Merci et adieu, Jean-Jacques !
Jean-Jacques de Félice est décédé samedi 26 juillet, à Paris. Le Larzac rend hommage à celui qui fut le premier avocat de la lutte contre l’extension du camp militaire.
« Le camp militaire fut sa première rencontre avec le Larzac, quand en 1960, en pleine guerre d’Algérie, il rendit visite à Mourad Oussedik, l’avocat du FLN interné avec des militants algériens. Le paysage du Larzac l’avait marqué et il se plaisait à dire, des années plus tard, que ce pays était une des rares régions où l’on pouvait marcher des heures sans être bloqué par une clôture.
[….] Pendant des années, en France et sur le Larzac, il apporta un soutien juridique et moral aux objecteurs de conscience et aux renvoyeurs de livrets militaires. Parmi les avocats qui défendaient la cause kanak, il fut le premier à créer des liens entre la Kanaky et le Larzac, en particulier avec la venue de Jean-Marie Tjibaou sur le plateau.Il défendait toutes les atteintes aux libertés, surtout celles qui venaient des Etats. Sa vie fut un combat contre toutes les formes d’injustice, un combat pour des causes justes, même celles qui semblaient perdues… et le Larzac en faisait partie.
Le jeudi 31 juillet, lors de son inhumation au cimetière du Père-Lachaise à Paris, une foule nombreuse entourait sa famille. Plusieurs personnalités, des juristes, des avocats, des représentants d’associations, étaient venus lui rendre hommage. Le crématorium était trop petit pour contenir toutes les personnes et nombre d’entre elles demeurèrent sur les grandes marches de l’entrée.
La cérémonie d’adieu recueillit une quantité de témoignages aussi émouvants les uns que les autres, tous pleins d’admiration et de reconnaissance pour cet homme qui savait redonner espoir. A commencer par ses enfants Claire et Jean-Marc, qui prit la parole : « J’étais fier de mon père, de sa vie, de ses combats. […] Tu aimais être loin du monde, loin des lumières. Je me souviens du Larzac lors des grands rassemblements, de la lutte des Kanaks, des comités de soldats. Tu étais un grand homme de Bien. Papa, je t’embrasse. »
[…] Entre les témoignages, un homme, réfugié italien, se levait, rompait le silence en sifflant Le temps des cerises, accompagné de son accordéon, puis, par intervalles, reprenait d’autres airs en français ou en italien. Un autre membre de l’ « Association des réfugiés en France » prit la parole. « Cet homme a aidé tous les anarchistes. Grâce à lui, on a pu s’en sortir, il ne nous abandonnait jamais. Il était avec nous quand on chantait à la prison de la Santé. »L’association « Droits Devant ! » qualifia Jean-Jacques d’exemple, comme l’abbé Pierre. Pour le président de la « Cimade », « beaucoup d’hommes et de femmes portent le deuil aujourd’hui ; il était celui vers qui on se tournait pour demander conseil et soutien ; que cet héritage exceptionnel nous aide à poursuivre les combats que nous avons menés ensemble ! ».
Le président de la « Ligue des Droits de l’Homme » définissait Jean-Jacques comme une lumière, un homme d’une attention constante au regard si intense. « Ce combat que nous devons à Jean-Jacques est de ne pas abandonner, ne pas baisser les bras ; on est ce que l’on fait ; les utopies d’aujourd’hui sont les réalités de demain ! »
Pour Stéfane Hessel, Jean-Jacques de Félice est un extraordinaire exemple : « Tous ceux qui pensent à lui doivent porter son message et rester fidèles aux grandes valeurs qui sont sur la Terre. » Monseigneur Gaillot remerciait celui qui a su porter l’espérance et n’a cessé de se porter vers les hommes et les femmes en danger, celui qui allait au devant des minorités dont la dignité était menacée. Quant à Albert Jacquard, « on a besoin d’exemples ; Jean-Jacques en était un homme intelligent ; il m’a fait comprendre la justice si souvent bafouée alors que ses combats n’étaient pas encore gagnés. »
Pierre Burguière témoignait de toute la reconnaissance du Larzac pour son soutien et sa fidélité à nos côtés tout au long de la lutte. Puis, l’un des avocats présents, Michel Tubiana, qui animait la cérémonie, clôturait par un dernier adieu à Jean-Jacques. « Il a eu l’acte de transmettre le savoir, la culture, l’expérience. Il m’a appris à mettre de la chair autour de mes idées. Il a su défendre, rapporter en jetant au visage des puissants l’expression de la vérité, de la sincérité. Son rire illuminait tout son visage et résonnait d’un son cristallin, il faisait partie des personnes qui paraissaient indestructibles. Merci pour l’amour que tu as donné à tant de personnes. »
Une amie avait rappelé l’homme de paix et de combat qu’il était et le distinguait, vêtu de son manteau et de son feutre noir et de sa grande écharpe rouge.
Pour nous, paysans et habitants du Larzac, il était plus que notre avocat. Il était un ami, un compagnon de lutte. Il fait aujourd’hui partie des grands hommes qui ont marqué notre histoire, et dont la mémoire continuera d’habiter notre terre.
Merci Jean Jacques. »
Auteur : Christiane BURGUIERE
Source : Gardarem lo Larzac, n°283, septembre-octobre 2008 (texte envoyé par Ingrid AUGOT, Montpellier).