Clés pour une interprétation du Concile Vatican II
Dégager du trésor de la Révélation le neuf et l’ancien (cf. LG 25)
La polysémie du mot prêtre en français provoque confusion et pièges théologiques. Une vigilance linguistique s’impose.
En grec, 2 termes |
En latin, 2 termes |
sert à désigner |
En français, |
Hierus sens 1 |
Sacerdos sens 1 |
Les prêtres des religions sacrificielles, leur pouvoir d’intermédiaire, leur sacerdoce sacrificiel (les sacrificateurs, les immolateurs, les hommes du sacré), par exemple dans l’Ancien Testament le sacerdoce lévitique. |
Prêtre
(d’où une ambiguïté tenace et récurrente) |
Dans le Nouveau Testament Jésus Christ l’unique et définitif grand prêtre (médiateur), son sacerdoce (offrande et sacrifice) parfait, intransmissible. | |||
Dans le Nouveau Testament la communauté chrétienne dans son ensemble et la tâche sacerdotale de chaque baptisé y compris liturgique c’est-à-dire la communauté qui célèbre, qui offre et s’offre, avec en son sein un ministre ordonné, président. | |||
Presbyteros |
Presbyter sens 2 |
Dans le Nouveau Testament les ministres ordonnés de la communauté chrétienne, anciens, guides, pasteurs (désignés uniquement par ce terme et pour cette fonction). |
- Veillons à lever et dénoncer toutes les ambiguïtés d’une théologie sacerdotale et sacrificielle, veillons à bannir de nos propos les ambiguïtés d’un langage sacral qui donnent du prêtre (au sens 1) une image préchrétienne et falsifiée des relations Homme/Dieu dans le Christ.
- Veillons à n’utiliser exclusivement dans nos paroles et nos écrits que le mot prêtre au sens 2, le presbytre au sein d’une communauté tout entière sacerdotale.
Extrait de la version approuvée par l’Assemblée internationale de l’Union Apostolique du Clergé du 19-23 octobre 1997
” […] Cette option théologique entraîne pour les membres de l’Union Apostolique la nécessité d’une réflexion courageuse sur le ministère ordonné, sur son caractère unitaire, sur les spécificités de chacun de ses degrés, épiscopal, presbytéral, diaconal, sur les lieux que chacun occupe et doit occuper, sur leur compénétration et sur la reprécision (ou, là où ils manquent, sur l’invention) des mots qui les expriment. En fait le vocabulaire a suivi l’interprétation théologique et le fait d’avoir pendant plusieurs siècles (mais non pas depuis les origines) eu tendance à faire coïncider l’épiscopat et le presbytérat avec le sacerdoce a conduit à n’avoir dans certaines langues qu’un seul mot pour exprimer le presbytérat et le sacerdoce. Or dans le Nouveau Testament les deux ne coïncident pas.
Nous voulons nous habituer à parler de prêtres et de ministère presbytéral, en réservant (ou en introduisant) le terme de sacerdoce, d’état sacerdotal pour définir l’existence sacerdotale du Christ et du Peuple de Dieu ou le service cultuel de l’Ancien Testament ou des religions non chrétiennes.
Au cours du Symposium international pour le 30e anniversaire du Décret conciliaire Presbyterorum ordinis (octobre 1995), on a insisté sur la réappropriation d’une terminologie et sur une reformulation théologique qui aident à distinguer l’identité sacerdotale, prophétique et royale de chaque chrétien (qui est vraiment un autre Christ) de l’identité particulière du ministère ordonné diaconal, presbytéral et épiscopal. Sur ce point le témoignage des membres de l’Union Apostolique peut devenir prophétique. […] ” (Mots soulignés par Alain Weidert)
Quelques remarques urgentes et bienfaisantes.
Le mot hierus (sacerdos) est employé 130 fois dans le Nouveau Testament mais jamais pour y qualifier les ministres et lorsque Paul énumère des fonctions dans une communauté il n’y est jamais question de sacerdoce. Une prise de distance aussi catégorique avec le temple de Jérusalem, où au temps de Jésus 7200 prêtres se relayaient autour du Grand Prêtre, induit une religion d’un type nouveau qui veut sortir et se distancer radicalement du système sacral et sacrificiel qui nécessitait jusqu’alors des intermédiaires patentés entre les Hommes et Dieu.
- Dans le NT il n’est question de sacerdoce qu’à propos du Christ et de l’ensemble de la communauté chrétienne.
- Les distinctions lexicologiques du Nouveau Testament entre sacerdoce et presbytérat sont assez bien respectées dans le corpus de Vatican II (cf. Presbyterorum ordinis) par l’utilisation des mots sacerdos et presbyter (la plupart du temps presbyteri au pluriel). Le mot sacerdos y désignant par ailleurs à la fois les évêques et les prêtres (!). Dans la traduction en Français qui ne dispose que du seul mot prêtre la différence est rendue graphiquement par l’utilisation des deux mots prêtre et prêtre. Le décret sur le ministère et la vie des prêtres porte bien au final le titre «Presbyterorum ordinis» et non «De vita et ministerio sacerdotali» comme prévu à une étape de sa rédaction.
