Assez de ces violences, par Bernard Devert
“Ange partit en pleurant.” Ce titre reprend la légende de Grouchenka dans Les Frères Karamazov, de Dostoïevski. Pleurer pour l’excommunication de la maman de cette petite fille de 9 ans qui, violée, subit un avortement. La divine tendresse semble comme saccagée.
Pleurer pour que les larmes viennent laver le regard assombri par la colère qui naît de cette impensable condamnation de la part de l’évêque de Recife, au Brésil. Si les prophètes n’ont pas de disciples, au moins laissent-ils des traces. Comment oublier qu’il y a dix ans mourait Dom Helder Camara, qui fut évêque de ce diocèse ? Dommage que son successeur ne se soit pas souvenu de sa devise : In manus tuas.
Des mains qui ne voulaient rien posséder mais qui savaient donner pour vivre le Magnificat : “Il renvoie les riches les mains vides.” Des mains qui ont su relever, caresser au lieu de frapper. Dom Helder Camara comprit que toute exclusion, maladie du cœur et de l’âme, est l’exclusion même du Christ.
AIME ET TU COMPRENDRAS
L’Eglise de Vatican II a mal de tous ces jugements, car elle sait qu’elle n’a pas d’autre mission que celle de l’amour.
L’Homme de Nazareth nous offre la parabole du Samaritain : le prêtre et le lévite, enfermés dans leurs rites, sont incapables de porter secours à l’homme roué de coups. Ils ont gardé les mains propres, mais ils n’avaient pas de mains ou encore ils avaient une âme d’habitués qui ne mouille pas à la grâce, suivant les justes expressions de Charles Péguy.
Le Christ dans son regard de miséricorde a préservé ces religieux en leur offrant l’intelligence du silence. Si nous ne pouvons pas supporter les blessures, ayons au moins à coeur de ne pas les aggraver par des mots qui déchirent.
L’excommunication de cette maman et des soignants est celle de tout un peuple. Que d’enfants sont victimes du tourisme sexuel ou encore d’une charge de travail qui n’est pas de leur âge ! Il n’y aura donc personne pour dire assez de ces violences. Il n’y aura donc personne non pour excommunier mais pour offrir cette alternative qui fit dire au bon larron sur la croix : “Sur un regard, j’ai tout compris.”
Aime et tu comprendras. A cette mission pleinement humaine, l’Eglise est appelée. Il n’y a pas d’autres chemins pour nous approcher du plus divin. Au diable, les fossoyeurs de l’Incarnation qui in fine détruisent l’espérance !
Auteur : Bernard Devert, prêtre, fondateur de Habitat et Humanisme.
Source : Le Monde, édition du 15.03.09