L’Eglise catholique, ou comment avancer quand on recule ?
Soirée du 7 juillet 2009 : je découvre dans le quotidien Le Monde les premiers échos concernant l’encyclique « Caritas in Veritate ». Deux phrases me sautent aux yeux : « l’humanisme qui exclut Dieu est un humanisme inhumain » (En lisant le lendemain l’intégralité du texte je découvrirai qu’elle se situe dans la conclusion ; elle a donc une importance qui fut « pesée ») et, deuxième phrase, « quand l’état promeut, enseigne, ou même impose, des formes d’athéisme pratique, il soustrait à ses citoyens la force morale et spirituelle indispensable , pour s’engager en faveur du développement humain intégral et il les empêche d’avancer avec un dynamisme renouvelé dans leur engagement pour donner une réponse humaine plus généreuse à l’amour de Dieu. » M’imaginez-vous, si j’étais d’aventure fidèle à l’enseignement de l’Eglise catholique, disant à trois amis proches (trois amis proches, non chrétiens, très engagés sur le plan intellectuel, politique et socio-politique, y compris au niveau européen). M’imaginez-vous leur affirmant : « je ne mets pas en doute votre bonne foi, votre compétence etc…mais vous auriez autrement plus de force – et seriez donc plus efficaces dans vos efforts de faire progresser « le développement humain intégral » – autant utiliser la belle formule pendant qu’on y est – si vous apparteniez à la communauté catholique ». Il ne s’agit pas de jeter aux orties plusieurs passages de l’encyclique qui dénotent une avancée dans la pensée de l’Eglise sur la prise en compte des processus économiques actuels, y compris quelques critiques qu’on ne peut qu’approuver, mais je ne peux accepter cette théologie qui, en termes plus simples, voudrait que hors de la foi l’homme ne puisse réaliser son humanité. Un ami, prêtre du diocèse de Tours a compris ma colère : « Pour le théologien Ratzinger, la foi est une condition existentielle. ».
C’était vraiment là la cerise sur le gâteau d’une année où, dans ma communauté de foi, les reculades allaient de mal en pis (à l’exception sans doute du voyage en Israël). Comment ai-je pu tenir , et peut-être avancer, mais ce n’est pas sûr ? Avec l’aide des amis, et parmi eux des catholiques qui sont persuadés qu’on n’est pas en déshérence, c’est-à-dire exclus de l’héritage, si on n’est pas en accord avec l’institution ; Passons en revue les principaux incidents qui m’ont bousculée. A chaque étape, il fallait bien relever la tête, faire le point…et en tirer quelques leçons pour l’avenir ; Ce qui va suivre n’est donc, modestement, qu’un témoignage personnel.
Premier faux-pas public : les propos scandaleux du Président de la Conférence des évêques de France : André Vingt-trois. Lors de l’émission « Face aux chrétiens » le 6 novembre 2008, croyant faire de l’humour, il déclare : « ce qui est plus difficile, c’est d’avoir des femmes formées : le tout ce n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête. » Qu’il soit misogyne, c’est son problème (j’ai appris depuis que tous les vieux prêtres du diocèse de Tours où il se trouvait avant de rejoindre Paris étaient au courant de ce penchant qui s’explique sans doute par son histoire personnelle) mais de grâce qu’il respecte la moitié du genre humain. A la fin de ce mois de novembre, je participe à l’Assemblée Générale des Réseaux du Parvis (regroupant une cinquantaine d’associations de ce qu’il est convenu d’appeler les chrétiens critiques, plus ou moins proches de l’Institution Eglise Catholique). On me charge d’animer une réunion informelle pendant l’heure qui suit le déjeuner – unique temps de pause de la journée – avec pour objectif de poser les jalons d’un communiqué de presse pour protester contre ces propos vulgaires, signes d’un mépris à l’encontre des femmes. Cette Assemblée Générale a pour thème : Résistances. Cela tombe bien ! Première expérience de la parole libérée qui prendra son essor au cours des mois suivants. Noter fidèlement tout ce qui jaillit est presque impossible (une quarantaine de participants se sont spontanément regroupés.) Nous nous retrouvons à quatre pour la synthèse.