- Dans le corpus de Vatican II il existe bien un sacerdoce ministériel (de certains fidèles du Christ) mais uniquement en lien avec celui du sacerdoce commun des fidèles, ordonné à lui, à son service, contenu en lui. Le ministre ordonné y est comme«l’icône du Christ Prêtre» (1) mais jamais pour y rendre second le Corps du Christ lui-même. Pas plus que le sacerdoce ministériel n’absorbe et ne rend caduque, chez ceux qui sont ordonnés, le sacerdoce du Christ Corps qu’ils sont en commun avec tous les autres baptisés. Ces deux sacerdoces participent, chacun selon son mode propre, de l’unique sacerdoce du Christ (LG 10). Avec Vatican II nous n’avons affaire ni à une promotion des laïcs au détriment des pasteurs, ni à l’affirmation que certains seraient plus sacerdotes que d’autres. Ce serait dans l’un et l’autre cas un non-sens christologique.
- Avec Vatican II il n’est jamais question d’un sacerdoce ministériel qui serait ordonné pour lui-même, deviendrait une fin religieuse en soi ou octroierait une identité (ontologique) particulière. Le sacerdoce ministériel, ou plus exactement le ministère sacerdotal est toujours ordonné au service d’une Eglise particulière, au service concret du sacerdoce commun des baptisés, d’une communauté déterminée. Le sacerdoce-commun–à-tous, quant à lui, marquant la spécificité de toutes spiritualités chrétiennes, c’est-à-dire la spécifique et incontournable vocation baptismale de chacun.
Avec Vatican II, les inégalités clercs/laïcs n’ont plus de raison d’être qui faisaient de certains les membres les plus élevés, premiers et principaux du Corps mystique (2). Il y est essentiellement question de retrouver, dans une égale dignité, l’identité de l’Eglise comme communion des croyants en Christ. C’est-à-dire la mise en valeur du Corps du Christ (LG 7), l’être Christ tout autant féminin que masculin, de l’Eglise et de chaque baptisé, presbytres y compris. Redécouvrir que toute femme, tout homme sans privilège particulier, mais en exerçant des fonctions et ministères diversifiés, est un élément constitutif de la toute première des vérités ecclésiales, le kleros, la famille des héritiers du Christ. Découverte que ce Corps mystique du Christ sans frontière et sans clivage interne est le signe vivant et le sacrement du Corps christique de l’Humanité.
(1) Cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, 1997, n° 1142
(2) Pie XII. Encyclique Mystici Corporis Christi, 1943
Vocabulaire à bannir |
Vocabulaire à promouvoir |
Prêtre au sens 1 Le prêtre « hierus » ou « sacerdote » (En italique en français dans Presbyterorum ordinis de Vatican II) |
Prêtre au sens 2 Le prêtre « presbyteros » ou « presbyter » : le prêtre de la communauté chrétienne |
Le sacerdoce (expression erronée pour parler des prêtres catholiques) |
La prêtrise – Le presbytérat |
Sacerdoce ministériel – Sacerdoce presbytéral – Sacerdoce ordonné – Charge sacerdotale | (Ministère sacerdotal) – Ministère presbytéral – Ministère pastoral – Ministère ordonné – Ministère de prêtre – Charge de prêtre |
Vocation sacerdotaleFormation sacerdotaleOrdination sacerdotaleEquipe sacerdotaleConfrères dans le sacerdoceAccueil sacerdotal | Vocation presbytéraleFormation presbytéraleOrdination presbytérale, au presbytérat, à la prêtrise Equipe presbytéraleConfrères prêtresAccueil par un prêtre |
Fêter vingt ans de sacerdoce – Jubilé sacerdotal | Fêter vingt ans de ministère (sacerdotal), de presbytérat – Jubilé presbytéral |
Appelé au sacerdoce (S’engager dans la voie du sacerdoce)Recevoir le sacerdoce (sacerdoce catholique)Le sacrement du sacerdoce (sic !) « Notre-Dame du sacerdoce » (sic !) |
Appelé à la prêtriseRecevoir le sacrement de l’OrdreLe sacrement de l’Ordre |
Son, leur sacerdoceL’état sacerdotal (par rapport à l’état laïc) Spiritualité sacerdotaleVie sacerdotaleIdentité sacerdotaleSainteté sacerdotaleSociété, fraternité sacerdotale | |
Communauté sacerdotale (celle des prêtres au sens 1) | Communauté sacerdotale. Cf. le sacerdoce commun des tous les baptisés, le sacerdoce royal des fidèles, du peuple sacerdotal (LG 10) |
Année sacerdotale, année du sacerdoce |
Il aurait mieux valu dire année presbytérale « Année sacerdotale » signifierait sinon « Année du sacerdoce commun de tous les baptisés », ce qui aurait été une excellente proposition ! |
Auteur : Alain Weidert
aaweidert@yahoo.fr
excellent analyse qui explique bien les enjeux de l’écclesiologie de Vatican II, et qui devrait servir de base à toute discussions oecuménique sur l’écclésiologie, notamment avec nos frères protestants (l’écclésiologie reste un point majeur de désaccord).
Juste un point de désaccord : “Sacerdoce ministériel” n’est pas totalement à bannir si on en parle par opposition au “sacerdoce baptismal commun”
d’ailleur le terme est utilisé dans votre article :-;