Entreprises : profil bas, profit haut…
Total, star française des profits
Les années se suivent et se ressemblent pour Total. À peine la compagnie française a-t-elle annoncé, hier, de nouveaux superprofits, qu’elle a été aussitôt la cible de l’UFC-Que choisir. L’association de consommateurs réclamant une « contribution citoyenne » de la part d’un groupe dont le résultat net ajusté a atteint 12,2 milliards d’euros en 2007. Soit le plus gros bénéfice enregistré par une entreprise française l’année dernière.
Cette performance, si notable soit-elle, ne constitue toutefois pas un record absolu pour Total. Par ailleurs, elle était relativement attendue, le groupe dirigé par Christophe de Margerie ayant, comme la totalité de ses grands concurrents, profité à plein de l’inflation du baril. Celui-ci, pendant le dernier trimestre 2007, n’a cessé de flirter avec la barre fatidique des 100 dollars, franchie finalement au tout début de cette année.
Cependant, les bénéfices de Total n’ont pas grimpé avec la même intensité que la courbe du baril. À cela une bonne raison : les pays producteurs prélèvent une quote-part de plus en plus importante – et c’est tant mieux ! – sur les revenus des grandes compagnies. Au Venezuela par exemple, cela a conduit Total à réduire sa part dans le consortium qui exploite le champ de Sincor. Avec, en contrepartie, une indemnisation de 834 millions de dollars octroyée par Caracas la semaine dernière.
De même, les profits des pétroliers sont atténués par une croissance soutenue des investissements. Ils atteindront 19 milliards de dollars chez Total en 2008, contre 16 milliards en 2007. Cet effort est rendu quasiment obligatoire par l’augmentation des coûts en amont. Explorer puis développer un champ revient en effet de plus en plus cher. Plus de 60 dollars par baril dans certains champs contre moins de 10 dollars en Arabie saoudite…
ArcelorMittal engrange, Gandrange casque
Ni la crise des subprimes ni la menace de récession américaine ne semble inquiéter le patron d’ArcelorMittal. En 2007, le groupe a réalisé un bénéfice net en hausse de 30 % (7,5 milliards d’euros) pour un chiffre d’affaires qui grimpe de 18,8 % (105,2 milliards d’euros). Mieux que bien. Voilà le diagnostic que Lakshmi Mittal a hier dressé sur son groupe et sur la sidérurgie mondiale. ” Notre industrie évolue dans des conditions favorables ” et ” ceci va être le cas tout au long de l’année 2008 “. Là où l’affaire devient intéressante c’est que le groupe a affiché ces résultats canons sans augmenter sa production d’acier. Donc uniquement grâce à des hausses de prix. C’est le privilège des mastodontes (ArcelorMittal est trois fois plus gros que le numéro 2, Nippon Steel) que de se retrouver en position de force vis-à-vis de ses clients (l’industrie automobile) pour imposer ses prix.
Et Gandrange ? En janvier, lorsque Lakshmi Mittal a dévoilé son plan prévoyant près de 600 suppressions de postes sur 1 000 à Gandrange (Moselle), il savait qu’ArcelorMittal dégagerait un bénéfice énorme en 2007. L’annonce officielle, hier, des profits records générés par le numéro 1 mondial de l’acier n’a donc rien changé : « Nous pensons que l’option que nous offrons est la meilleure solution pour la Lorraine », a-t-il soutenu à Luxembourg, siège du groupe.
Contre-projet. Le résultat exceptionnel donne en tout cas du grain à moudre aux syndicats, qui se battent pour le maintien de l’intégralité des emplois du site, avec l’étonnant renfort d’un Nicolas Sarkozy promettant que l’Etat investira sur place. « C’est 30 % de bénéfices en plus par rapport à 2006. C’est incroyable qu’on ne puisse pas en investir un petit peu dans les outils qu’on a ici ! », s’étonne Jacky Mascelli, de la CGT. « Jamais dans l’histoire de l’acier une entreprise n’a dégagé de tels profits, poursuit Edouard Martin, de la CFDT. Aujourd’hui, les industriels européens n’arrivent pas à faire face à la demande d’acier et on table sur une croissance annuelle de 5 % à l’avenir ». Le cabinet d’experts mandaté par le comité d’entreprise (CE) planche actuellement sur un contre-projet industriel pour le site, qui a perdu 36 millions d’euros en 2007.
«Combattre». Il faudrait injecter de l’argent dans la modernisation de l’aciérie et la formation des 300 jeunes embauchés au cours des dernières années. « En chiffre, ça fait entre 30 et 50 millions d’euros, affirme Edouard Martin. Même pas 1 % des bénéfices du groupe et même pas 10 % des dividendes que va engranger la famille Mittal, qui s’élèvent à 637 millions d’euros… » Unie face aux profits d’ArcelorMittal, l’intersyndicale ne s’en déchire pas moins en coulisses. La CGT annonce qu’elle « se réserve le droit de torpiller en justice l’accord de méthode » qui devrait être validé aujourd’hui par le CE grâce aux voix de la CFDT et de la CFE-CGC. Elle reproche à cet accord d’imposer le 4 avril pour la fin des discussions sur le projet industriel. « Attendons que le contre-projet soit présenté aux salariés, à Mittal et aux pouvoirs publics, explique Jacky Mascelli. Quand tout le monde aura donné son avis, on pourra dire que la discussion est close. » « Si cet accord s’applique, tout sera bouclé le 4 avril et Mittal aura eu ce qu’il voulait, poursuit Me Blindauer, l’avocat de la CGT. On ne peut tout de même pas rendre les armes sans combattre ! »