La législation européenne intéresse aussi l’Église catholique
Travail le dimanche, anti-discrimination, bien-être animal… plusieurs textes au menu de la nouvelle législature européenne sont suivis de près par les évêques catholiques européens, qui misent sur un dialogue approfondi avec les institutions de l’UE.
Mgr Adrianus van Luyn, évêque de Rotterdam et président de la Comece, entre Hans-Gert Pöttering, alors président du Parlement européen, et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, le 11 mai 2009, lors d’une rencontre officielle des responsables européens avec des représentants religieux (Photo : Commission européenne).
La nouvelle Commission Barroso, investie mardi 9 février à Strasbourg par les députés européens, est officiellement entrée en fonction mercredi 10 février pour cinq ans. Le nouveau jeu institutionnel créé par le traité de Lisbonne étant maintenant en place, le travail législatif de fond commence. Les députés européens et les Vingt-Sept, désormais à pied d’égalité pour légiférer, attendent de nouvelles propositions de textes de la Commission Barroso II, tout en poursuivant l’examen d’autres en cours de délibération.
Les évêques catholiques européens, réunis au sein de la Commission des épiscopats de la communauté européenne (Comece) ont repéré les projets qui les préoccupent ou au contraire qu’ils appuient et, en tous les cas, les intéressent. État des lieux.
Travail le dimanche
Après l’échec du projet de directive « temps de travail » au terme de cinq ans de débat, la nouvelle Commission devrait proposer un nouveau texte. L’Église catholique souhaiterait que le dimanche y soit de nouveau reconnu comme le jour par principe de repos hebdomadaire.
Une directive initiale de 1993 avait déjà réservé ce statut au repos dominical avant que la Cour européenne de justice ne juge en 1996 cette disposition infondée. Et une communication à venir de la Commission européenne, émanant de sa direction du marché intérieur, devrait faire valoir que les fermetures des commerces le dimanche dans plusieurs pays empêchent une concurrence loyale entre réseaux de distribution et privilégient les achats en ligne.
Voulant faire du travail le dimanche, non une seule préoccupation religieuse mais une large question de société, l’Église mise sur un soutien syndical, en particulier allemand. Elle s’appuie aussi sur un jugement de la Cour constitutionnelle allemande du 1er décembre contre l’ouverture des magasins le dimanche à Berlin.
Anti-discrimination
Le flou juridique règne, selon les épiscopats européens, sur la directive anti-discrimination proposée par la précédente Commission en juin 2008 et toujours en débat. Les Églises, notamment la catholique, s’inquiètent des conséquences pratiques pour leurs activités que pourrait avoir ce texte-cadre mêlant toutes les formes de discrimination selon le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle et la croyance dans des secteurs aussi divers que l’accès au logement, aux soins de santé et à l’éducation. La directive pourrait restreindre la liberté d’admission dans les écoles privées religieuses.
Le texte requiert toutefois l’unanimité des Vingt-Sept pour être adopté. La coalition allemande au pouvoir s’oppose au projet, en raison surtout du coût qu’il impliquerait pour équiper l’accueil des personnes handicapées. L’Espagne, après la Suède, en a fait au contraire une priorité de leur présidence européenne.
Protection animale
La directive de la Commission sortante pour limiter les tests scientifiques opérés sur animaux est aussi toujours en cours d’examen. L’objectif du texte proposé en novembre 2008 est de réduire ces tests et de les remplacer autant que possible par des alternatives selon les progrès de la recherche biomédicale.
Tout en soutenant le bien-être animal, l’Église catholique est très préoccupée que l’alternative à ces tests ne conduise à les poursuivre sur des fœtus, embryons et cellules souches humaines et ne tende, selon la Comece, « à gommer la différence fondamentale entre l’homme et l’animal ».
Dons d’organes
Les évêques européens se montrent favorables au projet de directive pour sécuriser la qualité des dons d’organes et suppléer à leur pénurie, tout en luttant contre leur trafic. La législation proposée en décembre 2008 par la Commission sortante est actuellement examinée par les députés européens.
Pour faire valoir leurs vues sur ces projets législatifs et d’autres, comme le droit d’asile, les épiscopats européens comptent sur le nouveau traité de Lisbonne, qui instaure un dialogue régulier entre les Églises et les institutions européennes.
Côté catholique, on voudrait que l’échange ne se limite pas à une rencontre annuelle multiconfessionnelle au plus haut niveau, à valeur d’abord symbolique, mais se décline par thèmes et à des niveaux plus opérationnels tant avec la Commission, qu’avec le Parlement européen, le Conseil de l’UE et le futur service diplomatique commun. L’idée est même esquissée qu’un dialogue entre les seules Églises chrétiennes et institutions européennes soit mené en parallèle.
Auteur : Sébastien MAILLARD (à Bruxelles)
Source : La Croix, édition du 10 février 2010