L’ordre dominicain recadre trois de ses théologiens aux Pays-Bas
“La Croix” révèle le contenu du rapport envoyé par l’ordre des dominicains pour répondre à la brochure écrite par trois d’entre eux aux Pays-Bas, proposant que les communautés paroissiales élisent leurs prêtres.
Oui, le manque de prêtres crée une grave crise chez les catholiques d’un pays comme les Pays-Bas, où les messes ne peuvent plus être célébrées partout. Mais, si des solutions sont à envisager, comme l’ordination d’hommes mariés, elles ne peuvent être prises hors de la communion de l’Église, et surtout pas en opposition avec l’évêque du lieu.
Telle est, en substance, la réponse envoyée mercredi 23 janvier par l’ordre dominicain à ses trois membres théologiens qui ont publié en juin dernier une brochure intitulée Kerk en Ambt (« Église et ministère »), diffusée dans de nombreuses paroisses, et qui circule aujourd’hui dans tout le pays. Réponse dont La Croix a pris connaissance du texte intégral.
La brochure néerlandaise n’y va pas par quatre chemins. En une trentaine de pages, invoquant Vatican II, elle énonce la possibilité, en l’absence de prêtre, qu’une personne choisie par la communauté préside la messe : « Peu importe que ce soit un homme ou une femme, un homosexuel ou un hétérosexuel, une personne mariée ou un célibataire », précise Kerk en Ambt : « Prononcer ces paroles (de l’institution de l’Eucharistie) n’est pas une prérogative réservée au prêtre.
Ces paroles constituent l’expression consciente de la foi de la communauté tout entière. » Ce livret avait reçu l’approbation des supérieurs de la province néerlandaise des dominicains.
Pas disciplinaire, mais sévère
L’écho rencontré parmi les fidèles néerlandais a amené le cardinal Adrianus Simonis, primat des Pays-Bas en tant qu’archevêque d’Utrecht (il a, depuis, pris sa retraite), à saisir la Congrégation pour la doctrine de la foi. De manière peu habituelle, l’ancien Saint-Office a joué la subsidiarité. Il s’est dessaisi du cas, laissant l’ordre des prêcheurs traiter cette affaire.
La réponse de l’ordre prend la forme d’un texte du dominicain français Hervé Legrand, introduit par le maître de l’ordre qui le reprend à son compte. « Nous n’avons pas voulu donner une réponse disciplinaire mais nous placer, comme le document initial, sur un plan théologique », précise le P. Mario Couto, de la Curie dominicaine à Rome. Cependant, pour éviter une sanction canonique, les dominicains néerlandais se sont engagés à diffuser cette réponse partout où ils avaient envoyé leur brochure, c’est-à-dire au moins 1.400 paroisses.
Pas disciplinaire, donc, mais sévère. Car le rapport Legrand souligne les faiblesses du texte néerlandais sur la forme comme ses failles sur le fond, en distinguant les plans du constat, des propositions et de l’action préconisée.
En effet, le texte néerlandais formule des demandes d’actions, alors que, note le rapport du P. Legrand, « un provincial d’un ordre religieux n’en a, en tant que tel, ni compétence, ni responsabilité pour donner des directives aux paroisses de tout un pays ». Cela n’empêche pas, écrit le théologien français, de débattre, au contraire : « Il est légitime de proposer un débat pour approfondir tout grave problème mal résolu. »
Une opposition excessive qui disqualifie la hiérarchie
L’ordre dominicain reconnaît que la situation est grave : en certains diocèses des Pays-Bas, la moitié des célébrations se font en l’absence de prêtre. La brochure, renchérit le rapport, a le mérite de mettre le doigt sur une situation pour le moins chaotique, où « les discussions se concentrent sur les problèmes de pouvoir ».
Pour autant, l’initiative des dominicains néerlandais ne peut être acceptée. Le rapport pointe certaines faiblesses comme une opposition excessive base-hiérarchie qui disqualifie totalement la hiérarchie, notamment les évêques. De même, en évoquant ensemble le cas des hommes mariés, des homosexuels et des femmes, Kerk en Ambt opère un amalgame qui rend d’autant plus improbable une résolution de la question principale posée.
Sur le fond, le P. Legrand relève nombre d’affirmations en contradiction avec la doctrine catholique. On peut, explique-t-il, justifier que les paroissiens participent à l’élection des ministres ordonnés : « Cela fut une pratique fréquente dans les pays germaniques au moins jusqu’à la Réforme. » Mais l’élection n’a jamais suffi pour une ordination : depuis les origines de l’Église, il y a un lien constant entre communion eucharistique et communion ecclésiale, la première ne pouvant être célébrée sans que soit acquise la seconde.
De ce fait, en affirmant que l’eucharistie peut être célébrée par un chrétien même non ordonné par l’évêque, Kerk en Ambt ne prône rien moins qu’une conduite schismatique. Le rapport, repris par le maître de l’ordre, rappelle que Vatican II ne dit rien en ce sens.
Célibat des prêtres, “il faut un débat”
La conclusion est claire : « Personne ne pourra s’étonner que le Maître de l’ordre, non informé au préalable, prenne ses propres responsabilités devant une initiative aussi publique » et désavoue clairement ce texte. Mais le texte d’Hervé Legrand ne s’arrête pas là. Refusant d’évacuer la question de fond, celle du manque de prêtres, il rappelle que « le statut actuel des prêtres n’est pas l’unique possible ». La loi du célibat est d’ordre disciplinaire et non dogmatique, et « les pasteurs pourraient donc moduler la loi du célibat si elle s’avérait aujourd’hui la cause principale du manque de prêtres ».
La question du célibat des prêtres, évoquée par des évêques lors du Synode sur l’Eucharistie, en octobre 2005, avait été refermée ensuite. « Dans l’Église comme dans l’ordre, estime le P. Couto, il faut un débat. Avec cette réponse, nous reconnaissons que la situation est difficile et que, si les conclusions de Kerk en Ambt doivent être rejetées, il existe des solutions acceptables, qui ont été évoquées à plusieurs reprises, comme l’ordination d’hommes mariés. »
Une manière, conclut le rapport, de « dire publiquement sa préoccupation de voir tant de membres du peuple de Dieu continuer à errer comme “un troupeau sans pasteur”. »
Isabelle DE GAULMYN, à Rome
La critique émanant de l’ordre des Dominicains à l’égard de la brochure diffusée par les Dominicains néerlandais est très rigoureuse sur le plan théologique et verse même dans le juridisme mais elle ignore le fond du problème la remise en question des dogmes totalement inadaptés à notre époque. On est parti pour de longs débats sur les conditions dans lesquelles l’Eucharistie sera organisée, mais on n’abordera pas le problème de fond de sa signification (sacrifice de rédemption, commémoration, présence réelle, etc) bien trop dangereux pour la croyance dans les dogmes.
Je ne vois pas où est le progrès si on ne pose pas les vraies questions et se perd dans de savantes discussions byzantines.
Pour moi et bien d’autres il ne s’agit que d’une bataille d’arrière-garde qui masque et retarde la recherche d’une vraie spiritualité.
Bon courage pour les escarmouches inintéressantes !