L’Eglise catholique de Pologne obligée à s’excuser…
Alicja Tysiac a gagné en premier instance le procès en diffamation contre l’hebdomadaire épiscopal « Gosc Niedzielny » (« L’invité du dimanche »).
Cet hebdomadaire l’avait plusieurs fois traitée de meurtrière, de tueuse d’enfants et l’avait comparée à des criminels nazis, tout comme il avait comparé les juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme aux criminels nazis.
Le jugement a été rendu le 23 septembre : la justice polonaise condamne l’hebdomadaire a publié des excuses et à verser 30 000 Zlotys de dommages et intérêts à Alicja (environ 10 000 Euros) ; de plus, l’archevêché de Silésie, propriétaire du magazine, doit aussi présenter ses excuses auprès d’Alicja.
C’est une première ! Pour la première fois de l’histoire, c’est l’Eglise catholique en tant que structure qui doit S’EXCUSER AUPRES D’UNE FEMME !
Le Comité de soutien d’Alicja en Pologne, dirigé par Teresa Jakubowska, présidente du Parti RACJA de la Gauche Polonaise et Malgorzata Tkacz-Janik, militante des Verts et du Groupe des Initiatives Féministes en Silésie a organisé le jour même une conférence de presse à Varsovie à laquelle j’ai également participé au nom de l’Initiative Féministe Européenne France.
Attaquées par les représentants de la presse catholique qui ne voulaient pas croire que de nombreux catholiques en Europe acceptent la liberté de l’IVG et réprouvent les insultes de l’Eglise polonaises à l’égard des femmes, nous avons présenté les lettres de soutien des laïques et des féministes françaises et du réseau européen Eglises et Libertés. Nous avons constaté avec satisfaction que la juge avait étudié tous nos arguments : contre les discours de haine, contre le négationnisme de l’Eglise qui compare l’avortement à la Shoah et en faveur de la liberté de l’IVG.
Elle ne nous a pas suivi sur un seul point : l’Eglise conserve le droit de nommer « meurtrières » les femmes soupçonnées d’IVG, mais n’a plus le droit de les désigner nommément. Le jugement a fait grand bruit : les médias se sont répandu en diatribes contre la justice qui « limite la liberté d’expression des catholiques ».
Il fallait voir le visage des évêques de Pologne quand ils ont entendu le jugement ! Ils n’avaient jamais soupçonné que la justice polonaise puisse être autre chose qu’une institution totalement à leurs ordres !
Alicja a remercié à la conférence de presse tous ses soutiens : les laïques et les féministes polonaises présents dans les audiences à Katowice le 3 juin et le 8 septembre et bien sûr les associations d’Europe.
Ce 23 septembre fut une grande journée pour les femmes, les laïques et la gauche en Pologne et en Europe. Nous avons répondu aux sollicitations médiatiques et c’est ainsi que j’ai croisé le fer avec un des idéologues les plus en vue de l’Eglise actuellement, M. Cejrowski, au cours d’un débat direct sur la première chaîne publique TVP Info. Vous trouverez sur cette vidéo You tube des extraits de la conférence de presse ainsi que ce débat.
Contrairement à ce que je croyais, ce fut presque facile. L’homme me traitait de meurtrière, de massacreuse d’enfant et assurait que l’Eglise doit avoir la liberté de prêcher la « vérité » à tout les « pêcheurs ». Je lui répondais que la liberté d’expression de l’Eglise, comme celle de tout un chacun, s’arrête là ou commence la liberté d’autrui, que de nombreux Polonais ne sont pas catholiques et par ailleurs, que la plupart des catholiques européens seraient outrés d’entendre comment l’Eglise polonaise traite les femmes. Je parlais tranquillement de la nécessité de rendre la liberté à l’IVG en revenant à la loi de 1956 – il était nécessaire de rappeler aux Polonais à une heure de grande écoute que l’IVG a été légale en Pologne de 1956 à 1993.
Plus mon contradicteur hurlait, plus mes arguments pesaient et d’après les témoins, c’est la première fois depuis 1989 qu’un idéologue de l’Eglise recule dans la lutte pour les imposer les mots et les notions.
Par ailleurs, l’Eglise appelant ses ouailles à ne pas respecter le jugement, j’ai riposté en indiquant que le Vatican devait enfin respecter la souveraineté de l’Etat polonais et ses institutions.
J’ai compris qu’une brèche a été ouverte – enfin. Nous, les laïques et les féministes européen/es, avons gagné une première bataille idéologique depuis 1989 en Europe de l’Est.
Mais ce n’est qu’un début : l’Eglise va faire appel et il est nécessaire que nous préparions notre offensive dès maintenant en structurant un Comité de Soutien Européen.
Par ailleurs, nous n’avons pas encouragé la médiatisation, la Pologne étant plongé dans le deuil suite à la mort de 18 mineurs brûlés vifs dans une explosion de méthane dans la mine Wujek. Les médias européens n’en parlent pas alors que c’est un des plus grave accident de travail en Europe des dernières années. Selon les syndicats Août 80, c’est le nom respect des règles de sécurité par les directions des mines pour un maximum de profit qui a coûté la vie à ces hommes. Comme le gouvernement cherchait à se débarrasser de la question des femmes et des enfants des mineurs qui ne bénéficient d’aucun soutien ni d’une pension, nous n’avions pas voulu que le procès d’Alicja serve à détourner l’attention des médias de l’accident et nous n’avons pas continué la médiatisation.
Je suis de retour à Paris, je peux donc vous transmettre d’autres informations.
Merci pour votre soutien -n’hésitez pas à transmettre cette information dans vos réseaux et à la publier.
Auteur : Monika Karbowska