Gaston Guilhaume : l’espoir qui fait vibrer la foi
Gaston Guilhaume fut un acteur de la naissance de « Nous sommes aussi l’Eglise » (NSAE). Avec son ami Jacques Chatagner, dont il partageait à la fois l’engagement au sein de DLE (Droits et Libertés dans les Eglises) et la vision lucide des limites du champ d’action de cette association, il fut l’un de ceux qui confortèrent notre mouvement naissant dans son souci d’aller au-delà d’un strict projet de réforme institutionnelle de l’Eglise et à s’impliquer dans la lutte sociale.
Il fut présent, il fut actif, tout au long des événements liés à l’implantation en France de la « Requête du Peuple de Dieu », venue d’Allemagne en 1995, dans la grande vague de contestation et d’effervescence qui suivit la destitution de Jacques Gaillot, et qui conduisirent à la création de NSAE. Ceux d’entre nous qui vécurent cette histoire gardent gravée dans leur mémoire la force de ses interventions dans lesquelles il replaçait ce que nous étions en train de vivre dans l’histoire des résistances d’un peuple chrétien, sans jamais faire étalage de ce que furent sa propre histoire et son courage personnel.
Gaston n’a jamais cessé de porter au sein du Conseil d’Administration de NSAE dont il fut un membre assidu, cette double exigence d’une foi incarnée et d’une résistance à tout ce qui détruit l’être humain. Il s’investit dans plusieurs de nos projets et présida par exemple le comité d’organisation d’un colloque que nous organisâmes à Villeurbanne, en novembre 2001, sur le thème des « Dérives sectaires dans l’Eglise catholique ».
Les souvenir fort que nous conserverons de Gaston, c’est d’abord qu’il était un « passeur » : il savait remarquablement transmettre à notre groupe qui n’était pas d’abord une réunion d’intellectuels, la force de la pensée d’un Dietriech Bonhoeffer, d’un Eugen Drewermann ou d’une Dona Single, pour ne citer que quelques exemples.
Il savait aussi, avec le même bonheur, tirer du passé ce qui peut éclairer le présent. Aujourd’hui, alors qu’il n’est plus là pour aider notre réflexion, c’est à ses écrits anciens que j’ai fait appel. Voilà quelques extraits de ce qu’il écrivait, dans un éditorial de Golias, datant de 1992 et qui me paraissent éclairer notre présent :
« La politique de Vichy, de plus en plus inique avec le temps, n’a pas dessillé les yeux du grand nombre, ni rompu la fascination. C’est donc que jouaient profondément des connivences qu’on pourrait qualifier, sans abus de terme, d’ordre théologique : une conception du monde, de la nature du religieux, de ses rapports avec le politique qu’il reste encore à décrypter et à décrire rigoureusement. Notons seulement, sans pouvoir creuser, le culte du « chef » choyé par la « Révolution nationale », réminiscence peut-être du monarque, agent du divin, promoteur et gérant de l’ordre moral en qui se marient les aspirations de la vie intérieure et de la vie sociale.
Pourquoi les évêques, toujours les évêques ? Sont-ils toute l’Eglise ? Assurément non. Toute une partie de la Résistance s’est formée de soi-même, indépendamment, alimentée à la source évangélique. Témoignage chrétien naquit. Bien d’autres se levèrent, qui combattirent et moururent inspirés par leur foi. Mais, qu’on le veuille ou non, les évêques sont les porte-parole : aux yeux de l’opinion publique, des autres confessions, ils sont la voix de l’Eglise. […]
Ce qui scandalise à juste titre, ce qui démontre dans l’Eglise d’hier et dans celle d’aujourd’hui l’incapacité foncière à saisir les enjeux de l’histoire nous provoque à une remise en cause sans précédent.
Comment une Eglise, questionnée par le dogme de « l’incarnation », alors qu’elle est en quelque sorte évadée de la réalité du monde peut-elle prétendre recréer son « être-au-monde » sans le réinventer, sans opérer une transformation radicale de ce qui la constitue intérieurement ?
Sa mission est-elle de se précipiter pour apporter la vérité aux autres ou bien d’abord de se faire vraie elle-même en elle-même ? Vatican II était un commencement. »
Pensée de Gaston toujours vivante qui nous aide à rechercher comme il l’écrivait : « où est l’espoir qui fait vibrer la foi ? »
Auteur : Lucienne Gouguenheim, secrétaire générale de NSAE
Mai 2009