Conférence de révision du Traité de Non-Prolifération Nucléaire
A l’occasion de la conférence qui va s’ouvrir à lONU sur la question du désarmement nucléaire : deux déclarations de Pax Christi.
1 – Déclaration commune de Pax Christi- France et de Pax Christi- Royaume Uni
Les sections de Grande Bretagne et de France du Mouvement International Pax Christi souhaitent affirmer conjointement que les armes nucléaires possédées par leurs deux pays doivent être abolies.
Comme le Vatican l’a répété avec insistance dans les récentes années, la stratégie de la dissuasion nucléaire est à la fois « néfaste et fallacieuse ». Parce que le principe de dissuasion ne peut être efficace que si on a la réelle volonté de passer si nécessaire à l’acte, la dissuasion nucléaire implique que l’on est délibérément prêt à tuer une multitude personnes innocentes, quel que soit l’objectif visé par les armes.
De tels assassinats, et la détermination à les perpétrer, sont clairement contraires à l’enseignement de l’Eglise. En conséquence, les armes nucléaires doivent être éliminées le plus rapidement possible. Ce n’est pas seulement une obligation morale : en 1996, la Cour Internationale de Justice déclara que la négociation pour l’abolition des armes nucléaires était une obligation légale.
Il y a également une raison supplémentaire pour que nos deux pays prennent actuellement cette initiative conjointe. En effet, la Conférence de révision du Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNP) – la seule barrière de droit international à l’expansion des armes nucléaires – va se tenir à Genève en Mai 2010 ; il est nécessaire de la soutenir par tous les moyens. Sans ce soutien, il y a un réel danger que des pays non-nucléaires soient tentés d’acquérir ce même type d’armes.
Comme le soulignait le Général Sir Hugh Beach dans Just Peace, le journal de Pax Christi UK : « Tous les arguments en faveur de la non-prolifération nucléaires tombent dans l’oreille de sourds tant que nos pays continuent à prétendre que les armes nucléaires sont la clef de voute de leur capacité à nous défendre ». Alors, la vertu de décision dont témoigneraient la France et la Grande Bretagne en renonçant à leurs propres armes nucléaires constituerait un appui considérable au succès de la Conférence de révision du TNP.
Il y a aussi d’autres raisons de circonstance.
En Grande Bretagne, une élection générale va avoir lieu dans les mois qui viennent. Il est donc bon de rappeler aux responsables politiques l’enseignement de l’Eglise sur les armes nucléaires. On rappellera aussi que le coût d’achat et de maintenance du Trident, nouvelle génération d’armes nucléaires, dépassera les 76 milliards de livres. Ce surcoût doit être mis en face de la nécessité de revoir les dépenses publiques en faveur de projets qui favorisent le développement humain, protègent l’environnement et réduisent la dette publique pour les prochaines années. Abolir cet arsenal nucléaire excessivement coûteux, qui en fait accroît l’insécurité globale et n’est pas une réponse adaptée aux véritables menaces, comme le terrorisme ou le réchauffement de la planète, serait une avancée majeure dans la bonne direction. Ce problème doit être clairement placé au centre de la prochaine campagne électorale.
En France, la dissuasion nucléaire n’a jamais fait l’objet de véritables débats publics ou politiques. Les gouvernements qui se sont succédé, de droite comme de gauche, semblent s’accorder sur un consensus qui n’a rien à voir avec la morale. Pourtant, des signes indiquent un changement. Deux anciens premiers ministres, Michel Rocard et Alain Juppé, avec le général Bernard Norlain et l’ancien ministre de la défense Alain Richard, dans un article très remarqué du journal Le Monde du 15 octobre 2009, ont conclu que « la réussite de la non-prolifération est une nécessité première pour la paix, et elle repose sur des initiatives urgentes et beaucoup plus radicales des cinq puissances nucléaires reconnues par le traité de 1968. Elles doivent engager un processus conduisant de manière planifiée au désarmement complet, y associer pleinement les trois puissances nucléaires de fait, écarter tout projet de développement d’arme nouvelle ».
Pax Christi-France est engagé avec d’autres associations dans la campagne ICAN (International Campaign Against Nuclear weapons). Pax Christi-France demande qu’un premier pas soit fait en réduisant l’état d’alerte des armes nucléaires en séparant les têtes nucléaires de leur vecteurs pour éviter toute méprise catastrophique. Il demande également au Président de la République d’annoncer un débat public pour préparer à terme la défense de la France sans force de frappe nucléaire.
