De l’importance de l’humour pour témoigner de ses convictions, par Monique Cabotte-Carillon
Prologue
Voici deux lettres, toutes deux authentiques (novembre 2004). L’une a été écrite par Soeur M., moniale visitandine à Nantes. J’ai pris soin de téléphoner au Monastère de la Visitation de Nantes où une religieuse, un peu interloquée, m’a certifié l’authenticité du récit. La réponse est signée Bernard Thibault, secrétaire général de la C.G.T.
Lettre adressée par Soeur M. à la C.G.T. :
« Madame, Monsieur
Religieuse cloîtrée au monastère de la Visitation de Nantes, je suis sortie, cependant, le 19 juin, pour un examen médical. Vous organisiez une manifestation. Je tiens à vous féliciter pour l’esprit bon enfant qui y régnait. D’autant qu’un jeune membre de votre syndicat m’y a fait participer ! En effet, à mon insu, il a collé par derrière sur mon voile l’autocollant C.G.T. après m’avoir fait signe par une légère tape dans le dos pour m’indiquer le chemin. C’est donc en faisant de la publicité pour votre manifestation que j’ai effectué mon trajet.
La plaisanterie ne me fut révélée qu’à mon retour au monastère. En communauté, le soir, nous avons ri de bon coeur pour cette anecdote inédite dans les annales de la Visitation de Nantes.
Je me suis permis de retraduire les initiales de votre syndicat : (C.G.T. = Christ, Gloire à Toi).
Que voulez-vous, on ne se refait pas.
Merci encore pour la joie partagée.
Je prie pour vous.
Au revoir, peut-être, à l’occasion d’une autre manifestation.
Soeur M. »
Réponse du secrétaire général de la C.G.T. :
« Ma soeur,
Je suis persuadé que notre jeune camarade, celui qui vous a indiqué le chemin, avait lu dans vos yeux l’humanité pure et joyeuse que nous avons retrouvée dans chacune des lignes de votre lettre.
Sans nul doute il s’est agi d’un geste inspiré, avec la conviction que cette pointe d’humour “bon enfant” serait vécue comme l’expression d’une complicité éphémère et pourtant profonde.
Je vous pardonne volontiers votre interprétation originale du sigle de notre confédération, car nous ne pouvons avoir que de la considération pour un charpentier qui a révolutionné le monde.
Avec tous mes sentiments fraternels et chaleureux.
Bernard Thibault, Secrétaire général de la C.G.T. »
Pourquoi exhumer cette lettre de mes archives ? J’y vois l’exemple même de deux témoins de notre époque dont les propos sont à l’image de ce qu’ils pensent ; mieux, de ce qu’ils sont. Deux êtres qui pratiquent l’humour au quotidien sans doute. Que leurs convictions paraissent aux antipodes ne fait qu’ajouter un peu de piment à l’affaire. L’humour, cette disposition qu’a notre esprit de pratiquer par petites touches une ironie plaisante « à la fois satirique et sentimentale, un mélange de gaieté et de tristesse, de sensibilité et de brusquerie, de philosophie profonde et de légèreté » si j’en crois le dictionnaire encyclopédique Quillet.
L’humour peut être l’expression spontanée de nos réactions, mais aussi un outil ou plus précisément une courroie de transmission pour faire reconnaître par ceux que je côtoie mes opinions fermes, celles auxquelles je suis viscéralement attachée. Ainsi, mais je ne parle que pour moi, je citerai au minimum : la défense des droits de l’homme, de la démocratie, de la sincérité de mes options religieuses ou de l’importance de la laïcité comme valeur universelle. D’entrée de jeu, je préciserai qu’il ne s’agit pas de convaincre l’autre du bien-fondé de mes choix mais de faire en sorte que le débat, si débat il y a, se situe dans un climat de sincérité, de bonne foi respective. Pour cet objectif, disons cet exercice pour faire moins sérieux, l’humour me semble précieux.
