Les prêtres du diocèse de Lyon versent un mois de salaire aux associations caritatives
Ils ont longuement hésité. Leur avis a oscillé entre la discrétion et la publicité. Entre une attitude qui leur est assez coutumière et une communication qui est plus étrangère à leur mode de fonctionnement. Finalement, les prêtres du diocèse de Lyon viennent de décider de médiatiser leur décision de verser un mois de salaire, 900 euros, à une association caritative “soutenant les victimes de la crise”.
“Si on peut faire des émules…”, justifie le père Bruno Millevoye, secrétaire du conseil du presbyterium, l’assemblée qui représente les 450 prêtres du diocèse. Eux-mêmes avouent s’être inspirés de l’initiative prise par les prêtres espagnols, qui ont lancé une telle action de solidarité il y a quelques mois déjà.
Si au passage ce geste de générosité contribue à donner une meilleure image de l’Eglise catholique, tant mieux, reconnaissent aussi à l’unisson les prêtres du diocèse de Lyon. “Nous voudrions adresser un signe à nos contemporains pour lesquels l’image de l’Eglise est souvent celle de la prédication et plus rarement celle d’une solidarité concrète“, argumentent leurs représentants dans la lettre envoyée le 14 octobre à tous les curés du diocèse. Confrontés au quotidien à des personnes frappées par la crise économique, les prêtres ont conscience de vivre dans une sécurité matérielle que les salariés ne connaissent plus toujours.
“Réel sacrifice”
Leur traitement, fixé à 900 euros mensuels pour tous les prêtres, ne leur autorise sans doute pas un train de vie somptuaire. Mais des à-côtés non négligeables leur facilitent la vie.
D’abord ils sont logés gratuitement par le diocèse, ensuite ils sont aussi en partie nourris, en particulier les curés de paroisse, qui sont régulièrement invités par des associations ou des fidèles. “On ne paye que les charges et la taxe d’habitation”, précise le père Millevoye, installé en paroisse à Vénissieux. “Et puis, on est célibataire : en cas de coup dur, on amortit plus facilement les problèmes qu’une famille.” Leurs éventuelles économies servent donc en général “à l’entretien d’une voiture, à l’achat d’un ordinateur ou au financement de courtes vacances”.
“Selon leur origine sociale, les prêtres sont aussi plus ou moins aidés par leur famille“, explique le père Millevoye. “Il n’empêche, donner un mois de salaire constituera pour certains un réel sacrifice”, précise le prêtre. Lui-même effectuera dix versements successifs de 90 euros. “Ce sera une perte, mais cela ne m’empêchera pas de finir le mois !”, ajoute-t-il.
Conscients qu’une action ponctuelle ne suffit pas à changer durablement les choses, certains prêtres se demandent toutefois si l’Eglise ne devrait pas avoir sur les questions sociales un “discours plus musclé”, davantage axé sur “la transformation de la société elle-même”. En septembre, durant trois journées, 130 d’entre eux se sont même fait décrypter et expliciter les mécanismes de la crise économique actuelle par des experts de ce sujet difficile.
Les prêtres se réfèrent aussi volontiers à l’encyclique sociale du pape, publiée en juillet. Ils ne cachent pas que ce document, qui rappelle les fondamentaux de la doctrine sociale de l’Eglise en mettant notamment en avant le double principe de “gratuité et de don”, a contribué à “réveiller leur sens de la solidarité et de la justice”.
Auteur : Stéphanie Le Bars
Source : Le Monde, édition du 27.10.09