Le procès Vivendi relance le débat sur les “class actions”
L’affaire Vivendi, jugée récemment aux Etats-Unis, pourra-t-elle relancer, en France, le débat sur le recours collectif en justice (class action) ? Dans cette class action un groupe d’actionnaires français a obtenu, fin janvier, une victoire dans un combat vieux de dix ans (Le Monde daté 31 janvier-1er février).
Maintes fois évoqué par les gouvernements Villepin et Fillon, le projet d’un tel recours n’a jamais vu le jour en droit français. Les petits actionnaires français qui s’estimaient lésés par les agissements de Vivendi, se sont donc ralliés à une procédure ouverte, en 2002, devant le tribunal de New York. Avec la décision rendue le 29 janvier par le tribunal de Manhattan, ils peuvent espérer un dédommagement. Vivendi risque de devoir payer environ 4 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) aux plaignants, dont près des deux tiers sont Français.
Pour les détracteurs de la class action comme le Medef ce procès n’est que “l’illustration des dérives de ces procédures collectives”. “C’est la raison pour laquelle on n’en veut pas en France”, indique une porte-parole de l’organisation patronale. Les montants exigibles au terme de ces recours sont disproportionnés et font planer une menace insupportable sur les entreprises, indique le Medef. Il ajoute qu’en raison de la lenteur des procédures judiciaires, des actionnaires et dirigeants d’aujourd’hui sont amenés à payer pour les fautes de dirigeants d’hier.
Dans le camps des associations favorables aux class actions, on a conscience de cette mauvaise publicité. “Cette victoire des actionnaires de Vivendi risque fort d’être instrumentalisée, pour enterrer la class action en France”, se désole Fabrice Rémon, dirigeant du cabinet de défense d’actionnaires minoritaires Deminor.
Mais le procès Vivendi démontre aussi l’urgence de mettre sur pied une class action à la française, ajoutent ses partisans. Une telle réforme permettrait d’éviter que des particuliers n’aient recours, faute de mieux, à la procédure américaine jugée pleine de travers. “La class action américaine n’est pas adéquate, reconnaît Colette Neuville, porte-parole d’actionnaires français dans le procès Vivendi. Et c’est tout de même aberrant que des petits épargnants français soient réduits à faire appel à la justice américaine pour faire respecter leurs droits.”
Devancer Bruxelles
Une procédure collective en France, revue et corrigée, serait aussi le meilleur moyen d’éviter de se voir imposer un modèle européen. Deux projets de directives sont, en effet, déjà prêts à être débattus à Bruxelles ces prochaines semaines. En France, les sénateurs Laurent Beteille (UMP) et Richard Yung (PS), rapporteurs du groupe de travail mis en place en octobre 2009 par la commission des lois pour étudier l’opportunité d’une class action à la française, tentent d’accélérer les choses. “L’idéal serait que la France se dote d’un dispositif avant la Commission européenne pour faire entendre ses arguments”, indique M. Beteille, qui se dit déterminé à trouver un système évitant les abus. “L’affaire Vivendi donne une base pour relancer le débat. On peut réussir à faire bouger les choses”, complète M. Yung.
Les deux sénateurs devraient rendre leur rapport d’ici à deux mois. M. Yung a, lui, déjà pris les devants en rédigeant avec sa collègue Nicole Bricq (PS) une nouvelle version de leur proposition de loi sur le recours collectif, qui sera déposée dans quelques jours sur le bureau du Sénat.
Auteur : Claire Gatinois
Source : Le Monde, édition du 04.02.10