En bonne enseignante que je fus (on a les palmes académiques qu’on peut), je me suis saisie du dictionnaire Larousse analogique qu’on conseille à tous les élèves lors de leur entrée en sixième, outil sensé les aider à préciser leur pensée par des rapprochements linguistiques opportuns. Surprise : ni le terme humour, ni le terme conviction ne sont répertoriés en tant que tels. La pratique de l’humour et des convictions doit avoir une fréquence trop faible. Je découvre quand même le mot conviction dans la table des matières. Recherche fébrile : le mot , avec un C majuscule, est associé aux mots Croyance et Foi, toujours avec majuscules, est cité au détour d’une ligne. C’est un peu court. Pour me consoler, je découvre dans plusieurs textes écrits par des amis fréquentant les couloirs des instances européennes l’adjectif “convictionnel”; je ne sais si je dois l’écrire avec un ou deux n …et ne peux vérifier puisqu’il ne figure encore pas dans le dictionnaire.
Ma pratique de l’humour étant aléatoire, j’ai collecté tout au long de l’année quelques exemples où cet exercice me semblait efficace (étant entendu que s’il me paraissait tel, c’est qu’il répondait à ce que je souhaitais voir “défendu”).
Mais avant de vous faire partager quelques trouvailles, je commencerai par un contre-exemple qui montre la difficulté rencontrée par tout humoriste en herbe (ou en période de fenaison…). N’est pas humoriste qui veut. Je ne parle bien sûr pas de l’humoriste qui cherche à distraire gratuitement ; hier comme aujourd’hui, il en est d’excellents. Mais ce n’est pas mon sujet. Un débat national, pour ne pas dire européen, nous occupe depuis plusieurs mois : le port de la burqua, ou port du voile intégral si vous préférez. L’impossibilité qu’il entraîne de reconnaître le visage d’autrui est-il compatible avec la démocratie, avec la sécurité, avec le droit des femmes etc…ce ne sont là que quelques questions soulevées lors de multiples échanges. Vous connaissez ma sympathie mitigée pour Monseigneur Vingt-Trois, aujourd’hui archevêque de Paris, mais que je connus quand il était archevêque du diocèse de Tours. La pratique de l’humour est un procédé qu’il utilisait déjà au séminaire. Spécialiste de la “pirouette”, il a jugé bon, si j’en crois Riposte laïque du 8 février 2010 (je livre mes sources, mais reconnais ne pas apprécier le ton de ce “journal en ligne”) de présenter son opinion sur le sujet. Le 21 janvier, présentant ses voeux au Président Sarkozy, il s’est déclaré « réticent à l’idée que les pouvoirs publics s’occupent de la façon dont on s’habille, ou alors ils doivent s’occuper aussi de la façon dont on se déshabille », mettant en cause les publicités de femmes nues sur les 4/4. Quelle élégance !
Mais portons un regard délibérement positif
Les journalistes sont, parmi nos concitoyens, ceux pour qui l’humour est un ingrédient de choix pour exprimer leur pensée, en particulier quand il s’agit de trouver un titre percutant (“accrocheur” serait faire du mauvais esprit). En France, ceux du Canard Enchaîné sont des spécialistes et j’avoue éprouver du plaisir – teinté d’admiration – quand je lis au moment où sont donnés les résultats de la dernière session du baccalauréat : «Eric Woerth recalé à l’Oréal de rattrapage ».
Un peu facile, direz-vous. Ce n’est pas sûr. Comme beaucoup, je ne suis pas fâchée de voir un ministre (loin de moi l’idée de porter une accusation d’enrichissement personnel) se prendre les pieds dans le tapis de l’argent.
Le 17 juillet dernier, une journaliste du Monde, Marie-Pierre Subtil, a interviewé le philosophe et historien Marcel Gauchet. Permettez-moi une incise – hors sujet, je le reconnais – qui me semble mettre à jour ce que suggère le coup de cymbale d’un tel titre, écho à ma propre analyse politique.