Le texte sera adopté par environ 120 personnes, avec 6 abstentions et une voix contre.De cette avancée collective je tire déjà trois leçons :
•Il est opportun de solliciter les personnes compétentes pour que le geste le soit crédible (parmi les 4 rédactrices est présente Alice, ancienne rédactrice en chef de la revue les Réseaux des Parvis et ayant une formation de théologienne ; elle sera la cheville ouvriére du texte final)
• La parole individuelle est aussi importante que la parole collective : avant le vote, Huguette, philosophe, lit la lettre qu’elle a spontanément adressée à André Vingt-Trois quelques jours après l’incident, ceci en tant que membre active du diocèse de Paris. Elle lui rappelle que la misogynie est un mal séculaire dont souffre l’Eglise, mais proteste, en tant que philosophe, contre une telle atrophie de la pensée Son humour et la verdeur de sa pensée ont certainement eu une influence sur le vote. Elle savait que c’est pour l’archevêque de Paris une habitude d’esquiver les problèmes graves par un trait d’humour dont la légèreté est souvent déconcertante.
• Pour avancer il faut prendre en compte le recul : c’est ce qu’a fait le Comité de la Jupe : quelques paroissiennes du diocèse de Paris ont osé porter plainte devant un tribunal ecclésiastique : l’Officialité de Paris, plainte retirée, officiellement à cause des excuses présentées par le cardinal. Le Comité a pris de l’extension. La communication par internet favorise l’organisation d’une marche prévue le 11 Octobre prochain à travers plusieurs villes de France. Que dit ce Comité : « Si vous voulez contribuer à construire l’Eglise de demain, une Eglise moderne qui dépasse les discriminations de sexe, qui ne soit plus seulement l’Eglise des clercs, mais celle de tous et donne leur place aux laïcs, femmes et hommes, dans ses instances de décision, rejoignez le Comité de la Jupe.
Deuxième faux-pas : A la veille des vacances de Noël, une dépêche de l’A.F.P. nous apprend qu’un accord vient d’être signé le 18 décembre entre le Saint- Siège et la France sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur. C’est là un accord qui me semble de nature concordataire. Selon le sociologue des religions Jean Baubérot : « c’est un des fondements de la laïcité de l’enseignement qui est mis en cause, car celle-ci repose sur la collation des grades par les universités publiques. ». je téléphone à Jean Riedinger, le secrétaire de l’Observatoire Chrétien de la Laïcité (le C.E.D.E.C. dont je suis présidente est l’une des 11 associations de la Fédération des Réseaux du Parvis constituant cet O.C.L.) et il signe un communiqué de presse. En voici le deuxième paragraphe : « L’O.C.L. dénonce une fois de plus la confusion qui naît du double jeu permanent entre le statut étatique du Saint- Siège et l’institution religieuse du Vatican. D’une part cet accord soumet les décisions de l’Etat français en matière de collation des grades à la reconnaissance préalable par le Vatican de la qualification des universités catholiques. Les universités catholiques françaises seraient-elles les universités d’Etat du Saint -Siège ? De plus, on sait que le Vatican au nom de la « saine doctrine » ignore la liberté de recherche, allant même parfois jusqu’à exiger le licenciement des enseignants dont les idées et recherches lui déplaisent. D’autre part, sans que soit écartée pour les croyants l’utilité d’une recherche théologique de haut niveau, l’Etat français n’a aucune compétence pour définir la valeur ni des études ni des recherches des institutions privées qui s’y consacrent. Le jugement de 1984 du Conseil d’Etat est susceptible d’éviter toute atteinte à la laïcité de l’Université publique et il faut s’y tenir. En ne le respectant pas cet accord est inconstitutionnel. » Une fois de plus l’Eglise est compromise au niveau de l’Institution et on essaye de faire passer le texte sur le dos de l’avancée de l’Europe.
C’était là le premier temps d’un travail toujours en cours puisque nous avons saisi, au sein d’un « collectif de défense de la laïcité » le Conseil d’Etat. Nos chances de voir la démarche aboutir positivement sont importantes mais quelle énergie dépensée pour réaliser les dossiers de saisine, pour la mise au point collective par internet d’un communiqué de presse, pour la participation à des réunions à l’Assemblée Nationale. J’ai découvert les ors de la République, le poids des relations parlementaires (par voie de conséquence indirecte l’O.C.L. va sans doute faire partie des regroupements d’associations interviewées par la commission parlementaire qui a encore cinq mois pour rendre son rapport sur le port de la burqua.). Mais, pour revenir au sujet et savoir s’armer afin d’avancer, la lucidité étant un outil incontournable, j’ai aussi découvert :
• Qu’il était plus facile de faire changer d’avis quatre personnalités de la franc-maçonnerie que les tenants du retour au latin pour les chants liturgiques de ma paroisse, car chez ces derniers on applique la consigne : “cause toujours, tu m’intéresses” (inutile de préciser que je n’ai aucune envie d’y suggérer un débat sur la formulation des dogmes !)
• Que notre identité chrétienne était citée (à côté d’extraits de textes de l’O.C.L.) sur le blog d’une philosophe connue pour ses écrits sur la laïcité, Catherine Kintzler.
• Que le dialogue amical (et qui prend en compte vos remarques) était possible avec l’attaché parlementaire qui coordonne le travail du Collectif pour la défense de la laïcité, sans qu’on ait l’impression de le déranger – avec réponses sans détours, sans précautions oratoires, à ce qu’on appelle les « questions gênantes ». Je n’en dirai pas autant de certains clercs, spécialistes de l’esquive quand on rompt l’unanimité de la pensée officielle.
• Qu’il faut savoir être ferme pour défendre son opinion, y compris avec ses amis. Georges, prêtre dont j’apprécie l’amitié n’a sans doute pas aimé mon impertinence : alors que j’évoquais, en janvier les conséquences de cet accord Vatican-Kouchner (c’est notre ministre des Affaires étrangères qui a signé le texte), il affirma que je devais réfléchir un peu plus profondément. Je l’ai immédiatement interrompu : « Georges, je t’arrête tout de suite, je trouve ta remarque humiliante ». Silence un peu gêné des autres. Détail insignifiant ? Je n’en suis pas sûre.
• Qu’un courrier adressé à un homme politique ne rejoint pas toujours la corbeille puisque ma lettre au premier ministre, au nom du C.E.D.E.C., dans le cadre du travail qui a précédé la saisine du Conseil d’Etat, m’a valu une assez longue réponse de Monsieur Kouchner.
• Qu’une presse catholique que je croyais impartiale (la Croix, la Vie) est en train de défendre cet accord sans citer les extraits du texte officiel qui prouvent que la collation des grades est bel et bien en jeu. Silence-radio d’Isabelle de Gaulmyn, la correspondante de la Croix à Rome jusqu’à ces derniers jours, alors que Jean Riedinger et moi-même lui avons adressé chacun un court article…Mais je reçois aujourd’hui même un message de la Croix : un mois et demi après mon texte va être publié dans le courrier des lecteurs, je ne comprends pas grand-chose à la stratégie de la presse.
Troisième faux-pas et début du « gros temps » : Mise en route de la levée de l’excommunication de 4 évêques de la confrérie traditionaliste Saint Pie X. Elle est connue le 24 janvier. Il est évident que ces traditionalistes se manifestent comme opposés aux réformes proposées par le Concile Vatican II. Parmi eux se trouve un négationniste Richard Willamson qui vient, deux jours auparavant, de réaffirmer ses positions. Les réactions indignées vont se multiplier, en particulier en Europe. Hans Küng qualifiera ce geste de Benoit XVI « d’erreur de gouvernement » (interview parue dans le Monde le 25 février 2009) et ajoutera que cette affaire n’est « ni un problème nouveau ni une surprise ».
Les propos négationnistes de R.Willamson provoquent en France un appel des intellectuels catholiques (ils réclament une condamnation de ces propos), pétition qui paraît le 2 février sur le site de l’hebdomadaire la Vie. Succès immédiat. Mais je remarque que la pétition rédigée à Essen sous la responsabilité du professeur Scholl va beaucoup plus loin, car on y réclame le respect « des décisions arrêtées au Concile de Vatican II ».
Nous Sommes Aussi l’Eglise (N.S.A.E.) décide de signer la pétition de la Vie, mais c’est le groupe Témoignage Chrétien de Tours auquel je participe et réuni ce jour-là qui a la charge de rédiger le commentaire pouvant accompagner chaque signature. Même ambiance que celle qui a présidé à la rédaction du communiqué de presse contre les propos d’André XXIII deux mois plus tôt. Les suggestions fusent de partout et la prise de notes me donne un sérieux mal de tête ; j’arrive difficilement à coordonner ces « cris du cœur », tous respectables. Le texte transmis trois heures plus tard précise que la dénonciation du négationnisme n’est que l’arbre qui cache la forêt, car la question de fond reste la réintégration envisagée de ceux qui n’acceptent pas Vatican II. Nous le dirons aussi à l’archevêque de Tours dans une lettre rédigée le lendemain, lettre à laquelle il répondra, affirmant « on ne peut non plus voir l’esprit de Vatican II remis en cause ».
