Présentation de l’Observatoire Chrétien de la Laïcité
La création de l’OCL est à situer dans le cadre des travaux de la Commission laïcité qui s’est constituée en novembre 2002 à l’Assemblée générale des Parvis à Berden en 2002.
Les cinq associations qui ont participé régulièrement dés lors à cette commission, grâce à l’apport sur ce point important de NSAE et de DLE, ont d’abord pris en considération les problèmes posés par la construction de l’Europe.
Ce fut d’abord le traité de Nice sur les valeurs communes de l’Europe à cours de laquelle l’amendement Jospin- Chirac écartant la notion de religion comme source des valeurs communes pour la remplacer par celle de spiritualité et d’humanisme fut l’objet d’une levée de bouclier, dans « Témoignage Chrétien », de la part de nombreux « intellectuels chrétiens » en faveur d’une « laïcité ouverte ».
Ce terme très ambigu pouvait ou bien n’être que la crainte de voir niée la part du religieux (surtout chrétien en l’occurrence) dans l’histoire de l’Europe et dans la vie de la société civile actuelle, ou bien représenter une revendication très précise de l’épiscopat et du Vatican- relayée par des organisations de droite et d’extrême droite- concernant une « nouvelle représentativité » de l’Eglise dans le cadre même des Institutions européennes et des rapports Eglise- Etat en général.
Avant même la constitution de la commission laïcité les cinq organisations avaient analysé cette ambiguïté et s’étaient désolidarisées de la réaction épidermique exprimée dans T.C. Elles notaient entre autre qu’un texte constitutionnel n’est pas un texte historique mais juridique et qu’il doit, en ce qui concerne les valeurs, s’appuyer sur ce qui rassemble les européens, qui ne peut être que les Droits de l’Homme et du Citoyen. Elles refusaient avec force l’idée d’une représentation politique particulière du Vatican dans le cadre institutionnel européen.
En tout cas ce qui semblait nécessaire c’était de bien redéfinir la notion de laïcité. Nous pensions que celle ci avait tendance à se dissoudre dans une sorte de tolérance civile molle, accompagnant paradoxalement – car il fallait trouver des « repères »- les revendications catholiques (entre autres) en faveur d’une expertise officiellement reconnue dans le domaine de la morale (au sens « romain » du terme)
C’est pourquoi la commission décidait d’organiser à Paris le colloque sur l’avenir laïque de l’Europe. Je passe sur les détails de la préparation, l’organisation, le déroulement. Prés de 200 participants. Des interventions, soit des orateurs, soit de la salle, reconnus comme remarquables par tous ceux qui en ont eu connaissance. Une approche de la notion de laïcité à la fois riche et rigoureuse. Les actes du colloque ont été remis à la presse, à des personnalités(plus de 50) et vendus :plus de 500.
En juin 2003 la commission laïcité pour se donner les moyens de poursuivre son travail et s’ouvrir sur d’autres courants (humanistes ou d’autres courants spirituels et religieux laïques : musulmans, juifs, etc.) décide de créer l’Observatoire Chrétien de la Laïcité. Ses buts : Réagir à l’événement ; approfondir notre conception de la laïcité et ses conséquences sur notre conception de la Foi et de l’Eglise ; rencontrer pour approfondir avec eux l’idée de laïcité les laïques d’autres religions (musulmane- juive) ou d’autres convictions philosophiques.
Cet Observatoire verra publiquement le jour le 11 septembre 2003 en même temps qu’est publié le Manifeste dans lequel nous avons cherché (et ce fut un long travail de rédaction et d’ échanges) à bien préciser à la fois ce qui fait à nos yeux les bases théoriques et juridiques de la laïcité et pourquoi nous nous présentons comme chrétiens, sans pour autant prétendre à une autre conception de la laïcité que celle qui a prévalu dans notre histoire (notamment les lois de 1905)
Grâce à Temps Présent qui en payé l’insertion dans le Monde, le Monde Diplomatique et témoignage Chrétien nous sommes désormais connus en France et à l’étranger dans les milieux humanistes et chez les catholiques réunis dans Eglise de Liberté (la presse italienne par exemple en fait état). Nombreuses réactions : courrier postal et électronique. Presque toujours de remerciement, de félicitations, d’adhésion aux idées du Manifeste. Grâce au Manifeste, 200 nouveaux abonnements ont été faits à la revue des réseaux du Parvis. Il faut aussi noter l’ouverture que le Manifeste a permis avec les milieux maçonniques et autres tendances humanistes agnostiques ou athées. Des contacts sont en train de se nouer.
Les réactions de certains de nos amis proches (notamment à l’intérieur du Parvis) nous montrent qu’il faut clarifier la distinction public- privé souvent mal comprise ou interprétée dans un sens qui nous est étranger ( en ramenant le privé à la seule sphère de la vie strictement individuelle).