« En France, les élites ont une haute opinion d’elles-mêmes et ne se rendent pas compte du fossé qui les sépare de la population. Elles entretiennent à son égard un mépris bienveillant. Elles veulent son bien, mais elles estiment que leurs mérites doivent être récompensés. Quand M. Joyandet ou M. Estrosi prennent un avion privé à prix d’or pour rentrer à Paris plus vite, ils le font avec une parfaite bonne conscience, pensant que l’importance de leur personne et de leur fonction le justifie. » Opinion que pourrait sans doute endosser quelque intellectuel, analyste politique allemand, la prétention étant un défaut assez bien partagé.
Autre trouvaille journalistique qui nous vint d’Italie pour l’Epiphanie 2010. Les Européens préoccupés par le sort des immigrés ont pu apprécier l’information donnée par La Repubblica le 5 janvier : « Agrigente. La crèche est sans les Rois Mages : ils ont été bloqués à la frontière ». Démarche à l’initiative de Caritas, avec l’accord de Monseigneur Montenegro, archevêque du lieu. L’article nous apprend que la crèche, installée dans la cathédrale, ne montre pas de rois mages. Une pancarte indique : « nous informons que cette année Jésus n’aura pas de cadeau. Les rois mages ne viendront pas, ils ont été repoussés à la frontière avec les autres immigrants ». Interrogé, le directeur de Caritas a reconnu : «Nous avons espéré en faire une controverse politique… » . Voilà qui est peut-être plus efficace que les interventions, à deux minutes – vous entendez bien : deux minutes – par personne, de 24 dignitaires religieux de toute l’Europe et de toutes confessions devant les plus hautes personnalités de la Commission européenne à Bruxelles le lundi 18 juillet 2010 (cf. La Croix de ce jour-là). Le thème : la lutte contre la pauvreté méritait bien une telle consultation…par “chapelle”. La compétence est-elle liée à l’appartenance? Question redoutable. Quand le dessinateur Plantu, collaborateur fidèle du journal Le Monde, fait dire à Benoît XVI : «L’immigré est un être humain à respecter ! » et que trois dignitaires s’exclament : « Qu’est-ce qu’il lui prend ? il fait son boulot maintenant ? » cela ne répond pas à la question, car tout être humain normalement constitué pourrait avoir la même opinion que le pape sans endosser ni sa foi ni sa fonction.
Avec Plantu, au tableau d’honneur des bons journalistes, passons à l’illustration comme véhicule de la critique humoristique. Certains illustrateurs ont laissé leur nom dans l’histoire de l’art. Mais aujourd’hui comment ne pas reconnaître en France l’adjuvant démocratique qu’apportent les dessins de Plantu, dessins où la “bulle” joue un rôle essentiel (encore que la ceinture semée d’étoiles aboutissant à une bouée de sauvetage pour attacher, voire serrer ladite ceinture d’un Grec se passe de tout commentaire) ? Parmi ceux de ces dernier mois – depuis des années, je découpe, je découpe (on a les livres d’histoire politique qu’on peut) et il faut préciser que j’utilisais ce matériau en cours de français : les élèves venaient choisir deux ou trois dessins et devaient les commenter par écrit; résultats extraordinaires. Que de sagesse dans l’esprit d’un jeune de 12 ou 13 ans – j’ai choisi d’en évoquer deux :
A) Le premier ministre turc est reçu par Monsieur Sarkozy. Celui-ci est occupé par l’examen d’une mappemonde. « Turquie ?…C’est où, déjà ? Oh ! purée, je l’ai su !! »
B) Conférence de presse du G 20. D’une seule voix les participants déclarent : « nous condamnons la cupidité à court terme » Un journaliste réplique : « Et la cupidité à long terme ? ».
D’accord, le deuxième exemple est d’un niveau supérieur, mais ne jugeons pas pour autant le premier bête et méchant… et la critique se fait bien plus acerbe chez quelques observateurs de notre vie politique.
