La Turquie s’engage dans une révision radicale des textes islamiques
La Turquie s’apprête à publier un document qui représente une réinterprétation révolutionnaire de l’Islam – et une modernisation radicale et controversée de la religion.
Le puissant Département des affaires religieuses turc a chargé une équipe de théologiens de l’Université d’Ankara de mener une révision fondamentale des Hadiths, le deuxième texte le plus sacré de l’islam après le Coran.
Les Hadiths sont une conpilation de milliers de “propos” réputés provenir du prophète Mahomet lui-même. A ce titre, ils constituent le principal guide pour les musulmans dans l’interprétation du Coran et la source de la grande majorité de la Loi islamique, ou Charia.
“Il s’agit d’une entreprise de nature semblable à la Réforme chrétienne. Pas exactement la même, mais … it’s changing the theological foundations of [the] religion elle affecte les fondements théologiques de [la] religion.” (Fadi Hakura, spécialiste de la Turquie à la Chatham House)
Mais l’État turc en est venu à considérer les Hadiths comme ayant souvent une influence négative sur une société qu’il veut rapidement moderniser, et les croit responsables de l’obscurcissement des valeurs originelles de l’islam.
Il affirme qu’un nombre significatif de ces “dits” ne furent jamais prononcés par Mohammed, et que même certains qui le furent ont désormais besoin d’être réinterprétés.
“Réforme”
Selon certains commentateurs, la théologie même de l’Islam est en cours de réinterprétation dans le but d’opérer une refonte radicale de la religion.
Les partisans de ce mouvement affirment que l’esprit de logique et de raison inhérents à l’Islam lors de sa fondation il y a 1.400 ans sont en cours de redécouverte. Certains estiment que cela pourrait représenter le début d’une réforme dans la religion.
“Certains messages interdisent aux femmes de voyager sans l’autorisation de leur mari… Mais ce n’est pas un interdit religieux. Cela s’est fait tout simplement parce qu’il n’était pas prudent pour une femme de voyager seule.” (Professeur Mehmet Gormez, spécialiste des Hadiths au Département turc des affaires religieuses)
Les autorités turques ont été jusqu’à présent réticentes à l’idée de la révision des Hadiths, conscientes de la controverse qu’une telle entreprise est susceptible de provoquer chez les musulmans traditionalistes, mais ils ont parlé du projet à la BBC, et de leurs objectifs ambitieux dans ce sens.
L’examen “médico-légal” des Hadiths a eu lieu à l’Ecole de Théolgie de l’Université d’Ankara. Un conseiller du projet, Felix Koerner, explique qu’il peut être démontré que certains des “dits” – reconnus individuellement comme “hadith” – ont été inventés des centaines d’années après la mort du prophète Mohammed, pour servir les besoins de la société de l’époque. “Malheureusement on peut justifier, même par le biais de prétendus hadith, la pratique musulmane – ou pseudo-musulmane – de mutilation génitale féminine“, dit-il.
«Vous pouvez trouver des messages qui disent : “c’est ce que le Prophète nous a ordonné de le faire.” Mais, historiquement, on peut montrer comment ils sont nés, comme des influences d’autres cultures, qui ont ensuite été projetées sur la tradition islamique. ”
Le coeur du débat est que la tradition islamique a été progressivement détournée par diverses cultures – souvent conservatrices -, cherchant à utiliser la religion pour diverses formes de contrôle social.
Les promoteurs du projet concernant les Hadiths soulignent que des générations successives ont embelli le texte, attribuant leurs objectifs politiques au prophète Mohammed lui-même.
Révolutionnaire
La Turquie a l’intention de balayer ce « bagage culturel » et de retourner à une forme d’Islam qu’elle affirme être en accord avec ses valeurs d’origine et celles du Prophète.
Mais c’est ici que la nature révolutionnaire de l’entreprise devient évidente : même certains propos reconnus comme ayant été réellement prononcés par Mohammed ont été modifiés et réinterprétés.
Le Professeur Mehmet Gormez, un haut fonctionnaire du Département turc des Affaires Religieuses et un spécialiste des Hadiths, livre un exemple éloquent. “Il y a certains messages qui interdisent aux femmes de voyager pendant trois jours ou plus sans la permission de leur mari et ils sont authentiques. Mais ce n’est pas un interdit religieux. Cela s’est fait parce que, du temps du Prophète, il n’était tout simplement pas sûr pour une femme de voyager seule comme ça. Mais à mesure que le temps a passé, les gens rendu permanent que ce qui était seulement censé être un interdit temporaire pour des raisons de sécurité. ”
Le projet justifie une ingérence si intrépide dans le contenu quatorze fois centenaire des Hadiths par une recherche académique rigoureuse.
