Des paysans haïtiens refusent les dons en nature de Monsanto
Le 13 mai dernier, la multinationale Monsanto a annoncé sa décision de faire un don de semences de maïs conventionnel et de semences potagères aux agriculteurs haïtiens. Selon Monsanto, ce don, d’une valeur de 4 millions de dollars, sera composé de semences de maïs, chou, carotte, aubergine, melon, oignon, tomate, épinard et pastèque. Il représentera au total plus de 400 tonnes de semences qui seront acheminées sur l’île au cours des douze prochains mois. Lors de cette annonce, la multinationale a annoncé qu’une première livraison de 60 tonnes avait déjà été effectuée, par avion et bateau, début mai.
Depuis cette date, un mouvement de protestation paysan s’est développé sur l’île d’Haïti. Le 4 juin, une première manifestation, à l’appel du Mouvement paysan Papaye (MPP) a réuni plusieurs milliers de paysans et paysannes du pays. Pour la Via Campesina (1), qui soutient et relaie le mouvement : « Ces multinationales se présentent comme salvatrices, alors qu’elles font partie des principales actrices du désastre environnemental, économique et social subi mondialement par le secteur agricole. Jusqu’à présent, les paysans haïtiens ont peu recours aux hybrides F1 de Monsanto et Pioneer, dont ils ne peuvent pas utiliser la récolte comme semence. Ils utilisent essentiellement les semences paysannes locales et s’inscrivent dans une démarche de promotion de la Souveraineté alimentaire, dans la priorité à la production et la consommation locales et traditionnelles ».
Face à cette contestation grandissante, la firme Monsanto a précisé que le Ministère Haïtien de l’Agriculture a autorisé ce don et que le projet WINNER, financé par le Ministère de l’Agriculture des Etats-Unis, organise la distribution aux agriculteurs haïtiens.
Pour sa part, Jean-Baptiste Chavannes, coordonnateur du MPP et membre de la Via Campesina haïtienne, considère « qu’il ne s’agit pas d’une menace, mais d’une très forte attaque contre l’agriculture, les paysans et les paysannes, la biodiversité, les semences créoles que nous défendons, et à ce qu’il reste de notre milieu environnemental en Haïti ».
Michel Sage
08.06.2010
[1] La Via Campesina est un mouvement international rassemblant des millions de paysans, de petits producteurs, de sans-terre, de femmes rurales et de travailleurs agricoles du monde entier. Le mouvement est composé de 148 organisations actives dans 69 pays d’Asie, d’Afrique, d’Europe, et des Amériques
Source : http://www.univers-nature.com/inf/inf_actualite1.cgi?id=4258
POUR EN SAVOIR PLUS :
1- « Monsanto : un nouveau « tremblement de terre » se déchaîne en Haïti » par Jean-Yves Urfié (le père Jean-Yves Urfié est membre de l’Ordre du Saint-Esprit ; il est un ancien professeur de chimie au Collège Saint-Martial de Port-au-Prince).
26 mai 2010
http://www.michelcollon.info/index.php?option=com_content&view=article&id=2768:monsanto-un-nouveau-qtremblement-de-terreq-se-dechaine-en-haiti&catid=6:articles&Itemid=11
Monsanto va «offrir» aux agriculteurs haïtiens 475 tonnes de semences génétiquement modifiées: un cadeau mortifère. Le statut de «population assistée» n’est pas unanimement accepté !
[…]
Le tremblement de terre à Haïti, le 12 janvier 2010, a fait le bonheur de certains affairistes. La multinationale étatsunienne Monsanto est en train d’offrir aux agriculteurs du pays un cadeau mortel, à savoir 475 tonnes de semences [de céréales et légumes, dont 60 sont déjà livrées] génétiquement modifiées (OGM), en plus des engrais et pesticides qui leur sont associés.
Tout cela sera distribué gratuitement par le projet WINNER [1], avec le soutien de l’ambassade étasunienne en Haïti. Les Haïtiens savent-ils que c’est Monsanto qui fabriquait le défoliant dit «agent orange» [herbicide dispersé massivement de 1961 à 1971 pour liquider la forêt qui «servait de sanctuaire aux combattants vietnamiens engagés contre l’armée impérialiste des Etats-Unis] que les bombardiers américains ont utilisé pendant la guerre du Vietnam, empoisonnant ainsi les soldats américains autant que les civils vietnamiens ?
