Par latribune.fr
Huit ans après le licenciement d’un salarié qui avait dénoncé des manipulations de cours, la banque de financement du groupe BPCE est sommée de le réintégrer et de lui verser 330.000 euros d’indemnités. C’est la première fois que la justice reconnaît implicitement le statut de lanceur d’alerte.
Deux immeubles de Natixis à Charenton
C’est, semble-t-il, une première. La justice française vient de reconnaître le statut de “lanceur d’alerte” à un ancien salarié de la banque Natixis. Dans un arrêt provisoire du 16 décembre 2016, révélé par Mediapart, la cour d’appel de Paris somme la banque d’investissement, filiale du groupe Banques populaires Caisses d’Épargne (BPCE), de réintégrer un salarié qu’elle avait licencié il y a huit ans pour “insuffisance professionnelle” et “comportement inapproprié” envers ses collègues, “dans son emploi ou un emploi équivalent”. Une réintégration demandée par l’ex-salarié, un contrepartiste du département vente institutionnelle actions.
Il alerte sa hiérarchie sur des agissements illégaux dans son service
L’ex-salarié, qui avait été embauché en 1999 chez Natexis Capital (plus tard fusionné et rebaptisé Natixis), contestait les motifs de son renvoi en octobre 2008, en pleine crise des subprimes – la banque fut sauvée de la faillite par l’État. Il estimait avoir été pénalisé pour avoir signalé en juillet 2008 à sa hiérarchie des agissements, illégaux, de manipulation de cours commis par un de ses collègues. La cour d’appel lui a donné raison : elle “ordonne à la société Natixis de réintégrer M. Stéphane B. dans son emploi ou dans un emploi équivalent”, déclarant son licenciement “nul”. Et elle condamne la banque à lui verser plus de 330.000 euros d’indemnités au titre du préjudice subi et 5.470 euros par mois jusqu’à sa réintégration.
“Monsieur Stéphane B. a été un lanceur d’alerte en saisissant le 7 juillet 2008, conformément à ses obligations, le service de la conformité d’une pratique de front running [1], autrement dit d’une manipulation des cours” estime la cour. “Il a été licencié pour avoir relaté, ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”.
On ignore si la banque a l’intention de se pourvoir en cassation.
“Natixis ne fait pas de commentaire et attend de recevoir la notification officielle afin de prendre une décision”, a réagi un porte-parole.
Note :
[1] « Le front running est une technique boursière qui consiste à ce qu’un courtier utilise un ordre transmis par ses clients pour s’enrichir. La technique consiste à profiter des décalages de cours engendrés par les ordres importants passés par les clients du broker (courtier). Par exemple, si un client est sur le point de placer un important ordre d’achat pour une action, le courtier qui reçoit cette instruction va acheter une petite quantité de cette même action pour son propre compte juste avant d’exécuter l’instruction de son client. Il bénéficiera ensuite d’une hausse mécanique des prix en diffusant l’ordre d’achat de son client sur le marché. Il pourra ensuite revendre quelques instants plus tard les titres qu’il a achetés pour son propre compte et réaliser un profit sans risque. Cette technique est une forme de délit d’initié car elle consiste à utiliser une information privée ayant une influence sur les cours pour prendre une position. D’autre part elle pénalise le client qui payera potentiellement ses titres plus chers et rentre donc en conflit avec l’obligation dite de “best execution” (oblige le broker à exécuter l’ordre de son client dans les meilleures conditions de marché). » (source Wikipedia)
Illustration par Davric (travail personnel) [CC BY-SA 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons