Pauvre Amazonie…
Le nouveau ministre de l’Environnement brésilien, Carlos Minc, le reconnaît. Sa mission s’annonce délicate, après la démission mardi de Marina Silva, figure emblématique du gouvernement de Luiz Inacio Lula da Silva. Amie de longue date du président, Marina a jeté l’éponge, lassée par cinq années de lutte contre les intérêts économiques qui privilégient les exportations agricoles, l’élevage et les biocarburants. Autant d’activités qui grignotent chaque jour un peu plus l’Amazonie. Or, selon les dernières données de février, la déforestation a repris de plus belle en 2007 : entre août et décembre, plus de 3 200 kilomètres carrés ont été détruits.
Il aura fallu toute la force de persuasion de Lula pour convaincre Carlos Minc, écologiste de toujours, qui fut l’un des fondateurs du parti vert, et depuis un an secrétaire à l’Environnement de l’État de Rio de Janeiro. « Je ne voulais pas ce poste, je préférais de loin poursuivre le travail très important que nous avons entamé à Rio », a expliqué le ministre au Figaro. Avant d’accepter, il a posé ses conditions, notamment d’avoir carte « verte » pour former son ministère, que l’environnement soit partie prenante des arbitrages sur la politique industrielle, que les licences environnementales ne soient pas attribuées aux entreprises pour des raisons politiques. Le sujet est particulièrement sensible, le président Lula ayant à plusieurs reprises critiqué la lenteur du ministère pour lancer des travaux d’envergure en Amazonie, comme la construction d’usines hydroélectriques. « Nous pouvons faire très vite tout en étant très rigoureux », se targue le nouveau ministre, qui cite en exemple une licence obtenue en un temps record, moins de six mois, par le géant pétrolier Petrobras, pour implanter un complexe industriel de 10 milliards de dollars dans l’État de Rio. « Nous avons imposé des contreparties très importantes pour la préservation de l’environnement », insiste-t-il.
Cinquante millions d’hectares protégés d’ici à 2010
Pour mener à bien sa nouvelle mission, Carlos Minc compte sur son expérience politique : 20 ans de mandat, plus de 100 lois à son actif. À court terme, il veut transposer des initiatives menées à Rio pour enrayer la destruction de la plus grande forêt tropicale du monde. Il propose notamment de rémunérer des petits producteurs qui se lanceront dans des projets de biodiversité, de mettre en place des bataillons de gardes forestiers pour surveiller les unités de conservation ou encore de lancer une loi fiscale « verte » Amazonie. Les mairies qui créeront des réserves nationales recevront un pourcentage plus important prélevé de l’ICMS (impôt sur la circulation des marchandises et des services). S’il reconnaît ne pas être un spécialiste du sujet Amazonie, contrairement à son prédécesseur, il entend s’entourer de spécialistes, notamment Jorge Viana, ex-gouverneur d’Acre. « Nous devons mettre en place une stratégie différenciée », ajoute-t-il. Carlos Minc suggère de réglementer les activités illégales d’élevage et de coupe de bois sur l’arc de déforestation qui s’étend du nord du Maranhao au nord de l’État de Goias (voir carte), de développer des industries non polluantes dans les zones déboisées qui doivent profiter aux 25 millions d’habitants de la forêt mais aussi d’augmenter les zones protégées. Son objectif est de passer d’ici à 2010 de 20 millions à 50 millions d’hectares. Mais s’occuper d’environnement au Brésil, cela signifie aussi s’intéresser aux 150 millions de Brésiliens qui ne vivent pas en Amazonie. « 70 % des habitations n’ont pas accès au tout-à-l’égout. C’est inadmissible », lance-t-il.
Auteur : Anne Cheyvialle (Le Figaro), 16 mai 2008
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