L’Eglise est appelée à renaître, par le groupe Parole
La levée de l’excommunication des évêques intégristes, les propos négationnistes de Mgr Williamson, l’incroyable affaire de Recife et la polémique sur le préservatif et le sida ont suscité des débats passionnés chez les catholiques. Certains ont saisi cette occasion pour rappeler qu’un « schisme silencieux » s’opérait sous nos yeux et que ces erreurs de gouvernement l’aggravaient. D’autres se sentent convoqués à réaffirmer leur attachement au concile Vatican II.
Mais n’est-ce pas aussi l’occasion de réaffirmer notre amour pour Jésus-Christ et notre appartenance aimante à son Église ? Parce qu’elle est unie au Christ, elle est signe de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain, mais elle n’est pas un pur esprit ! Elle est incarnée et donc inscrite dans l’histoire. Cela signifie que, si elle vit de l’esprit de Dieu, elle est aussi humaine, donc pécheresse. Sans nous écarter de cette appartenance et parce que nous aimons notre Église, nous voulons attirer l’attention de sa hiérarchie sur des questions graves de plusieurs ordres.
« Il faut croire en la vie, se risquer dans un avenir incertain, afin d’ouvrir des chemins nouveaux. »
De gouvernement d’abord. Des dysfonctionnements apparaissent à tous les niveaux : de la Curie aux conférences épiscopales en passant par les synodes diocésains. L’ecclésiologie de communion n’est pas assez développée et vécue, d’où une faiblesse de la collégialité et une peur manifeste dans l’exercice de la subsidiarité. L’Église apparaît comme une hiérarchie pyramidale, ce que le monde moderne, à raison pensons-nous, rejette.
Des questions disciplinaires ensuite. Les questions des divorcés remariés, la morale sexuelle depuis l’encyclique Humanæ vitæ (1968) et le statut d’infériorité des femmes dans l’Église représentent un poids trop lourd à porter pour de nombreux catholiques. Pourquoi un tel statu quo ? Des questions sur le fondement communautaire de l’Église : des communautés vivantes de proximité tablant sur une prise en charge par les chrétiens eux-mêmes choisissent elles-mêmes leurs responsables en accord avec l’évêque. Cela ne remet pas en cause le ministère fondamental du prêtre, mais bien au contraire le place au cœur de sa mission (Parole et Eucharistie). L’expérience du diocèse de Poitiers est une tentative heureuse dans ce sens. Pourquoi n’est-il pas mieux connu ? étudié ? expérimenté ailleurs sous cette forme particulière ou sous une autre ?
Des questions autour du renouveau des ministères, enfin, à la faveur de l’apparition de nouvelles formes d’engagement d’authentiques disciples du Christ capables d’être en unité à l’évêque (et au presbyterium) et à la communauté d’appartenance. Une analyse théologique et ecclésiologique de « ce qui se passe » aujourd’hui s’impose. Faudrait-il attendre que des laïcs souhaitent présider l’Eucharistie pour l’engager ? Le monde change, et vite. L’Église n’a pas à avoir peur d’aller à contre-courant dans certains débats de société et de fonder sa pensée sur le sens de l’homme en alliance avec Dieu. En même temps, dans ce monde qui change, pour mieux répondre aux besoins des hommes, son mode de présence et d’action est appelé à changer, son langage à évoluer et la vie communautaire à renouveler son expression.
Une telle mutation ne se fera pas sans que l’Église consente à mourir à certains aspects de ses modes de vie pour renaître à d’autres. Mourir est difficile. Cela suppose de consentir à la perte et à l’abandon en croyant qu’une vie nouvelle est donnée. C’est pourtant ce type de passage que nous appelons de nos vœux. N’est-ce pas le cœur du mystère chrétien ? Cet acte de foi et d’abandon requiert aussi de croire que l’existentiel a engendré l’institution et non l’inverse ; croire en Dieu ne suffit pas. Il faut aussi croire en la vie, espérer, se risquer dans un avenir incertain, afin d’ouvrir des chemins nouveaux.
Auteur : groupe Parole (Guy Aurenche, Jean-François Bouthors, Jean Delumeau, Laurent Grzybowski,, Monique Hébrard, Elena Lasida, Paul Malartre, Gabriel Marc, Bernard Perret, Marie-Christine Ray, Jean-Pierre Rosa, Gérard Testard)