Au G8, le Sud renâcle à suivre le Nord sur l’environnement
Au G8, on ne prend pas de décision contraignante, mais la discussion permet de faire décanter les dossiers délicats. Réunis en Italie à L’Aquila, mercredi 8 juillet, les dirigeants des principales puissances du nord de la planète se sont efforcés d’ouvrir la voie à trois grandes négociations internationales décisives : celle sur le climat, qui se tiendra à Copenhague en décembre 2009 ; celle de Pittsburgh, qui réunira les 24 et 25 septembre le G20 au chevet de la finance et de l’économie mondiale ; enfin, celle sur la libéralisation du commerce, ouverte depuis 2001 à Doha.
Même si elle n’a pas donné lieu à des percées majeures, la réunion du G8, la première à laquelle participait le président américain Barack Obama, a témoigné d’un état d’esprit constructif. Les travaux ont été laborieux, les horaires largement dépassés mais chacun a pris en compte les contraintes de l’autre, comme a cherché à l’expliquer le président français Nicolas Sarkozy : sur le climat, il faut aider le président Obama à faire accepter son plan par le congrès ; sur l’Iran, prendre en compte les préoccupations de Dmitri Medvedev, soucieux de donner du temps au temps, mais aussi celles de Nicolas Sarkozy, qui voulait faire condamner la négation de la Shoah par le président Ahmadinejad.
La lutte contre le réchauffement climatique. Ce sujet est un engagement de longue date des Européens. Ils ont été rejoints sur le tard par les Etats-Unis de M. Obama.
Pour la première fois, le G8 endosse l’avis du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), selon lequel il faudrait éviter que l’augmentation de la température de la planète dépasse les deux degrés Celsius d’ici à la fin du siècle. Pour y parvenir, le G8 propose de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.
Les Occidentaux n’ont toutefois pas réussi à faire partager cet objectif aux pays en voie de développement qui les ont rejoints jeudi. Pour montrer qu’ils prennent en compte le besoin de rattrapage économique de ces derniers, les pays développés se sont engagés à faire un effort plus important : si le G8 s’est engagé à une réduction de moitié les émissions mondiales de CO2 d’ici à 2050, celles des pays industrialisés baisseraient de plus de 80%. “Il était important de présenter un front uni face au Brésil, la Chine, l’Inde“, a déclaré l’hôte du G8, Silvio Berlusconi.
“On a fixé la feuille de route pour la négociation de Copenhague“, indique un diplomate français. Tout comme les organisations de défense de l’environnement, Nicolas Sarkozy a regretté qu’il n’ait pas été possible de se fixer un objectif intermédiaire, en 2020, comme l’ont fait les Européens. “On n’y est pas encore“, a estimé M. Sarkozy, notant qu’il restait “cent cinquante jours” d’ici à la conférence de Copenhague.
En ne précisant pas l’année de départ de référence pour la réduction des émissions de CO2 (1990 ou après), les Occidentaux se laissent une marge d’appréciation, qui permettra de réduire l’effort de l’Allemagne si la référence est 1990, alors que la RDA polluait à tout va, ou de réduire celui des des Etats-Unis si la référence est 2005.
La crise économique. C’était le deuxième “gros dossier” du G8. Sur ce point, rendez-vous est pris à Pittsburgh, en septembre, le G8 n’étant pas d’accord pour élaborer une stratégie commune de sortie de crise.
L’économie chinoise repart. M. Obama a fait part, selon M. Sarkozy, d’un “frémissement“, tandis que M. Berlusconi estime que la crise est “derrière nous“. “Je suis plus rassuré aujourd’hui qu’il y a un an“, a même confié le président français. Mais il ne veut pas prendre acte de la reprise, car ce serait ouvrir le débat sur la sortie de crise. Il serait vite contraint de suivre les exigences de la chancelière allemande Angela Merkel qui plaide pour un retour à l’orthodoxie budgétaire.
Le premier ministre britannique, Gordon Brown, ne veut pas non plus aborder le sujet, pas plus que le président Obama : il est sous pression pour organiser un second plan de relance, alors que l’efficacité des mesures budgétaires prises lors de son arrivée au pouvoir est mise en cause.
Le G8 note donc des “signes de stabilisation“, mais précise que “la situation reste incertaine” et que “des risques importants continuent de peser sur la stabilité économique et financière“. Les stratégies de sortie de crise “varieront d’un pays à l’autre en fonction de la situation nationale de l’économie et des finances publiques“.
Le prix du pétrole. Les Européens voulaient profiter de la chute des prix des matières premières pour demander un encadrement des prix du pétrole sans donner le sentiment de faire un plaidoyer pro domo. M. Sarkozy a dénoncé l’absurdité des cours du pétrole qui ont rebondi fortement ces dernières semaines.
Les Européens n’ont pas eu gain de cause, en dépit d’une déclaration très générale sur la volatilité des cours du brut. Le président russe Dmitri Medvedev a condamné toute cartellisation du marché du pétrole.
Le rôle du dollar comme monnaie de référence. L’autre sujet tabou porte sur le dollar. Après la visite de M. Obama à Moscou, les Russes ont choisi de ne pas lancer l’offensive sur la création d’une nouvelle monnaie de réserve. Le sujet avait été abordé par la Chine avant la réunion du G20 de Londres début avril.
Chacun estime que cette question ultrasensible devra faire l’objet d’une entente Chine-Etats-Unis, les excédents commerciaux de la première finançant les déficits des seconds.
Le G8 n’était pas le lieu, d’autant que le président Hu Jintao avait dû repartir précipitamment à Pékin en raison des émeutes dans le Xin Jiang.
Le dossier de la libéralisation du commerce. La marotte des pays émergents, c’est la relance du cycle de libéralisation commerciale de Doha. Celui-ci devra être clos en 2010, en clair avant les élections américaines de mi-mandat, si les conclusions de la réunion de jeudi entre le G8 et les pays émergents ne sont pas modifiées.
Selon Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce sont les pays du Sud qui ont le plus poussé à cette relance, car ils ont le plus à perdre du recul du commerce mondial.
L’objectif est de lutter contre la montée des tentations protectionnistes, jusqu’à présent contenues, alors que la pression augmentera parallèlement à l’augmentation du chômage.
Auteurs : Arnaud Leparmentier et Corine Lesnes
Source : Le Monde, édition du 9 juillet 2009