Les Haïtiens savent-ils que dans beaucoup de pays on a déclaré ces semences dangereuses ? Elles viennent souvent en kit accompagnées d’un herbicide de Monsanto du nom de Round Up qui contient du glyphosate. Dans ma Bretagne natale, cette substance a déjà contaminé l’eau potable. Mais Monsanto continue à prétendre que son produit est biodégradable. Ce qui lui a valu un procès intenté par le service de répression des fraudes de Lyon [2].
Monsanto a déjà commencé à distribuer ses semences de maïs OGM dans les régions de Gonaïves, Kenscoff, Pétionville, Cabaret, Arcahaie, Croix-des-Bouquets et Mirebalais. En Haïti, il n’y aura bientôt plus que des semences Monsanto. Ce sera alors la fin de l’indépendance des agriculteurs. Monsanto a investi récemment 550 millions de dollars au Brésil pour fabriquer son herbicide Round Up dans l’Etat de Bahia. Mais il semble que le pays soit en train de résister à la multinationale.
Monsanto fait toute une publicité autour de ce don de semences qui serait un cadeau généreux. Mais les agriculteurs haïtiens qui voudront disposer de droit de resemer pour leurs récoltes futures devront payer des royalties à Monsanto.
Le représentant de Monsanto en Haïti est Jean-Robert Estimé. Il fut ministre des Affaires étrangères sous la longue dictature de la famille Duvalier. Une alliance prometteuse !
Traduction A l’Encontre
Notes
[1] Le projet WINNER a été lancé le 8 octobre 2009 – avant le tremblement de terre, mais après les tempêtes tropicales – par l’Agence américaine pour le développement international (USAID). Ce projet qui vise, entre autres «l’intensification agricole». Il est financé par l’USAID à plus de 126 millions de dollars. Une délégation de Monsanto a visité Haïti le 6 mai 2010. Un débat existe sur le caractère des semences (maïs hybride) et des pesticides et le ministère haïtien affirme qu’il ne s’agit pas de semences Round UP Ready. (Réd.)
[2] La cour d’appel de Lyon a confirmé en octobre 2008 la condamnation en première instance de la firme d’agrochimie Monsanto pour publicité mensongère à propos de son désherbant, le Round Up. (Réd.)
2- Haïti: des milliers de paysans en colère contre Monsanto
Mondialisation.ca, Le 7 juin 2010
http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=19594
Port-au-Prince | Des milliers de paysans haïtiens ont participé à une manifestation pour protester contre le gouvernement, à qui ils reprochent de distribuer des semences de la firme Monsanto. De nombreux paysans craignent que les semences reçues ne soient une menace pour les variétés locales.
Des milliers de paysans haïtiens ont participé à une manifestation pour protester contre le gouvernement, à qui ils reprochent de distribuer des semences de la firme Monsanto. De nombreux paysans craignent que les semences reçues ne soient une menace pour les variétés locales.
Monsanto a fait don de 475 tonnes de maïs aux paysans haïtiens dans le cadre de Project Winner, une initiative de l’agence publique américaine d’aide au développement, l’Usaid. “Le gouvernement haïtien utilise le séisme pour vendre le pays aux multinationales”, a dénoncé Jean-Baptiste Chavannes, coordinateur du Mouvman Peyizan Papay (MPP), à la pointe du mouvement des agriculteurs haïtiens.
Rassemblés vendredi à Hinche, dans le centre du pays, les manifestants arboraient des pancartes et chantaient des slogans dénonçant le président René Préval et réclamant le départ de Monsanto du pays.
Selon le ministère haïtien de l’agriculture, le but de cette initiative est d’accroître la productivité agricole du pays. L’île a été sévèrement touchée par le séisme du 12 janvier qui a fait entre 250 000 et 300 000 morts et laissé quelque 1,3 million de sans-abri.
Un porte-parole de Monsanto aux Etats-Unis a de son côté affirmé que les semences données aux Haïtiens n’étaient pas génétiquement modifiées, mais qu’il s’agissait de “semences hybrides conventionnelles, déjà utilisées en République dominicaine”.