Dieu venu dans l’histoire
Le lieu de Dieu, c’est le Monde
Là où les hommes se rencontrent pour construire le monde et faire avancer l’histoire dans un projet toujours neuf, c’est là qu’est Dieu. Dans le monde qui se fait et non pas un autre monde dans lequel je devrais m’exiler de ma terre, le monde que je suis en train de faire. Il est donc insensé de se séparer des hommes pour atteindre Dieu.
Le monde est l’épiphanie de Dieu
Mais ces événements dans lesquels je suis pris, cette Histoire que je suis en train de faire, moi et mes frères,, ce monde que je suis en train de bâtir, ce n’est pas un monde tout fait, sur lequel je ne serais qu’un consommateur.
Je suis le partenaire de Dieu et co-créateur de ce monde en marche, et la preuve, c’est que dans la mesure où je construis le monde je m’humanise en même temps. Je deviens homme en construisant le monde, et là où il y a humanisation il y a, en possibilité du moins, divinisation.
Et chaque fois qu’il y a une transformation du monde dans la série des civilisations, à chaque fois il y a espoir, il y a une chance pour le Royaume de Dieu, pour l’épiphanie de Dieu.
Nous sommes l’historicité de Dieu
Et je comprends maintenant certains hommes qui aujourd’hui ne veulent pas de Dieu, parce qu’on leur a présenté un Dieu sans homme. Je n’en veux pas.
De sorte qu’être chrétien, c’est à dire croire que Dieu est venu dans l’Histoire, c’est donc se tenir là où naissent, où jaillissent des forces neuves qui construisent l’humanité. Et non pas dans les engagements pris il y a cinquante ans. Encore moins dans un retour au passé pour satisfaire mes nostalgies.
C’est donc, et c’est extraordinaire de dire cela, un Dieu qui vient, un Dieu qui est devant et non pas un Dieu rétro, que je devrais récupérer pour me rattraper, après. Dieu vient dans un monde, comme à sa rencontre. Il est devant et il appelle. Il bouscule, il envoie, il fait grandir, il libère.
Tout autre Dieu est un faux Dieu, une idole, un dieu mort, et il est temps que notre conscience moderne l’enterre. Ce dieu multiforme qui habite la vieille conscience de l’homme est en effet derrière, comme une cause. Il commande, il organise, fait régresser l’homme et finalement l’aliène. Il n’a rien de prophétique, au contraire. Il vient toujours après comme l’ultime recours des irresponsables.
Ce faux transcendant est vieux comme la mort !
Marie-Dominique Chenu