Les lecteurs de l’hebdomadaire Témoignage Chrétien connaissent la plume caustique de Bernard Fauconnier. Voilà ce que cela donne quand il a dénoncé la suppression de l’histoire comme matière obligatoire en Terminale S. : « Il se murmurait depuis longtemps que cette incongruité gênante devait disparaître. Ils ont essayé de passer en douce, juste une mention sur le nouveau projet lycée, en espérant que personne ne s’en apercevrait. C’est raté. La mesure soulève un tollé, à droite comme à gauche, et pour une fois on se sent moins seul. …Mon sens de l’observation me permet de constater que les grands historiens que compte encore la France sont contre… Ce qui surprend, c’est la surprise, réelle ou feinte, de ces beaux esprits. L’Histoire, dans un pays gouverné par tant de petitesse et de profonde bêtise, c’est le risque permanent qu’une partie de la jeunesse, les meilleurs élèves, les cervelles les mieux déliées, prennent conscience de ce qu’ils sont en train de vivre. Alors supprimons l’Histoire, accessoirement cela fera faire quelques économies. »
Et pour justifier la chose, on peut sans trop de risques imaginer la prosopopée d’un Sarkozy, dégoulinant de sueur et de gomina devant un journaliste : « Rendez-vous compte, M’sieur Pujadas, les caissières de la Sécu, elles doivent étudier La Princesse de Clèves pour réussir le concours. Eh ben, les élèves de Terminale S, vous entendez bien, M’sieur Pujadas, de S, c’est à dire des scientifiques eh ben on continue à leur faire étudier l’Histoire. Non, mais rendez-vous compte, à quoi ça sert d’étudier l’Histoire et même la géographie, quand on va faire des maths et de la physique? C’est idiot, ça sert à rien. Vous croyez qu’un ingénieur ou un dentiste ça a besoin de connaître Louis XIV? Si, ça me sert à moi, l’Histoire quand je veux faire le malin, un coup Jaurès, un coup Guy Môquet, la résistance, tous ces trucs qui font plaisir aux blaireaux. Mais j’ai pas envie que les jeunes y commencent à gamberger sur Napoléon à Sainte Hélène, j’ai pas envie de finir comme lui. Alors hein, m’sieur Pujadas, franchement l’Histoire en Terminale, c’est dépassé. J’ai dit que j’allais transformer la France, etc. »
Utilise souvent le même procédé Patrick Rambaud dont les livres «Première chronique du règne de Nicolas 1er », « Deuxième chronique du règne de Nicolas 1er »… parus en livre de poche, financièrement accessibles au plus grand nombre, rencontrent un franc succès. Ayant sans doute lu et relu La Bruyère, utilisant sans vergogne ses procédés, parodie qu’on lui pardonne volontiers, Rambaud nous trace un portrait haut en couleurs de tous les membres de la “cour”. Sont bien sûr dénoncés le goût de l’argent et les compromissions qu’il engendre. Ainsi « Notre Maître aimait en tout la splendeur, la magnificence, la profusion, même s’il cousait ensemble le beau et le vilain auxquels il ne voyait pas la moindre différence, pourvu que cela se remarquât, car lui importait d’abord la valeur monétaire des choses et des gens ». Mais la démonstration devient extraordinaire quand il utilise, mêlés, cocasserie, inventions ludiques, loufoques, inventaires à la Prévert. L’imagination n’a plus de bornes…mais cela s’avère efficace, aussi efficace qu’une “démonstration” de Rabelais avec son personnage de Pantagruel. Ecoutez bien : « Aussi Notre Seigneur Suprême s’enticha-t-il d’un cabinet en stratégie, Marx Brothers and Co, une officine privée qu’il chargea de fixer des critères pour évaluer son personnel, chiffrer les objectifs des ministres et leurs résultats. La Culture n’y échappa aucunement puisque les activités intellectuelles et artistiques passaient désormais au rang de produits ; la vicomtesse d’Albanel, qui gouvernait sans espoir ce secteur sinistré, devait recenser le nombre d’entrées gratuites dans les musées, la part de marché des films, le nombre d’heures de programmes culturels à la télévision, l’audience, le volume dépensé pour le patrimoine, l’usure des marches du château de Chambord ou les frais de dentiste accordés aux lions du cirque Amar. Le nombre ! La quantité ! Il devenait indécent d’évoquer la qualité qui ne se mesure pas. »