1er février 2010
source : http://paxchristi.cef.fr/docs/CommuniqueTNPfev2010.PXFetPXUK.pdf
2 – Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République par Mgr Marc Stenger, Président de Pax Christi-France
Monsieur le Président,
A deux mois de la Conférence d’examen du Traité de Non-Prolifération nucléaire, je voudrais au nom du mouvement Pax Christi France m’adresser à vous pour vous faire partager la réflexion de notre mouvement sur la question du désarmement nucléaire.
Pax Christi France est une branche du mouvement international Pax Christi qui regroupe une centaine de sections nationales et qui est reconnu comme organisation non gouvernementale consultative auprès de l’ONU et de l’Union Européenne. A ce titre le mouvement a été conduit à prendre position à maintes reprises sur cette même question.
Le point de vue que nous aimerions vous exposer se situe dans la droite ligne de la position défendue depuis plus de quinze ans par le Saint Siège. En effet l’Eglise a pris acte de la fin de la guerre froide et estimé que la tolérance qu’elle avait pu exprimer en 1983, pour le principe de dissuasion nucléaire dans une ’éthique de détresse’, n’avait plus lieu d’être. Tous les représentants successifs du Saint- Siège, aux Nations Unies, ont défendu cette orientation. Le 24 septembre dernier, à la session du Conseil de sécurité des Nations Unies, Mgr Dominique Mamberti, Secrétaire du Saint Siège pour les relations avec les Etats, affirmait que « la dissuasion nucléaire appartient à la guerre froide et n’est plus justifiable de nos jours […] Le monde d’aujourd’hui a besoin deresponsables courageux capables d’anéantir complètement ces arsenaux nucléaires ».
Publié peu après le sommet de Copenhague, le Message de Benoît XVI pour la journée mondiale de la paix (1er janvier 2010) exprime les préoccupations de l’Eglise face à la triple crise mondiale : crise financière, crise économique, crise écologique. Il s’agit « d’une crise morale, d’une crise du sens », nous dit le Pape, en précisant : « Dans ce vaste contexte, il est plus que jamais souhaitable que les efforts de la communauté internationale visant à obtenir un désarmement progressif et un monde privé d’armes nucléaires – dont la seule présence menace la vie de la planète et le processus de développement intégral de l’humanité actuelle et future – se concrétisent et trouvent un consensus. L’Église a une responsabilité vis-à-vis de la création et elle pense qu’elle doit l’exercer également dans le domaine public, pour défendre la terre, l’eau et l’air, dons du Dieu Créateur à tous, et, avant tout, pour protéger l’homme du danger de sa propre destruction ».
…/..Le 11 mars 2010Dans sa mission d’œuvrer à la promotion de la paix, notre mouvement se fait le relais auprès de vous de ces demandes pressantes, adressées aux responsable du monde entier. Nous le faisons dans l’espérance, car nous croyons dans la vocation pacificatrice de notre pays et nous connaissons son influence.
La France fut exemplaire lorsque, le 8 avril 1992, elle annonça la suspension de ses essais nucléaires. Elle entraîna les Etats-Unis et la Russie dans une même dynamique qui aboutit à la prolongation, pour une durée indéterminée, du Traité de Non-Prolifération nucléaire.
Aujourd’hui encore, la France a rendez-vous avec l’Histoire. Des gestes significatifs de sagesse et de bonne volonté relanceraient la confiance. Ils inaugureraient une spirale vertueuse apte, nous le croyons, à résoudre l’ensemble des défis mondiaux.
Nous souhaitons des gestes concrets :
– soutenir le projet de Convention de désarmement nucléaire,
– déclarer un moratoire sur les recherches de nouvelles armes atomiques, en particulier sur les têtes nucléaires océaniques prévues pour équiper les missiles M 51 en 2015,
– les armes nucléaires devant à moyen terme être éradiquées, inviter officiellement à un débat public pour préparer la défense de la France à cette échéance.
En vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma profonde considération.
Mgr Marc Stenger
Evêque de Troyes Président de Pax Christi France
Membre du Comité Directeur de Pax Christi International
11 mars 2010
source : http://paxchristi.cef.fr/docs/TNP.LettrePresidentRepublique.Mars2010.pdf