La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Nicolas Sarkozy, ont l’intention de demander une accélération de la régulation financière, au sommet du G20 qui se tiendra à la fin du mois de juin à Toronto. Ainsi veulent-ils relancer le débat sur le financement des opérations de sauvetage du secteur bancaire récemment rejeté par les ministres des finances dont les pays sont membres de ce groupe. Certes, l’idée d’une taxe sur les transactions financières internationales est très louable. Mais elle semble peu audacieuse, car le problème de fond reste la réforme du système monétaire internationale.
DES MESURES IDOINES SANS ENTRAVER LES ÉCHANGES INTERNATIONAUX
En effet, sous le prétexte de la nécessité de verser des bakchichs à l’étranger – ce qui est officiellement autorisé pour favoriser l’exportation – il est toujours possible de se partager en toute discrétion une partie de ces pots-de-vins avec les destinataires. Outre ce délit de corruption, beaucoup de grosses entreprises ont recours aux sociétés offshore, pour ce qui est de leurs profits. Cela a été reproché, entre autres, à Didier Pinault Valencienne par ses actionnaires belges minoritaires. Au prochain sommet du G20, il faudra non seulement veiller à rendre ces pratiques impossibles, mais surtout préconiser des mesures favorables à l’augmentation du nombre de juges efficaces dans l’espoir de prendre des décisions appropriées.
Dans un environnement où les taux de change ou d’intérêts sont exclusivement déterminés par les mouvements de capitaux, et non plus par les données économiques, les spéculateurs sont en proie à un effet d’anticipation dangereux. Cela nécessite, de la part des principaux établissements financiers, de renforcer les outils d’intervention. Il faudra que le prochain G20 prenne des mesures concrètes afin de contrôler davantage l’émission incontrôlée de liquidités dans le monde, laquelle a nourri une vague spéculative sans précédent. Tant que cela ne sera pas fait, l’endettement continuera et la menace de l’effondrement brusque de l’économie mondiale persistera. Il est donc indispensable de restituer aux seules banques centrales la mission d’émettre de la monnaie, et de contrôler les mouvements de capitaux sans pour autant entraver l’expansion des échanges internationaux.
LA STABILISATION DES MOUVEMENTS DE CAPITAUX POUR MIEUX COMBATTRE LA SPÉCULATION
Aujourd’hui, pour un dollar commercial transitant d’un pays à l’autre, 50 à 100 bougent sans transaction commerciale sous-jacente. Il faut donc combattre et freiner réellement ces mouvements spéculatifs, massifs, qui compromettent l’économie de chaque pays et sa stabilité. Les remèdes peuvent être trouvés au niveau de chaque pays, mais le plus efficace reste une solution globale qui suppose un accord, au minimum, entre les pays membres du G20.
En tout cas, une initiative peut être prise unilatéralement. Elle consiste à imposer, pays par pays, un contrôle des positions de change sur les capitaux spéculatifs. Les banques seraient obligées, au moins pour les comptes de clients non résidents, “à boucler” tous les soirs leurs positions de change – sauf, bien sûr, pour ce qui correspond à des règlements commerciaux réels. C’est donc une sorte de contrôle des changes, réservé aux marchés “dérivés”. Cela se pratique déjà en Europe, notamment en Espagne et en Irlande. Il sera indispensable, bien sûr, d’instaurer aussi cette pratique en France. En plus de cette méthode applicable pays par pays, il faut taxer forfaitairement, par exemple à un pour mille, tous les mouvements de capitaux qui ne seraient pas justifiés par des transactions commerciales réelles.
Une telle taxe donnerait un coût aux mouvements de capitaux spéculatifs ainsi qu’aux marchés “dérivés” et procurerait des ressources fiscales que l’on pourrait prévoir, par ailleurs, d’attribuer aux Nations unies. Ainsi, cette solution – qui suppose, comme cela a été souligné, un accord minimum entre les pays du groupe des G20 – serait le résultat d’un accord international. Le système monétaire international étant en quête de stabilité, il faut d’urgence stabiliser les mouvements de capitaux et combattre la spéculation.
SURVEILLANCE MULTILATÉRALE ET COLLECTIVE DE LA STABILITÉ MONÉTAIRE MONDIALE
Comme aucun pays ne peut s’isoler de l’influence des autres, la stabilité monétaire ne peut être que conjointe. S’il en est ainsi, les taux de change pourront demeurer flexibles afin d’absorber les variations asymétriques, mais les mouvements de capitaux devraient être le plus souvent stabilisants. En outre, la concertation des banques centrales à court terme, pour manier les taux d’intérêts et intervenir conjointement en vue de briser les attaques spéculatives, seraient plus efficaces parce qu’elles se feraient sur une base plus claire. On peut toutefois se demander quelle impulsion pourrait conduire les autorités monétaires à s’engager dans cette voie sur le plan mondial. Car il ne s’agit, en fait, que des entités indépendantes, les unes des autres, qui acceptent une auto-limitation de l’exercice de leur pouvoir monétaire, en vue de préserver le bien public général et la stabilité monétaire mondiale. C’est exactement pourquoi il faut établir une véritable Constitution du système monétaire international, comme l’étaient déjà les anciens accords de Bretton Woods.
Pour qu’une attitude propice à cette évolution apparaisse, il faut qu’un intérêt commun soit perçu, en dépit des multiples finalités socio-économiques qui nourrissent les politiques individuelles de chaque banque centrale. Les initiatives monétaires allant dans le sens des Unions économiques monétaires (UEM) peuvent y aider. Mais cette solution sera loin de couvrir tous les problèmes macro-économiques à l’échelle planétaire. Par exemple, les politiques de change des pays asiatiques pèsent sur le prix du travail, et menacent l’emploi dans les pays occidentaux. C’est pourquoi une approche multilatérale devient indispensable, pour que les évolutions des taux de change réels ne provoquent pas des distensions de concurrence intolérables.
Cette approche serait conforme aux statuts du Fond monétaire international. Il s’agirait d’une surveillance multilatérale et collective de la stabilité monétaire mondiale. Ainsi, dans le domaine financier, chaque Etat aura un devoir impérieux de réflexion et d’audace. L’avenir économique du monde, donc, également, son avenir social, en dépend. Seul un système réformiste pourra s’en donner les moyens.
Auteur : Gaspard-Hubert Lonsi Koko, président d’Union du Congo, auteur de plusieurs ouvrages dont Un nouvel élan socialiste. Socialisme, un combat permanent.
Source : Le Monde, édition du 17.06.10.