Scientologie : tollé dans la magistrature après la modification de la loi
Le gouvernement cherche à se sortir du mauvais pas où l’a placé le vote de la loi du 12 mai interdisant de prononcer la dissolution de personnes morales condamnées pour escroquerie. Cette initiative parlementaire entraîne l’impossibilité de dissoudre une secte condamnée pour escroquerie. Or, le parquet de Paris avait requis le 15 juin la dissolution des principales structures françaises de la Scientologie dans un dossier d’escroquerie. Le tribunal doit se prononcer le 27 octobre.Les deux principaux syndicats de magistrats s’interrogent sur les conditions dans lesquelles la modification législative interdisant la dissolution d’une secte pour escroquerie a pu passer “inaperçue”. Dans un communiqué publié, mardi 15 septembre, le Syndicat de la magistrature “demande l’ouverture d’une enquête parlementaire pour que les conditions dans lesquelles cette disposition a pu passer inaperçue soient établies. Au-delà, il dénonce l’absence de véritable contrôle démocratique et citoyen sur le fonctionnement des institutions républicaines”. L’Union syndicale des magistrats demande aussi au gouvernement “de faire toute la lumière sur ce qui pourrait bien être un scandale d’Etat”. L’avocat des victimes présumées de la Scientologie, Me Olivier Morice, et le député apparenté communiste Jean-Pierre Brard ont déjà demandé une enquête sur le vote.
Pour Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, il faut s’interroger sur les différentes versions proposées pour expliquer le dysfonctionnement ayant mené au vote, le 12 mai, de la loi de “de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures”. Pour lui, le parcours législatif, la formulation volontairement opaque du texte attirent l’attention.
La chancellerie plaide l’inattention et ” l’erreur matérielle “, poursuit M. Bonduelle. Mais entre le dépôt de la proposition de loi par le député UMP Jean-Luc Warsmann, le 22 juillet 2008 et ses différents examens, en avril 2009, les services du gouvernement ont eu le temps de l’examiner. La thèse du vice technique ne tient pas non plus, estime le syndicat, qui se rapporte aux déclarations de Jean-Luc Warsmann sur la simplification du droit et du président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer.
Le SM se refuse pourtant à trancher entre deux options – succès du lobbying de la Scientologie et dépénalisation rampante du droit des affaires, telle qu’elle a été présentée par Nicolas Sarkozy en septembre 2007 à l’université d’été du Medef -, raison pour laquelle il réclame la création d’une commission d’enquête parlementaire. Il rappelle aussi les propos d’Emmanuelle Mignon, ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, qui déclarait en février 2008 que “les sectes sont un non-problème”.
Pour corriger le tir, la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie, indique que le Parlement peut introduire dans un texte pénal une disposition rétablissant la dissolution des sectes. Mais un amendement au projet de loi de réforme pénitentiaire, actuellement discuté à l’Assemblée nationale, ne pourrait être adopté en moins d’un mois. Il sera impossible pour le tribunal correctionnel de Paris d’ordonner la dissolution de l’Eglise de scientologie.
Source : LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 16.09.09