“Et les femmes dans tout ça ?”, par Marion Van Renterghem
Conservateurs et machos doivent se faire une raison : ils n’en auront jamais fini avec Gisèle. Et surtout pas avant une élection. A chaque échéance électorale, depuis quelques bonnes dizaines d’années, Me Gisèle Halimi sait rappeler aux candidats, soudain très éveillés au goût de séduire, qu’ils ne sauraient compter sans la moitié féminine de la population, et encore moins sans leur infatigable avocate.
La revoilà, Gisèle : 81 ans, et toujours au combat. Avant les élections européennes du 7 juin, elle a préparé un plan d’attaque avec son association Choisir la cause des femmes. Objectif : introduire dans les programmes de chacun “la clause de l’Européenne la plus favorisée“. L’idée est toute simple : faire que les droits des femmes les plus avancés dans chaque pays deviennent les droits de toutes les Européennes.
Au championnat européen en droits des femmes, la palme d’or décernée par l’association féministe revient aux Pays-Bas, à la Suède et, plus paradoxalement, à la très catholique Espagne. L’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et la Pologne n’apparaissent exemplaires en rien. Les Néerlandais sont les meilleurs par leurs lois sur la parité, le contrat d’union civile, la contraception, l’éducation sexuelle à l’école. Les Suédois se distinguent sur l’avortement, le congé parental, la prostitution. Les Espagnols sont champions pour lutter contre la violence conjugale et par leurs lois sur le viol, le divorce et le mariage. La législation française est exemplaire sur les questions du viol et du code du travail.
Gisèle Halimi est allée rencontrer tous les chefs des partis français. Presque tous. Elle a évité la famille Le Pen, “dont les valeurs et le programme affiché pour les femmes rendent impossible tout dialogue avec Choisir“, et a oublié Philippe de Villiers, conservateur chrétien, a priori perdu pour la cause. Quant à Olivier Besancenot, il n’a pas daigné la recevoir. Elle n’a pas compris. “C’est un homme très occupé“, conclut-elle.
Les autres ont tous répondu à l’appel : Front de gauche, MoDem, Parti socialiste, Verts, Lutte ouvrière, UMP. Ils savent ce qu’ils ont à gagner, Me Halimi l’a compris : “L’Europe, leurs électeurs s’en balancent ou s’en méfient. On leur apporte un truc concret pour 255 millions de citoyennes.”
L’avocate de gauche ne s’attendait cependant pas à la réaction “très chaleureuse, très innovante“, de l’UMP Xavier Bertrand, finalement le plus féministe de tous. Il a proposé de créer au Parlement européen, au-delà des clivages, un intergroupe ou une sous-commission ad hoc : “Si un pays, par le biais de tous ses parlementaires européens, présentait un front uni qui défende la clause, cela pourrait être repris dans d’autres pays“, suggère-t-il. Tous les partis français consultés se sont engagés à défendre la clause au niveau de leurs groupes respectifs en Europe. On le leur conseille. Gisèle ira “jusqu’au harcèlement“.
Le Monde 04.06.09 Courriel : mvr@lemonde.fr