La Biélorussie décrète la censure du Web
Journalistes et opposants ont dénoncé mardi une tentative d’établir un “contrôle total sur l’information” en Biélorussie, où le pouvoir veut mettre l’Internet sous tutelle alors que le mécontentement augmente avec la crise économique. Le président Alexandre Loukachenko (cf. photo supra), qui s’était plaint en décembre “de la boue qui coule de l’Internet et dans laquelle les gens ne se retrouvent pas”, a signé lundi un décret pour contrôler l’accès à la Toile.
Le texte oblige notamment les fournisseurs d’accès à garder les informations relatives à leurs clients et aux services octroyés et à les remettre à la police, au fisc, aux services spéciaux ou à d’autres structures étatiques en cas de demande. “On pourra ainsi facilement identifier la personne qui surfe sur les sites d’opposition et faire pression sur elle”, pronostique Andreï Bastounets, vice-président de l’association des journalistes biélorusses. Selon le décret, le fournisseur d’accès sera obligé de fermer dans les 24 heures l’accès à un site si le centre l’exige.
Natalia Radina, administratrice du site d’opposition le plus visité du pays, charter97.org, critique les formules “floues” du texte qui ouvrent la porte à tous les abus. Une clause du décret stipule que les fournisseurs d’accès “peuvent limiter, à la demande des consommateurs, l’accès à des informations concernant des activités extrémistes”. “Cela veut dire qu’une association d’anciens combattants ou toute autre organisation pro-Loukachenko peut demander aux autorités de limiter l’accès à certains sites”, dit Mme Radina. Les sites seront alors interdits “à la demande des travailleurs”, ajoute Mme Radina, dans une allusion à la sacro-sainte formule utilisée à l’époque soviétique.
Cela pourrait intervenir à l’occasion de l’élection présidentielle, prévue au printemps 2011, et à laquelle Alexandre Loukachenko, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 1994, se prépare déjà, estime-t-elle. “Loukachenko fermera les sites d’opposition à l’heure H pour éviter une cristallisation du mécontentement et l’organisation de manifestations, comme ce fut le cas à l’issue de la présidentielle de 2006”, affirme Mme Radina.
Le décret oblige aussi toutes les structures commerciales biélorusses qui veulent avoir une adresse Internet à passer par le monopole national de télécommunications Beltelecom, réputé moins efficace et plus cher que d’autres opérateurs. Elles recevront alors des adresses se terminant en .by ( en référence de la Biélorussie), alors qu’actuellement les entrepreneurs biélorusses sont souvent enregistrés avec des noms de domaines en .com et .biz pour augmenter le nombre de leurs clients.
Les portails Internet étrangers devront être également enregistrés en Biélorussie pour être consultables dans ce pays. “Cela veut dire que ni Google, ni yandex.ru, ni mail.ru [portails russes] ne pourront fournir de services aux consommateurs biélorusses tant qu’ils ne seront pas enregistrés en Biélorussie”, explique à l’AFP le fondateur du portail d’information tut.by, Iouri Zisser.
Source : Le Monde, édition du 02.02.10