A l’opposé, l’humour par “petites touches”, celui dont on saupoudre un récit quand on refuse de se prendre trop au sérieux, témoigne avec peut-être plus de force de l’authenticité d’une pensée. Je ne sais trop pourquoi, mais cela me remémore l’efficacité des plantes médicinales cultivées par ma grand-mère, pourtant ignare au sens universitaire du terme. Un exemple récent de cet humour : celui que déploie Gûnter Grass dans son livre “Pelures d’oignon” paru en 2006 en Allemagne (Beim Hâuten der Zwiebel). Récit autobiographique de la compromission – bien sûr involontaire – d’un jeune-homme (16 ans lors de sa première démarche) qui choisit de servir sous l’uniforme S.S. dans les derniers mois de la guerre et dont les souvenirs évoqués par une métaphore, les pelures superposées de l’oignon, nous sont contés sans concession. Evoquant sa carrière littéraire, il écrit à la fin du récit avec beaucoup de simplicité :
« Ainsi j’ai vécu depuis de page en page, entre un livre et un livre. Ce faisant, je suis resté intérieurement riche de personnages. Mais pour raconter cela, je manque d’oignons et d’envie ». Contant son départ vers son premier lieu “d’embrigadement” souhaité, il note : « une petit heure de trajet me conduisit au bout de mes désirs d’héroisme éclatant ». Le livre fourmille de petites “pointes” semblables. Notre mémoire va engranger l’ une ou l’autre formule qui s’encastre dans nos propres interrogations. Un exemple : Günter Grass évoque, lors de l’enterrement de sa mère, la peine de sa soeur : « Quelqu’un aurait pu diminuer son chagrin, mais qui, depuis que Dieu n’était plus pour elle à portée de voix?» Dieu sera-t-il, pour moi ou pour vous à “portée de voix” ? La richesse de la formule populaire nourrit l’importance de l’interrogation.
Parmi mes amis, un vieux prêtre du Lot, Gérard Bessière, l’auteur du texte évoqué en 2009 « J’ai excommunié Benoit XVI » parsème aussi ses textes du duvet de son humour congénital. Dans son dernier livre : «Jésus est à tout le monde » il affirme « Jésus avait tous les raffinements de l’humour oriental ». Il me disait récemment lors d’une brève conversation téléphonique : « Tu sais, je suis un peu hérétique ». Est-il vraiment hérétique quand il s’interroge (p. 51) à propos de Jésus : « Que dirait-il aujourd’hui devant l’ankylose de nos nations, de nos églises? Quelles questions explosives poserait-il ? Quelles paraboles raconterait-il pour faire naître notre sourire et vaincre nos pesanteurs ? »
Remarque personnelle : ce sourire, fruit de l’humour, nous mettrait-il en marche ? Courroie de transmission de l’Esprit pour qui a une expérience religieuse… ou plus simplement plaisir de l’être qui se découvre capable de comprendre à demi-mot ?
A ce livre de Gérard Bessière j’ai fait allusion dans un article écrit au printemps dernier et destiné à la presse locale de la région de Toulouse. Je voulais dénoncer le comportement, à mes yeux scandaleux, des responsables de l’enseignement catholique du lieu, archevêque en tête…ou caché sous le train ; ils ont traîné en justice le maire d’une commune rurale de 2000 habitants à qui ils réclamaient un dû financier, légal paraît-il… (mais dont le double avait déjà été payé en nature). Le ton de l’article était volontairement assez sarcastique. L’article fut repris par la revue Les réseaux des Parvis…mais l’humour qu’on croit anodin peut être mal reçu. Un lecteur tourangeau de la revue m’a affirmé que mon texte lui était resté en travers de la gorge (il a même joint le geste à la parole). Je n’ai pas osé répliquer : « Bonne digestion quand même ! »
Dernier exemple pour vous convaincre de l’utilité de l’humour et que j’emprunte au fascicule : « Laïcité 2008 » (Numéro hors-série de la revue Les réseaux des Parvis) édité sous la responsabilité de « l’Observatoire Chrétien de la Laïcité » à la réflexion duquel j’apporte aussi quelque énergie. Extraits “choisis” :
Le mouton qui blasphème…(extraits d’une intervention de monsieur Fethi Benslama lors d’un débat sur “la censure au nom de l’Islam”).
