A Bethléem, le pape a su toucher les Palestiniens
Majda Issac a 32 ans et, depuis dix ans, elle n’a pas mis les pieds à Jérusalem, situé à 12 kilomètres de là. Elle est née et vit dans le camp de réfugiés d’Aïda, dans les faubourgs de Bethléem, où sa famille, native d’un village aujourd’hui en Israël, a trouvé refuge en 1948 après la création de l’Etat juif. Abeer Ayyad, elle, a deux filles de 4 et 6 ans et un mari emprisonné depuis cinquante jours en Israël sans qu’elle sache pourquoi ni pour combien de temps.
Les jeunes femmes, qui cumulent à elles deux une bonne partie des difficultés vécues par les Palestiniens, sont venues accueillir le pape, mercredi 13 mai, pour lui “expliquer la situation”. Elles ne lui ont pas parlé, bien sûr, mais à leur grande satisfaction, il a évoqué devant quelques centaines de personnes le sort des réfugiés, des prisonniers palestiniens et les “restrictions à la liberté de déplacement”. Dans l’un des discours les plus politiques de son voyage, il s’est adressé non plus seulement à ses ouailles, mais à l’ensemble des Palestiniens et, au-delà, à la communauté internationale.
Le camp d’Aïda n’avait pas été choisi au hasard. Ici, les méandres du mur de béton haut de huit mètres construit par Israël pour empêcher les infiltrations de Palestiniens sur le territoire israélien, épousent le tracé des habitations. Pour accéder au camp, la “papamobile”, précédée d’une fanfare d’enfants palestiniens, a dû le longer sur plusieurs centaines de mètres.
“UNE PATRIE QUI SOIT À EUX”
L’effet recherché par les Palestiniens aurait pu être encore plus spectaculaire si l’armée israélienne ne leur avait interdit de tenir la cérémonie sur l’estrade de pierres blanches bâtie pour l’occasion contre le mur. Ce contretemps n’a pas empêché Benoît XVI de se saisir du sujet.
Reçu dans la cour d’une école, à 10 mètres de là, le pape déplore qu’“au-dessus de nous, qui sommes rassemblés ici cet après-midi, s’érige le mur, rappel incontournable de l’impasse où les relations entre Israéliens et Palestiniens semblent avoir abouti. Dans un monde où les frontières sont de plus en plus ouvertes, pour le commerce, les voyages, le déplacement des personnes, les échanges culturels, il est tragique de voir des murs continuer à être construits”. Au moment de prendre congé du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, il a ajouté : “J’ai vu le mur qui fait intrusion dans vos territoires, séparant des voisins et divisant des familles. Bien que les murs puissent être facilement construits, nous savons qu’ils ne subsistent pas toujours. Ils peuvent être abattus.”
Des déclarations plutôt bien accueillies par des Palestiniens présents : “Avec ses paroles, le pape nous donne de l’espoir. Et c’est tout ce que nous avons”, a commenté Idjma, une réfugiée de 54 ans, mère de sept enfants. Mais le passage du discours papal le plus apprécié et applaudi fut celui consacré, dès son introduction, au sort des réfugiés de 1948, qui en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et les pays arabes voisins, attendent de génération en génération d’être fixés sur leur sort.
Reprenant à son compte l’esprit des résolutions adoptées par l’ONU à ce sujet, Benoît XVI a exprimé sa “solidarité à l’ensemble des Palestiniens qui n’ont pas de maison et attendent de pouvoir retourner sur leur terre natale, ou d’habiter de façon durable dans une patrie qui soit à eux”. “J’aimerais retourner à Beit Nativ, mon village – situé aujourd’hui en Israël, a assuré Idjma. Mais c’est un rêve.”
Auteur : Stéphanie Le Bars – Bethléem, camp d’Aïda (Cisjordanie), envoyée spéciale
Source : Le Monde, édition du 15 mai 2009