Je passe des heures à consulter le site de la Vie, la rédaction repoussant de jour en jour l’arrêt de la pétition ; personne ne s’attendait à un tel déferlement de paroles. Parmi toutes celles que j’ai notées en voici deux qui m’interpellent par leur vérité, celles avec lesquelles je me sens en accord profond :
– une femme de Loire Atlantique envoie ce message qui contient 5 fautes d’orthographe, sans parler des erreurs de syntaxe…mais je crois qu’elle a tout compris : « Quand l’Eglise est en crise, revenons à la source, l’Evangile ; au soir de la Cène Jésus n’a pas donné de consigne sur la manière de communier, tenue vestimentaire pour célébrer, ce sont les hommes qui ont inventé tout cela. Les rites,il en faut, mais que cela ne devienne pas des questions d’aubes,de chasubles, de communion sur la langue,à genoux etc…Vivons les paroles du Christ « faites ceci en mémoire de moi » et le lavement des pieds
– Message d’un compagnon du Conseil d’Administration de N.S.A.E., Pierre, ancien journaliste et qui sait ce que signifie aller à l’essentiel : « Sous prétexte de rattraper quelques brebis égarées, le pape perd de vue le troupeau des autres qui s’éloignent en silence persuadés que le berger n’a plus la tête sur les épaules. C’est la triste réalité et il ne s’en aperçoit même pas. On appelle cela lâcher la proie pour l’ombre, dans d’autres domaines. C’est triste. »
Garder le silence quand on est scandalisé est sans doute le plus sûr moyen de reculer. Ayons l’humilité d’utiliser un niveau de langue qui soit celui de la vie quotidienne.
Début février, Henri me communique le texte de Gérard Bessière,prêtre du diocèse de Cahors, qui a aidé plusieurs d’entre nous à percevoir le sel de l’Evangile. Quel humour au service de la pensée. Son titre : « J’ai excommunié Benoît XVI » est explicité par le passage suivant : « Dans les Eglises anciennes – sentez comme je suis porté vers la Tradition ! – quand il y avait des chamailleries, souvent passagères, on cessait de faire mention pendant la messe des camarades avec qui on était en pétard. On les nommait à nouveau quand on avait arrangé les affaires. Donc, pas de gloussements hypocrites, de soupirs vers l’unité, mais déclaration nette de désaccord jusqu’à ce que tout soit clarifié. Alors j’ai fait pareil. »
Quelle bouffée d’air ! Je photocopie et distribue beaucoup ce texte, en particulier au jeune dominicain de ma paroisse avec qui je dialogue…après lui avoir précisé à propos du discours du Latran que nous n’avions vraisemblablement pas la même lampe pour lire les textes. La page de Gérard Bessière ? « Si vous en avez d’autres comme cela, je suis preneur » m’a-t-il dit. Mais l’humour n’est pas facile à manier. Le curé de la cathédrale de Tours m’a fait grise mine quand, huit jours avant Pâques, je lui ai demandé s’il n’avait pas l’adresse d’une bonne maison de retraite pour pape(s) !
Avant d’avancer, il faut supporter les coups. L’humour est salutaire pour cet exercice.
Quatrième faux-pas : Le 12 mars, on apprend qu’une fillette de 9 ans, violée et enceinte de jumeaux a subi un avortement à Récife (il y allait de sa vie est-il pourtant précisé). Ont été excommuniés le 5 mars par l’archevêque de Récife sa mère et les médecins ayant procédé à l’avortement. Décision soutenue le 7 mars par le préfet de la Congrégation pour les évêques au Vatican ; On se tient les coudes en ce lieu ; un tel scandale moral dont est responsable un haut dignitaire de l’Eglise provoque des réactions de compassion, y compris chez plusieurs évêques qui montent au créneau. Le faux-pas précédent avait, aux yeux du monde, une importance moindre, car seuls étaient concernés les fidèles d’une Eglise. Voilà où conduit l’obscurantisme d’une pensée intégriste.
Dès le 11 mars un magnifique témoignage de Bruno Cadart, prêtre et médecin au Brésil, montrant l’écart entre les principes officiels et les actes qu’il accomplit, notamment en tant que médecin, m’arrive par internet. Je transmets par mail au père Aubertin, archevêque de Tours, en lui écrivant : « modeste participation aux débats actuels. Heureusement que des chrétiens savent encore transcrire l’Evangile. » Deux heures après je reçois une réponse : « Comme vous je suis atterré…je vous joins deux textes justes. Bien cordialement ; B. N Aubertin ».
