Qu’avons-nous fait de l’Homme ?
Qu’avons-nous fait de l’Homme ? C’est la question que nous pose cette Liturgie du Jeudi Saint. Qu’avons-nous fait de l’Homme ?
Si nous avions compris l’Évangile de Jésus, est-ce que le monde se trouverait dans l’état où il se trouve aujourd’hui ? Evidemment non !
Car justement cette Liturgie du Jeudi Saint cumule, en quelque sorte, toutes les consécrations de l’Homme par Jésus Christ. Le « Mandatum», la dernière consigne de Jésus : « C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13/35).
Voilà donc le dernier mot du Christ ! Le dernier mot du suprême Prophète, le dernier mot du Fils de l’Homme et du Fils de Dieu, c’est d’aimer l’Homme et de faire de l’amour de l’Homme, le test, le critère, la pierre de touche de l’amour de Dieu.
Et cet amour de l’homme, Jésus va le manifester dans cette scène incomparable, inépuisable, bouleversante, du Lavement des Pieds. Il va nous montrer Dieu à genoux devant l’Homme, devant l’Homme qui est le Royaume de Dieu, devant l’Homme qui porte l’infini dans son cœur, comme dit le Pape saint Grégoire, exprimant cette nouveauté merveilleuse : « Le ciel, c’est l’âme du Juste ».
Jésus à genoux devant l’Homme ! Il n’y a plus rien maintenant à ménager. Il ne s’agit plus de conduire les disciples par une parabole, il faut les mettre brutalement devant la réalité, car la catastrophe est imminente : le Sauveur du monde va être immolé, la toute-puissance de Dieu va connaître un formidable échec en apparence. Le Salut va venir par la mort sur la Croix.
II faut donc que le vrai visage de Dieu s’imprime maintenant dans le cœur des disciples et qu’ils sachent que Dieu, justement, est au-dedans d’eux-mêmes, d’une Présence confiée à toute conscience humaine. C’est à cela que Jésus veut conduire ses disciples, c’est ce Royaume de Dieu qu’II voulait ériger au-dedans de nous, nous révélant que le ciel est ici, maintenant, dans cette éternité de l’amour, au cœur de notre plus secrète intimité.
C’est donc là qu’il faut chercher Dieu, dans l’Homme ; et pour atteindre à la perfection chrétienne, il faut que tous les hommes ensemble constituent un seul corps, une seule vie, une seule personne en Jésus; et tout cela justement, c’est ce que l’Eucharistie va sceller.
L’Eucharistie est pour l’éternité, l’affirmation qu’il n’y a pas accès possible à Dieu, autrement que par le chemin de l’Homme, car Jésus, le Christ Notre-Seigneur, bien sûr, ne cesse jamais être avec nous. Il est toujours comme sur le chemin d’Emmaüs, compagnon de nos vies, davantage, Il est toujours au-dedans de nous, au-dedans de chacun de nous.
C’est pourquoi tout ce que nous faisons aux autres en mal ou bien, Le frappe, L’atteint, Le comble ou Le déchire, parce qu’II est intérieur à chacune de nos humanités, parce qu’Il est une attente infinie dans chacune de nos consciences.
Auteur : Maurice Zundel
Extrait de « Ta Parole comme une source »