Les « sans nous » de l’Eglise, par Isabelle de Gaulmyn
Et si les femmes faisaient un jour « grève de l’Eglise » ? L’idée a été lancée, lors d’un très sérieux colloque sur Vatican II, ce lundi, à l‘Institut catholique de Paris, au cours d’un débat passionnant -et passionné-, sur la place des femmes dans l’Eglise…Grève de femmes, donc, pour mieux souligner l’importance qu’elles ont, malgré le peu de reconnaissance qui leur est accordé…
Une journée sans femme dans l’Eglise ? Rêvons un peu. J’imagine ce curé de paroisse constater, en arrivant à la cure, que le téléphone sonne dans le vide : Béatrice, qui fait la permanence ce jour, n’est pas là. D’ailleurs, personne n’est venu, comme à l’habitude, ouvrir discrètement les salles, mettre le chauffage et donner un coup de balai pour enlever les traces de la réunion de la veille. Notre curé a tout juste le temps de réaliser l’absence, que derrière lui, une fenêtre se brise: ce sont, dans la cour, les gamins du caté, désœuvrés, car Claire, l’animatrice, manque à l’appel. Mais le téléphone sonne, et le curé bien obligé de répondre : à l’autre bout du fil, les services de la mairie, inquiets: sœur Clothilde, qui travaille au bureau social pour les jeunes, n’est toujours pas arrivé. « Je sais »maugrée notre curé, qui franchement agacé, sort dans la rue. En face, le bureau du Secours catholique est resté volets fermés. Odile ne l’a pas ouvert… Un peu désarçonné, le prêtre voudrait savoir ce que son évêque pense de cette journée sans femme: comment doit-il réagir, quelle est la ligne du diocèse ! Las, le délégué à l’information du diocèse est… « une » déléguée. Pas de communication, donc…
Très énervé maintenant, notre prêtre, qui n’est pourtant pas misogyne –pensez-vous, il ne travaille qu’avec des femmes !- pense brusquement à la messe : « là, quand même, je vais pouvoir la célébrer »… D’ailleurs, cela lui semble juste: malgré la sympathie qu’il peut éprouver pour la cause des femmes, il n’est tout de même pas question qu’un groupe de catholiques prive les autres de l’Eucharistie. Les enfants de chœur arrivent –les garçons, seulement. Mal peignés, chaussures de travers. L’église est froide, pas de bouquet, ni de feuille de chants sur les bancs… de toute façon, Régine n’est pas là pour faire chanter. Dans ses vêtement liturgiques -non repassés, notre prêtre s’apprête à célébrer, devant une assistance réduite des trois quarts… puisque exclusivement masculine. Mais s’apprête seulement…il a encore oublié un détail: les hosties sont fabriquées par les Carmélites de la ville voisine: pas de femmes, pas d’Eucharistie.
Auteur : Isabelle de Gaulmyn
Source : La Croix, 15 mars 2010