La laïcité est en péril. Ce n’est plus, cette fois, une accumulation d’attaques détournées, mais une remise en cause violente et globale. Le président de la République, déjà inspirateur de la commission Machelon, mène l’offensive avec la plus grande brutalité. Nul procès d’intention de notre part, mais de simples constats :- Proclamer la supériorité de la religion sur les autres types de convictions, c’est détruire la laïcité. On bafoue ainsi l’égalité de traitement des citoyens. Aux uns, la reconnaissance publique de leurs convictions, avec les éventuels privilèges financiers que cela entraîne. Aux autres l’assignation de leurs convictions à la seule sphère privée. Une telle discrimination renie la devise républicaine.
– Affirmer une telle hiérarchie est inacceptable de la part d’un président de la République dans l’exercice de ses fonctions. Nul n’a donné mandat au Président pour fixer une norme en matière de conviction personnelle. Si la laïcité n’est pas le seul modèle politique dans lequel la liberté de conscience est assurée, elle se distingue des autres Etats de droit par le silence imposé à la puissance publique sur les différents types de conviction. C’est ce silence même qui assure un égal respect à tous. En rompant ce silence, le président de la République introduit une inégalité morale entre les citoyens et enfreint la Constitution qui fait de la France une République laïque.
– Prétendre que l’instituteur ne peut éclairer la distinction du bien et du mal comme le fait le pasteur ou le curé, c’est disqualifier l’autonomie de jugement dont l’école laïque assure la promotion. Une telle autonomie a évidemment un sens moral et civique autant qu’intellectuel. Elle est gage de lucidité – et n’a donc rien à envier à la direction de conscience religieuse. Insinuer que la République est muette sur les valeurs est tout aussi inacceptable. Son souci de promouvoir la liberté, l’égalité et la fraternité ne passe certes pas par un catéchisme. Mais elle fait le pari de la conscience éclairée pour développer ces valeurs. Miser sur l’autonomie des personnes en la fondant sur la maîtrise du savoir et s’interdire tout endoctrinement, tel est l’honneur de la république laïque et des enseignants qui la font vivre dans les écoles.
– Brouiller la distinction entre culturel et cultuel afin de rétablir le financement public des religions, c’est détruire la laïcité. Outre ses résonances communautaristes contraires à l’universalisme républicain, l’amalgame entre culture et religion constitue un prétexte. Il est conçu pour contourner la loi qui réserve le financement public à ce qui est d’intérêt commun. La culture a une portée universelle, le culte une portée particulière. Payé par tous, l’impôt doit être dépensé pour tous. Le détournement des fonds publics ainsi envisagé est d’autant plus inacceptable que dans le même temps les missions de service public de l’Etat sont remises en cause par une privatisation croissante. Va-t-on sacrifier ce qui est d’intérêt universel sur l’autel du particulier?
Face à une offensive sans précédent depuis longtemps, la plus large mobilisation pour la laïcité est à l’ordre du jour. L’enjeu est de taille : assurer la coexistence sereine de personnes issues des traditions les plus diverses en émancipant la loi commune de tout particularisme. Avant toute chose une parfaite clarté sur les objectifs s’impose. Bien sûr, il faut réaffirmer la liberté de conscience, premier des principes laïques. Mais celle-ci doit aller de pair avec l’égalité de traitement des convictions, second principe rendu possible par la neutralité de la République et la loi qui sépare l’Etat des autorités religieuses. Selon le troisième principe, les institutions publiques ne doivent pas avoir d’autre but que l’intérêt de tous. Le moment est venu de réaffirmer ces trois principes et de les défendre comme un tout face aux empiètements dont la laïcité ne cesse de faire l’objet. Et de rappeler fermement que ces empiètements ne sauraient faire jurisprudence.
Non à toute réécriture de la Loi du 9 Décembre 1905 !
Non à son contournement insidieux par quelque voie réglementaire que ce soit !
Non au tarissement de l’action publique à finalité universelle !
Non à la généralisation des entorses multiformes à la laïcité !
Le mouvement laïque saura s’unir pour empêcher toute régression de la laïcité, qui signerait une régression de la république elle-même.
Où en êtes-vous de l’examen de mes deux demandes ?
1 – la saisie du Conseil constitutionnel pour discours de Latran contraire à la Constitution
2 – constitution d’un front, le plus large et le plus cohérent possible, pour la défense de la laïcité.
Avez-vous eu connaissance de l’article de la CFDT sur le traité de Lisbone et de l’appel à signer la pétition de la Ligue de l’Enseignement pour la défense de la laïcité.
Michel PERRIN
Tout comme pour l’analyse de J-L Mélanchon, je suis en total accord avec cette mise au point et je remercie son auteur.
Le discours de N.Sarkosy à St-Jean-de-Latran exprime les opinions d’un individu partisan qui est en même temps le Président de la République française; il a donc un caractère on ne peut plus officiel.
Les propos tenus étant contraires à la Constitution, ne pourrait-on pas déposer ou faire déposer une plainte auprès du Conseil Constitutionnel ?
Dès maintenant il faut s’unir pour réagir sans délai avec la plus grande fermeté, tant le personnage devient dangereux.
Michel Perrin