L’évêque et les centres de rétention administrative
L’archevêque de Toulouse, Mgr Robert Le Gall, doit effectuer prochainement une visite pastorale au centre de rétention de Cornebarrieu. Il a répondu aux questions de La Croix.
La Croix : Pourquoi souhaitez-vous visiter le centre de rétention administrative de Cornebarrieu, ouvert en juin 2006 aux portes de Toulouse ?
Mgr Robert Le Gall : Cette démarche s’inscrit dans le cadre du soutien que j’apporte aux « cercles de silence » lancés fin 2007 par les frères franciscains sur la place du Capitole à Toulouse. Ils manifestent ainsi, tous les mois, en silence et par leurs prières, leur solidarité humaine et spirituelle avec les sans-papiers. J’avais donné au départ mon aval à cette initiative, en les mettant en garde cependant contre toute tentative d’instrumentalisation.
Depuis bientôt trois ans, ce mouvement désormais présent dans de nombreuses villes en France trouve le ton juste pour alerter les pouvoirs publics sur la condition des personnes retenues. Je veux prolonger cette démarche par une visite à Cornebarrieu pour réitérer une demande, faite l’an dernier au plan national, concernant la présence de représentants des religions, et pas seulement catholiques, au sein de ces centres de rétention.
Quelle réponse a reçu cette demande ?
Immédiatement négative. L’administration argue du fait que les personnes retenues ne sont que de passage dans les centres et qu’il est donc difficile d’organiser des rencontres avec des représentants religieux.
Mais la durée maximale de rétention peut atteindre 32 jours, et même 45 jours à l’avenir. Je dis que l’épreuve d’une attente de retour forcé au pays, pour des familles et des enfants de plus en plus nombreux, crée des situations d’angoisse durant lesquelles un secours spirituel me paraît opportun et nécessaire.
J’espère que ma démarche, avec le soutien notamment des évêques de Montauban, Pamiers et Strasbourg, permettra d’avancer en ce sens. On pourrait envisager pour l’Église une aumônerie des centres de rétention administrative de France.
On peut aussi penser que votre démarche a une dimension politique…
Certainement pas. Je tiens d’ailleurs à saluer sincèrement les efforts faits par les services de la préfecture pour la régularisation de certains sans-papiers. Je sais, pour être en contact régulier avec le préfet à Toulouse, qu’ils travaillent aussi avec leur cœur, mais avec des marges de manœuvre limitées par ce qu’il faut malheureusement appeler une politique du chiffre.
Je sais parfaitement les problèmes insolubles que pose l’immigration, sauf à travailler durablement à des rapports Nord-Sud plus justes. En visitant Cornebarrieu, je ne veux pas tonitruer, mais je ne viendrai pas non plus en catimini.
Il ne s’agit pas d’une visite officielle mais d’une visite pastorale au titre de la compassion, au nom de ma foi et de celle des personnes retenues. Mon initiative s’inscrit aussi dans une attention de fond qui me paraît essentielle aujourd’hui, une préoccupation générale sur toutes les nouvelles formes de pauvreté et de précarité.
Recueilli par Jean-Luc FERRÉ, à Toulouse
source : http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2430117&rubId=4078