Le professeur Gormez fait remarquer que, dans un autre discours, le Prophète a déclaré qu’ ” il aspirait au jour où une femme pourrait se déplacer sur de longues distances seule “. Aussi, soutient-il, l’objectif du Prophète était clair.
Esprit originel
Pourtant, jusqu’à présent, l’interdit est resté dans le texte, et contribue à limiter la libre circulation de certaines femmes musulmanes jusqu’à ce jour.
“Il ya aussi de la violence contre les femmes au sein des familles, y compris le harcèlement sexuel … Cela n’existe pas dans l’islam … Nous devons le leur expliquer.” (Hulya Koc, une “vaize”)
Dans le cadre de son programme dynamique de renouveau, la Turquie a donné une formation théologique à 450 femmes, et les a nommées imams supérieurs ou “vaizes”. Elles ont eu la tâche d’expliquer l’esprit original de l’islam aux communautés isolées des vastes contrées intérieures de Turquie.
Une de ces femmes, Hulya Koc, a fait face à une mer de foulards lors d’un rassemblement urbain en Turquie centrale, et a parlé à ces femmes de l’égalité, de la justice et des droits humains établis par une interprétation correcte du Coran – une interprétation guidée et confirmée par la version révisée des Hadiths.
Elle dit que, en ce moment même, l’Islam est largement utilisé pour justifier la suppression violente des femmes. “Il ya des crimes d’honneur“, explique-t-elle. “Nous apprenons que certaines femmes sont tuées pour avoir épousé la mauvaise personne s’être enfuies avec quelqu’un qu’elles aiment.”
“Il ya aussi de la violence contre les femmes au sein des familles, y compris le harcèlement sexuel par des oncles et d’autres. Cela n’existe pas dans l’Islam … nous devons le leur expliquer.”
“Nouvel Islam”
Selon Fadi Hakura, un spécialiste de la Turquie de la Chatham House à Londres, la Turquie ne fait rien moins que recréer l’Islam – le transformant d’une religion dont les règles doivent être obéies, en une religion conçue pour répondre aux besoins des personnes dans une démocratie laïque moderne.
Il dit que pour y parvenir, l’État est en train de façonner un nouvel islam. “Ceci est de nature semblable à la Réforme chrétienne“, dit-il. “Pas exactement la même chose, mais si vous y pensez, cette entreprise est en train de changer les fondements théologiques de [la] religion“.
Fadi Hakura croit que, jusqu’à présent, la Turquie laïque a tenté de créer une nouvelle politique pour l’Islam. ” Maintenant, dit-il, ils tentent de façonner un nouvel islam.”
De manière significative, l'”Ecole d’Ankara” de théologie qui travaille sur les nouveaux Hadiths a utilisé les techniques et la philosophie critiques occidentales.
Ils ont aussi franchi une étape encore plus intrépide – rejeter une règle établie de longue date des érudits musulmans voulant que les textes plus tardifs (et souvent plus conservateurs) l’emportent sur les textes que les précèdent. “Il faut les voir comme un tout», affirme Fadi Hakura.
«On ne peut pas dire, par exemple, que les versets de violence l’emportent sur les versets de la paix. Ceci est beaucoup utilisé au Moyen-Orient, ce genre d’idéologie.” “Je ne peux pas souligner suffisamment ce que [ce changement] a de fondamental.”
Source : BBC NEWS (http://news.bbc.co.uk/go/pr/fr/-/2/hi/europe/7264903.stm), publié le 26 février 2008 à 14:43:58 par Robert Pigott, correspondant “Affaires religieuses” pour la BBC
Je pense qu’il ne faut pas douter a priori de la sincérité de la démarche du gouvernement turc. Il y a peut-être en effet une certaine dimension de démagogie séductrice à l’intention de l’UE, mais ce n’est peut-être pas l’unique motivation. En tout cas, ce n’est pas une raison pour préjuger des résultats. Remettre en question la validité du corpus des hadith n’est pas une chose anodine. En terre d’Islam, cette démarche est courageuse et, si elle aboutit, sera peut-être un véritable pas en avant. affaire à suivre.
Beaucoup de verbiage dans cet article. Beaucoup de fumée pour masquer le vide. ” Much ado for nothing.” aurait écrit Shakespeare.
Après le vote du Parlement supprimant l’interdiction du port du voile dans les universités qui apparaît comme une victoire du fondamentalisme, on peut douter d’une orientation vers une libéralisation de l’islam et l’abandon de pratiques réactionnaires.
Ce type d’article est à destination de l’Union Européenne pour compenser une politique islamiste (vote cité plus haut, refus de reconnaître le génocide arménien, intervention de l’armée en Irak pour pourchasser les Kurdes, refus d’une négociation avec la minorité kurde, …)