par Christophe Breysacher
Réunion du 17 mars 2017
La prochaine AG de Parvis se déroulera à Arras du 17 au 19 novembre 2017 et aura pour thème : « Partir de la vie pour en faire un chemin de foi : quels visages de Jésus et de Dieu rencontrons-nous ? Quels évangiles écrivons-nous ? » Les associations membres de Parvis sont appelées à réfléchir à ce thème avant l’AG. Nous décidons de nous associer à cette réflexion.
À la suite de Jacques Musset dans son dernier livre « Sommes-nous sortis de la crise du modernisme ? » [1], nous faisons le constat que nous ne sommes pas encore sortis de cette situation de blocage dans notre Église concernant la pensée théologique. L’Église a encore beaucoup de réticences à repenser sa doctrine en fonction des acquis de la pensée contemporaine (notion d’évolution, relativisation de la place de l’homme dans l’univers…). Les chrétiens qui cherchent à interroger sérieusement les énoncés de la foi sont encore méprisés, voire réprimés.
Nous-mêmes, bien que nous nous définissions comme des chrétiens de progrès, nous sommes souvent assez frileux pour ce qui est de repenser le « croyable » de notre foi. Les remises en question de nos parcours militants et politiques semblent faire l’objet de moins de réticences.
Nous sommes souvent habiles à rendre compte du sens de nos engagements, mais ne nous savons pas dire Dieu à travers ces expériences.
Nous devons donc accomplir cet effort visant à préciser ce que signifient pour nous les articles de foi auxquels nous adhérons encore ; par exemple, dire que la foi en la Résurrection est absolument constitutive de notre être-chrétien ne nous dit rien de ce que nous entendons par Résurrection ! [2]
Notre approche s’inspirera beaucoup de celle du théologien José Arregi [3]. Pour lui, la spiritualité n’est pas un élément parmi d’autres qui donnerait une saveur particulière à la vie, mais le mouvement de la vie elle-même vers un perpétuel dépassement de soi, émancipé de tout ce qui la referme sur elle-même et l’empêche d’être plus libre, plus fraternelle. La spiritualité est fondamentalement communion, compassion avec tous les êtres (vivants ou non) dans un réseau infini d’interdépendances, de relations. Il faut un esprit d’ouverture pour accéder à ce divin qui irradie dans l’ensemble de la Création. Il ne faut pas se laisser enfermer dans des replis identitaires liés à la peur.
Nous poursuivrons cette réflexion en nous appuyant sur des témoignages de vie concernant chacun d’entre nous. Quels faits de vie sont des signes, des traces, qui peuvent nous révéler quelque chose du visage de Dieu ? Il ne s’agit pas de chercher de nouvelles définitions de Dieu, mais de dire qui est le Dieu de Jésus pour nous.
Lire aussi : À propos de la réunion du 3 mars 2017
Réunion du 21 avril 2017
Michel parle de son expérience vécue avec la JOC. En se rapprochant de Rome, la JOC a cédé du terrain sur ce qui faisait sa force et sa richesse : l’enracinement dans les classes populaires. L’identité catholique reprend, hélas, le dessus…
Pourtant, la JOC a permis l’émergence d’une forme de spiritualité qui s’est développée par l’engagement, par les liens de solidarités créées.
La spiritualité c’est la vie en mouvement vers les autres : «aime les autres comme toi-même ».
Michel revient aussi sur son expérience à l’aumônerie psychiatrique [4]. Les personnes hospitalisées ne sont pas en recherche d’un statut religieux, mais d’un sens à donner à leur vie. Pour ces personnes fragilisées le plus important c’est la relation de confiance, la certitude trouvée qu’elles sont aimées par d’autres.
Dans le chapitre « expérience vécue nourrissant la foi » certains d’entre nous évoquent le scoutisme vécu comme une étape positive par l’apprentissage de la confiance en soi et par le brassage social que celui-ci permettait.
Arregi définit la spiritualité comme souffle de la vie. Si on s’accepte tel que l’on est, on trouve des ressources qui nous permettent d’entrer en communion avec les autres et avec notre environnement. Le danger c’est de se tromper d’ennemis et de prendre les moyens (religion, politique) pour des fins.