« Il y a quelque temps le caricaturiste algérien Dilem mettait en scène, le jour de la fête du sacrifice, un mouton fuyant à toute vitesse, poursuivi par un homme brandissant un couteau. Dans la bulle, le mouton dit : “mais pourquoi veulent-ils m’égorger ? Pourtant, je ne suis ni une femme ni un intellectuel”.
Voyez-vous, mesdames,messieurs, chers amis, ce mouton blasphème : non seulement il veut se soustraire à la place que lui assigne Dieu dans ses Saintes Ecritures, lorsqu’il a voulu le substituer au fils du prophète Abraham, mais, de plus, ce mouton parle et, ce faisant, il brouille les frontières de la création divine entre l’homme et l’animal. La bête parle et fait de l’humour avec les affaires religieuses : c’est ignoble… Il y a plus grave encore : en courant plus vite que l’homme qui veut le trucider, il ridiculise ce paisible musulman sacrifiant et humilie l’ensemble de la communauté musulmane, sinon la totalité des milliards de musulmans morts et vivants. Mais le pire n’est-il pas que ce mouton fuyant de peur devant un musulman qui veut le manger est de toute évidence islamophobe ? ! […]
Ce mouton insoumis pourrait voir, ce soir,[…] se lever un imam spontané qui le cartouche d’une fatwa. Nous verrons alors le Mropp (Mouvement pour Ramener les Ovins chez les Prédicateurs Paranoïaques) intenter un procès pour diffamation de sacrifiants ; tandis que la République, par ses voix les plus autorisées, présenterait ses excuses à tous les pratiquants modérés de méchouis sacrés, et les assurerait de son respect.
Merci, cher Dilem, d’avoir dessiné un mouton blasphémant, car tu m’as fourni ce soir la première page de mon propos, pour tenter de faire parvenir, le plus simplement, l’étonnement de ton mouton à ceux qui,aujourd’hui, ne veulent pas savoir, ne veulent pas comprendre, que voici des années, au nom de l’islam, tout est prétexte non seulement à interdire, à condamner, à excommunier, mais à éradiquer ce qui peut représenter “l’ironie de la communauté”, la critique de son mythe, la désidentification à ses saintetés viriles et carnivores. Voici des années que la tonsure de l’esprit arme la censure qui tue. Car la censure au nom de l’islam tue, sacrifie, grille au feu de l’Enfer et dévore les insoumis, afin de les soumettre à la religion de la soumission. »
Ma conclusion. Encore deux citations :
A) Dans leur livre commun : « Un poète en politique : les combats de Victor Hugo » Henri Pena-Ruiz et Jean-Paul Scot citent le discours pour Voltaire. Victor Hugo lui rend ainsi hommage : « Une plume. Avec cette arme il a combattu, avec cette arme il a vaincu » et les auteurs ajoutent : «Hugo retrouve la verve de Voltaire […] pour mettre en accusation les principaux adversaires de la liberté »
B) Un ami de Grenoble m’a cité cet extrait de « Promesse de l’aube » de Romain Gary » : « Je découvris l’humour, cette façon habile et entièrement satisfaisante de désamorcer le réel au moment même où il va nous tomber dessus ».
J’ajouterai, plus simplement, l’humour est à notre disposition pour surmonter ce qui peut l’être…et pour agir dans la mesure de nos moyens.
Source :
Cette intervention a été donnée lors d’une session des “Journées franco-allemandes“ à Epernon, en août 2010, session regroupant des enseignants aux options spirituelles diverses.