Les paradis fiscaux, paradis de l’injustice
Pour une fois, ONG, experts et hommes politiques semblent d’accord : il est urgent d’en finir avec les paradis fiscaux, qui aggravent la crise financière et rendent toute réforme impossible. Reste à passer à l’acte.
Ces « paradis » sont une cinquantaine dans le monde, répartis entre les îles caraïbes (Bahamas, îles Caïman…) et le continent européen (Liechtenstein, Andorre, Monaco, San Marin, Gibraltar, Suisse et Luxembourg). Sans oublier Panama et Singapour.
« Quelque 10.000 milliards de dollars sont placés dans ces trous noirs, soit cinq fois le produit national brut de la France ! » s’exclame Daniel Lebègue, président de Transparence International France. Les deux tiers des fonds spéculatifs – les fameux « Hedge funds » – seraient nichés aux îles Caïmans (16.500 habitants). Plus de 600.000 sociétés « écrans » sont domiciliées aux îles Vierges britanniques (21.000 habitants).
Objectifs de ces paradis
L’objectif premier de ces « paradis » est de fournir à leurs clients fortunés tous les outils de l’évasion fiscale. Des trafiquants profitent aussi de ces circuits bien huilés pour « blanchir » l’argent de la drogue. Des dictateurs y détournent une partie des ressources de leur pays.
La crise financière incite à réagir
« Les paradis fiscaux ne sont pas à l’origine de la crise financière, mais ils l’aggravent », analyse Christian Chavagneux. Chaque année, la France perd entre 40 et 50 milliards d’euros de recettes fiscales. « Cette évasion, qui ne profite qu’aux gens aisés, oblige les Etats à augmenter les impôts qui pèsent sur ceux qui ne peuvent pas y échapper ! » déplore Christian Chavagneux.
« Heureusement, depuis la crise, nous assistons à un tournant », constate, de son côté, Pascal Saint-Amans, chef de la division coopération fiscale, à l’OCDE. Le 21 octobre, 17 pays de l’OCDE, réunis à Paris, sont allés, pour la première fois, jusqu’à évoquer des mesures de rétorsion. « Quand les Etats mettent 3.000 milliards de dollars sur la table pour sauver le système bancaire – sous forme de prêts ou d’aides, les risques sont toujours pour le contribuable ! – la moindre des choses, c’est que le système financier cesse d’offrir aux entreprises ou à leurs clients les plus riches des opportunités pour frauder le fisc ! » explique Pascal Saint-Amans.
Français et Allemands affichent leur volonté de mettre fin à ces « poches d’opacité ». Barack Obama, qui vient d’être élu président des Etats-Unis, a déjà tenté de le faire quand il était sénateur. « Mais les responsables politiques ne passeront pas à l’acte sans la pression de l’opinion », affirme Jean Merckaert, du CCFD. Raison de plus pour soutenir l’action des associations catholiques et services d’Eglise qui militent depuis 2006 (sur www.argentsale.org) contre ces paradis de l’injustice.
(1) Coauteur des Paradis fiscaux , Ed. La Découverte, 121 p. ; 8,50 €.
Source : Le Pélerin Magazine