Le pape en guerre contre un Labour peu catholique (source : Le Monde)
Le 1er février, le pape est intervenu dans la vie politique du Royaume-Uni ! Benoît XVI, qui rencontrait à Rome les trente-cinq évêques catholiques anglais et gallois, a jugé que les projets de lois britanniques destinées à promouvoir l’égalité des chances “imposent des restrictions injustes à la liberté des communautés religieuses d’agir en accord avec leurs croyances”. A cet égard, a ajouté le pape, ils “violent la loi naturelle”. Il faut vous battre “avec un zèle de mercenaire” contre ces textes, a-t-il enjoint à ses troupes.
L’attaque du pape, qui a confirmé qu’il se rendrait en visite officielle au Royaume-Uni, sans doute vers la mi-septembre, vise un texte en cours d’examen à Westminster. Celui-ci, dans sa version originelle, prévoyait que les organisations religieuses ne pourraient plus totalement s’exonérer, comme c’était le cas jusqu’ici, des contraintes nationales en matière de lutte contre la discrimination.
Cela concernait spécifiquement les employés de tout ce que la Grande-Bretagne compte d’organisations religieuses, et qui ne font pas partie du personnel clérical. Dans les nurseries ou les écoles affiliées à une religion, arguait le gouvernement, il n’y a aucune raison de ne pas embaucher d’homosexuels ou de transsexuels.
Les prêtres n’étaient pas concernés par le texte mais qu’importe : les catholiques comme les protestants sont montés au créneau. Et le 26 janvier, la Chambre des lords, emmenée par les représentants de l’Eglise d’Angleterre, a repoussé cet aspect du projet de loi, par 216 voix contre et 178 pour.
Le gouvernement de Gordon Brown, qui, avec cet article, comptait se mettre en régularité avec une directive européenne, a désormais deux possibilités. Soit il le réintroduit à la Chambre des communes. Mais il n’aura sans doute pas le temps, dans ce cas, d’obtenir un vote définitif sur le projet de loi avant les élections prévues d’ici à juin. Soit il y renonce et se contente du texte en l’état. Prenant ainsi le risque, comme le lui a récemment signalé Bruxelles, d’être rappelé à l’ordre par la Cour européenne de justice.
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Le pape n’a pas caché à ses invités anglo-gallois qu’il avait d’autres griefs contre le gouvernement travailliste. Il a évoqué ces agences d’adoption qui étaient liées à l’Eglise catholique et qui ont été obligées de fermer, ou de prendre leur autonomie, quand la Grande-Bretagne a autorisé l’adoption par des couples homosexuels. Tony Blair, qui était alors premier ministre et qui s’est depuis converti au catholicisme, avait bien tenté de leur obtenir un statut dérogatoire. Mais son cabinet ne l’avait pas soutenu. Tout juste était-il parvenu à leur garantir un délai de mise en conformité à la loi, qui s’est achevé en 2009.
En octobre 2006, l’Eglise catholique, qui compte 4,1 millions de fidèles en Angleterre et au Pays de Galle, avait obtenu une victoire contre le Labour. Et contraint M. Blair à revenir sur son projet d’imposer aux faith schools – ces écoles catholiques, protestantes, juives ou musulmanes financées partiellement par l’Etat – un quart d’élèves d’une autre religion que celle dont elles se prévalent.
L’Eglise catholique d’Angleterre et du Pays de Galles doit bientôt publier son “manifeste”, dans lequel elle fera ses recommandations en vue des élections de juin. Il ne fait aucun doute que le sujet de la “liberté religieuse” y figurera en bonne place, tout comme l’aide qui doit être apportée aux plus déshérités. Lors du scrutin de 2005, le cardinal Cormac Murphy O’ Connor, à l’époque archevêque de Westminster et à ce titre leader de la communauté catholique britannique, s’était déclaré “pas si sûr que ça” que le Labour défende encore les valeurs catholiques.
Source : Le Monde, édition du 4 février 2010
Auteur : Virginie Malingre (depuis Londres)