Musset nous fait comprendre que Jésus lui-même a changé son image de Dieu (épisode de la rencontre de la Cananéenne). Nous ne devons pas hésiter à réactualiser constamment notre foi dans un contexte où notre représentation de Dieu ne peut qu’être en perpétuelle évolution.
En résumé, Michel nous livre une synthèse de sa réflexion sur le sacré sous la forme d’un tableau…
Réunion du 19 mai 2017
Marie-Thérèse revient sur son expérience avec l’association d’aide aux homosexuels « Contact ». Des enfants subissent des situations terribles de rejet, ou encore pire, de chantage affectif de la part de leurs parents. La conformité à des normes morales supposées intangibles l’emporte sur la considération du vécu d’une personne concrète.
Ces crispations ne peuvent être surmontées que par des personnes qui côtoient au quotidien des personnes discriminées (homosexuels, migrants…). Les lois, règles et normes imposées par la vie en société n’ont de sens que si l’on prend conscience de leur relativité, de leur caractère évolutif. La hiérarchie et aussi une partie du peuple catholique continuent d’avoir un rapport obsessionnel et rigide à la sexualité.
Le strict respect de la forme d’une règle vient souvent occulter le sens de celle-ci. Ainsi, pourquoi vouloir s’acharner dans l’Église catholique à faire du mariage un sacrement, alors que cela n’a plus de sens pour nombre de catholiques ?
Jésus, lui, s’il n’a pas aboli la loi, a toujours su la remettre à sa juste place. Il nous considère comme des adultes dans la foi, il nous fait confiance pour mettre en œuvre l’amour du prochain. Par ses paroles et par ses comportements, il a refusé toutes les formes de discriminations, sans brusquer les personnes sur la route nécessairement progressive de leur « conversion ».
Nous sommes appelés à tracer notre propre chemin en suivant notre conscience, éclairée par les autres et par la prière (cf. Augustin, Thomas d’Aquin). Comme cela a été le cas pour Jésus, l’image que nous nous faisons de Dieu ne peut qu’en être profondément transformée.
Il faut sortir des conforts de nos certitudes, tout en veillant à ne pas remplacer un dogmatisme par un autre (il faut accepter que des formulations traditionnelles de la foi puissent garder du sens pour certains d’entre nous). L’essentiel, c’est de se reconnaître en situation de recherche permanente, le « dépôt » de la foi n’est jamais un acquis définitif.
Notes :
[1] http://nsae.fr/2017/05/04/sommes-nous-sort…se-du-modernisme/ [2] http://nsae.fr/2016/12/16/la-resurrection-mythe-ou-realite-de-john-spong/ [3] http://nsae.fr/2017/04/10/extraits-de-lart…ou-sans-religion/http://nsae.fr/2017/04/04/spiritualite-transreligieuse/
http://nsae.fr/2017/03/28/spiritualite-pour-un-temps-nouveau/
[4] http://nsae.fr/2016/12/02/comment-parler-d…jesus-aujourdhui/
“La spiritualité est fondamentalement communion, compassion avec tous les êtres (vivants ou non) dans un réseau infini d’interdépendances, de relations.”
cf. les 2 citations suivantes extraites du livre “Sources” d’Olivier Clément
Frère […] qu’en toi le poids de la compassion fasse pencher la balance jusqu’à ce que
tu sentes dans ton cœur la compassion même que Dieu a pour le monde.
ISSAC LE SYRIEN
Qu’est-ce […] que la pureté ? C’est un cœur compatissant pour toute la nature créée.
[…]
Et qu’est-ce qu’un cœur compatissant ? […] C’est un cœur qui brûle pour toute la création, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toute créature.
Lorsqu’il pense à eux, lorsqu’il les voit, ses yeux versent des larmes.
Si forte, si violente est sa compassion […] que son cœur se brise lorsqu’il voit le mal et la souffrance de la plus humble créature.
C’est pourquoi il prie avec larmes à toute heure […] pour les ennemis de la vérité et tous ceux qui lui nuisent, afin qu’ils soient gardés et pardonnés.
Il prie même pour les serpents dans l’immense compassion qui se lève en son cœur, sans mesure, à l’image de Dieu.
ISAAC LE SYRIEN