Parallèlement à cette élaboration et cette diffusion du manifeste l’OCL a agi auprès des autorités compétentes (premier ministre, ministre des affaires étrangères et ministre déléguée aux affaires européennes) pour demander la suppression de l’article 1-51 du projet de Constitution européenne. Cet article en effet prévoit une place à part (« en raison de leur identité et leur contribution spécifique ») aux Eglises, religions et associations philosophiques. Ces dernières ne sont là que pour une fausse symétrie, car c’est essentiellement le Vatican qui est bénéficiaire de l’opération- même si officiellement l’Eglise Réformée y voit aussi un intérêt- car les associations philosophiques en question sont très majoritairement opposées à cet article que ne demandent que quelques associations courroie de transmission du Vatican ou de mouvements conservateurs. Par ce biais l’Eglise catholique institutionnelle aurait une double représentation européenne : par le biais de ses nonces, en tant qu’Etat, par le biais de la société civile en tant que religion ! Elle serait évidemment la seule à avoir ce privilège.
Malheureusement nos ministres ne semblent pas avoir compris de quoi il s’agissait, contrairement au gouvernement belge qui demande la suppression de cet article 51.
Ajoutons encore que nous ne considérons pas que les positions de l’Eglise catholique dans le domaine moral où elle se prétend particulièrement experte ne sont pas représentatives, vu l’organisation monarchique de l’Institution, et que c’est comme citoyens que nous sommes présents dans le cadre des Institutions démocratiques de l’Etat ou de la future Union européenne, car nous récusons toute forme de communautarisme.
Nos tentatives de dialogue avec des musulmans laïques n’ont pas abouti pour le moment, car les personnes que nous avons contactées ne nous ont pas répondu. Un contact avec Olivier Roy spécialiste de l’Islam en France n’a pas non plus abouti faute de disponibilité du chercheur. Ces voies restent bien sur ouvertes.
Enfin il faut bien aborder la question d’actualité depuis des mois : le voile islamique.
Nous avons écrit à M. Stasi pour nous faire connaître dés la mise en place de la commission. Malgré l’appui de certains membres de la commission, celle ci n’a pas jugé utile de nous recevoir. Ce choix ne nous laisse aucune amertume car il y avait bien d’autres témoignages à recevoir.
Nous sommes conscients des dimensions très complexes du phénomène (récent) que représente le voile à l’école qui n’est qu’un aspect des tentatives communautaristes dans les hôpitaux, les syndicats (d’étudiants musulmans), les piscines,…etc.
Nous voyons clairement que le problème posé est d’abord celui de la discrimination sexuelle et de la soumission des femmes, revendications à l’œuvre dans le discours des islamistes. Nous voyons aussi, plus profondément, la pression politique -souvent adroite- des intégristes musulmans pour imposer le communautarisme qui transforme les cités en ghettos fermés et par ce biais réussir l’application au moins locale de la Charria sous sa forme la plus totalitaire. C’est bien la démocratie qui est en cause. C’est pourquoi nous ne serons pas de ceux qui parlent d’atteinte aux libertés religieuses à propos de l’interdiction du voile à l’école.
Mais nous hésitons et sommes partagés sur l’opportunité d’une loi, surtout telle qu’elle est proposée actuellement- et ridiculisée de plus par les propos décousus du Ministre de l’Education.
Nous soulevons à ce sujet deux questions :
Il y a un lien évident entre l’offensive intégriste et la situation d’exclusion des « quartiers » comme on dit. Lutter contre cet intégrisme c’est aussi et d’abord lutter politiquement, économiquement et socialement contre l’exclusion. Où est cette volonté politique quand on n’envisage que le voile ?
Il faudrait faire très attention de ne pas sanctionner par une loi abrupte et schématique des victimes du port du voile. Certes toutes les filles qui portent le foulard ne sont pas des victimes, mais la plupart sont sous la pression sinon de leur famille du moins du milieu social noyauté et de plus en plus influencé par l’intégrisme intolérant qui joue à la fois de douceur dans les discours et de violence morale (voire physique) dans les faits.
Enfin un dernier mot, en marge si on peut dire, les Evêques de France qui soulignaient que le voile pose le problème de l’égalité des hommes et des femmes pourraient aussi lutter pour cette égalité dans l’Eglise catholique.
Dernière intervention en date de l’OCL notre communiqué de presse en réaction aux vœux du pape. Nous y signalons en particulier que la laïcité n’est pas la distinction de l’Eglise et de l’Etat comme le dit le pape car cette distinction peut très bien servir les intérêts de l’alliance du Trône et de l’Autel mais la séparation telle qu’elle est clairement définie dans la loi de 1905.
Jean Riedinger, Secrétaire de l’OCL
Assemblée Générale de NSAE (“De l’utopie à l’exigence vitale”)
Samedi 24 janvier et Dimanche 25 janvier 2004