de ce qui cause scandale, il en cause sûrement assez par lui-même. Si le fait de miner l’autorité d’enseignement du pape, sans parler de l’écrasante majorité des évêques réunis dans deux synodes, n’est pas une source de scandale, qu’est-ce que c’est ?
Et, évidemment, la plus grande question immédiate qui fait face aux évêques est la perspective de la déportation massive de beaucoup de nos paroissiens catholiques. La nuit précédant le début de la réunion, Donald Trump lançait le nombre de 3 millions de personnes qu’il avait l’intention d’expulser. Il a suggéré qu’il allait seulement aller s’en prendre à des criminels. Si les évêques ne résistent pas à cet agresseur, et rapidement, avant qu’il ait le vent en poupe, avant l’inauguration, avant que plus de gens à Washington tombent dans son pouvoir, il sera trop tard. Tout au long des primaires, les gens ont dit : « Il ne va pas s’en sortir en disant ce qu’il dit », mais il s’en est tiré. Maintes fois, les gens disaient : « Il est certainement allé trop loin maintenant », mais il n’a jamais été trop loin. Les annales de l’histoire sont jonchées de témoignages de gens bien intentionnés et de clercs bien intentionnés qui pensent que les gens méchants n’agiront pas vraiment pour faire le mal qu’ils ont promis, et il est alors trop tard pour arrêter ce mal. Les évêques doivent trouver leur voix, et vite. Ce qui a été dit à Baltimore ces deux derniers jours était totalement inadapté à la menace qu’une présidence Trump pose à des millions de nos confrères catholiques. Je ne dis pas que nous devrions nous préoccuper seulement du sort des catholiques. Je suggère que si nous ne sommes pas prêts à démontrer que nous protégerons les nôtres, Trump et son équipe obtiendront le signal qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent.
La veille du début de la réunion, une église épiscopalienne a été vandalisée à Silver Spring, dans le Maryland. Quelqu’un a bombé à la peinture sur l’église : “Pays de Trump ; Blancs seulement”. Les vandales savaient ce qu’ils faisaient en choisissant une église. Ils savent que la vision morale de l’église chrétienne se met en travers de la route de Steve Bannon (NDLR Conseiller de Donald Trump depuis son élection) et de son patron. Ce n’est pas s’insinuer dans la politique quand vos églises sont vandalisées. Malheureusement, je crains que le pays ne soit moralement vandalisé, et ce processus a déjà commencé. Il y a une parabole dans l’Évangile sur la nécessité pour le veilleur de nuit d’être vigilant. C’est une parabole que les évêques devraient prendre à cœur.
Traduction : Lucienne Gouguenheim