Depuis 2002, le Collectif des morts de la rue [1] dénombre les sans abri décédés et leur rend hommage. Un décompte qui interpelle et dénonce les causes souvent violentes de cette mortalité.
Chaque année en France, environ 500 personnes meurent d’avoir vécu à la rue. Des morts qui passaient quasiment inaperçues avant 2002, date à laquelle le Collectif des morts de la rue s’est constitué.
« A cette époque-là, des associations caritatives se sont rendu compte qu’elles étaient nombreuses à être confrontées à des décès de personnes sans chez soi, explique la coordinatrice du Collectif, Cécile Rocca. Elles ont commencé à publier des faire-part et à organiser des hommages, individuels et collectifs, aux morts de la rue. Au départ, nous voulions interpeller l’opinion et les pouvoirs publics sur le scandale que représentaient ces morts. »
Depuis quinze ans, l’interpellation prend la forme d’un hommage annuel public visant à rendre un peu de dignité à ceux qui s’éclipsent dans l’indifférence. Hommage poignant empreint de solennité et d’émotion.
Dans le silence du recueillement, quelques bénévoles égrènent les noms des personnes mortes dans l’année écoulée. Quand l’identité n’est pas connue, les mots “un homme“ ou “une femme“ remplacent les noms, avec, selon les informations fournies, l’âge, la date et l’endroit de la mort.
Il faut généralement plus de deux heures pour désigner chaque disparu : “Abdullah, 25 ans, le 15 mars à Calais… Fatoumata, 28 ans, le 17 octobre à Saint-Brieuc… Éric, 49 ans, le 2 novembre à Paris 14ème…“
49 ans ! L’âge moyen des morts de la rue. La rue ôte une trentaine d’années d’espérance de vie.
Au fur et à mesure qu’elle se développe, l’association reçoit des amis, des riverains et des parents des disparus que la mort d’un sans “chez soi“ endeuille.
« Nous avons commencé un travail d’accompagnement des proches de différentes manières, précise Cécile Rocca. En organisant des funérailles, en aidant à faire des démarches administratives, en constituant des groupes de parole… » Et même en formant d’autres structures à faire face à la mort des personnes qu’elles accompagnent.
Enquête « dénombrer et décrire »
À partir de 2012, la collecte de données est venue nourrir un projet plus scientifique. Celui d’établir des statistiques et de les communiquer aux institutions concernées par les personnes à la rue.
« Depuis cinq ans, nous menons une enquête qui s’appelle “Dénombrer et décrire la mortalité des personnes sans chez-soi“ [1], indique Cécile Rocca. Ce rapport de 150 pages est publié une fois par an, mais nous en faisons un résumé de 12 pages consultable sur notre site. »
Financé en partie par la Fondation Caritas et encouragé par la Direction générale de la cohésion sociale, ce rapport répertorie et détaille chaque décès en proposant de répondre à une centaine de questions standardisées concernant le parcours de vie (enfance, travail, logement, santé, relations) et éventuellement la cause du décès de chaque personne.
En l’état, cette étude est la plus précise sur ce sujet. Les chiffres sont partiels ainsi que les réponses au questionnaire standard. Mais Cécile Rocca appelle tous ceux qui le peuvent à alimenter ce rapport qui participe au changement de regard sur la vie de ceux qui meurent de la rue.
Clarisse Briot, Jacques Duffaut, Benjamin Sèze
Notes :
[1] http://mortsdelarue.org/spip.php?article320 [2] http://mortsdelarue.org/IMG/pdf/rapport_Denombrer_et_Decrire_la_Mortalite_des_personnes__SDF__2015_14_decembre_2016-2.pdfSource : https://secours-catholique.org/actualites/vivre-a-la-rue-comment-sortir-de-limpasse