Quelques remarques :
a) Les deux textes envoyés étaient deux textes d’évêques également scandalisés.
b) Je n’avais jamais dit que j’étais atterrée…mais cela pouvait se deviner.
c) Mes rapports « cordiaux » (qui auraient pu coïncider avec l’adverbe cordialement) se limitaient à une seule conversation, assez longue il est vrai.
d) L’humanité d’un homme, fût-il archevêque, est capable de surgir, source d’eau vive.
e) Une amie, Ginette, me « tance » : « mais enfin, cela ne se fait pas d’envoyer un mail à un archevêque ! ». Cette notion de bienséance ne m’a pas effleuré l’esprit. La transgression me devient familière. S’en affranchir est peut-être un signe d’avancée – opinion réservée malgré tout.
Le 14 mars, je suis à l’Assemblée Générale de « Parole en Liberté », l’un de ces groupes nés à la suite de l’affaire Gaillot et qui rassemble surtout des Tourangeaux. Je suis sollicitée pour coordonner le travail d’un atelier afin de rédiger un communiqué de presse destiné à la Nouvelle . République, le journal local. Il s’agit de dénoncer les deux récentes dérives de l’institution catholique. Nous l’intitulons : « Intégrisme : danger ! » Mais il a fallu 15 jours pour arriver à faire publier le texte (envoi de mails, 2 visites à la rédaction, coups de téléphone à deux journalistes). Nous apprenons qu’il y a effectivement eu un « blocage » (journalistes « bien-pensants » ? direction ?). Je veux bien admettre que nos critiques fassent un peu « désordre ». Dans cette démarche, nous étions trois à nous relayer, ce qui est important pour éviter la lassitude. Notre obstination a permis de montrer que des chrétiens avaient une parole libre, ce qui, en l’occurrence, était bien la moindre des choses.
Cinquième faux-pas : Le 17 mars, Benoît XVI, répondant à une question (dont il avait déjà connaissance) portant sur les moyens de lutter contre le sida assure que la distribution des préservatifs « augmente le problème ». La répercussion médiatique est immédiate. Jamais je n’ai entendu autant de personnalités politiques exprimer aussi ouvertement leur désaccord avec les propos d’un responsable religieux. Au cours d’une conversation téléphonique, Guy Coq m’affirme avoir particulièrement apprécié la prise de position de quatre scientifiques français, dont un prix Nobel de médecine ; Il citera dans une « Epître à Benoît XVI parue dans l’hebdomadaire Marianne (4 -10 avril) leur appel final : « il est encore temps de revenir sur vos propos pour le bien des hommes et des femmes d’Afrique et du monde entier ».( Nous publions son texte dans le courrier du C.E.D.E.C.)Gêne des évêques, certains essaient de défendre l’indéfendable ; Monseigneur Di Falco, évêque de Gap, évoque « l’idéal catholique de fidélité et d’abstinence », mais le comble de la stupidité revient à Monseigneur Fort, évêque d’Orléans, qui soutient que le virus du sida passe à travers les micro-trous du préservatif ! Cela vaudra à ce dernier une réponse cinglante du collectif des associations luttant contre le sida qui lui est adressée par la délégation du Loiret (Orléans étant le chef-lieu de ce département). En voici un seul paragraphe : « le collectif présente toutes ses condoléances aux hommes de Bonne Foi qui s’appuient sur leurs convictions pour s’élever en Humanité. Nous déplorons que ceux qui prétendent les diriger les enfoncent dans les abîmes de l’obscurantisme ».Le document m’a été transmis par les amis du groupe Nous Sommes Aussi l’Eglise d’Orléans.
Une semaine après un ami me dira à Paris : « Alors, dans l’Eglise catholique, vous avez maintenant un expert en caoutchouc ! » ; Je réponds : « Que veux-tu, il n’y a rien à faire, celui-là est con, il est con. ». Jamais je ne défendrai l’indéfendable. Je ne peux oublier les propos d’un prêtre du diocèse d’Orléans tenus le lendemain matin de la scandaleuse déclaration de Monseigneur Fort alors que nous étions réunis en Conseil d’Administration de la Fédération des Réseaux du Parvis : « Mes amis, je vous en supplie, ne me parlez surtout pas au cours de la journée de mon évêque ».
Mais, et ce sera ma conclusion, au cours de cette même journée a lieu un débat des plus animés qui prépare un communiqué de presse qui sortira le 2 avril : « Sur les Parvis, la coupe est pleine ! » (voir la rubrique “Faire Eglise autrement”). Les rédacteurs du texte publié sont à remercier : c’est en fréquentant de tels compagnons de route qu’on peut avancer ! Je ne me suis pas privée du plaisir à communiquer ce texte à des amis qui n’ont rien à voir avec l’institution Eglise. L’un d’eux me dira : “Quel texte magnifique ! “
(
Monique Cabotte-Carillon
Session Franco-Allemande d’Essen – août 2009