Projet de loi sur l’immigration : la communauté chrétienne tire la sonnette d’alarme
La communauté chrétienne vent debout contre le projet de loi sur l’immigration. Le texte déjà adopté par les députés et dont l’examen commence cette semaine au Sénat est dénoncé par cinquante organismes chrétiens signataires de l’appel « Ne laissons pas fragiliser le droit de l’étranger ». Rencontre avec les sénateurs, manifestation devant le Sénat, les associations comptent sur la journée de mardi pour prêcher la bonne parole.
Les députés étaient restés sourds à leur appel. Mais les cinquante organismes chrétiens signataires de l’appel « Ne laissons pas fragiliser le droit de l’étranger » ne baissent pas les bras et vont tenter cette fois-ci de faire entendre raison au Sénat sur le projet de loi « Immigration, intégration et nationalité ». Examiné par les sénateurs en séance publique cette semaine, le texte est décrié par le monde associatif chrétien qui dénonce plusieurs « points attentatoires aux droits des personnes étrangères ». « Quand on fait la lecture globale du texte, tout ce qui est accordé est toujours au bénéfice de l’administration et toujours au détriment des personnes étrangères », regrette Florence Boreil, de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture). L’avocate vise notamment l’allongement de la durée de rétention qui passe de 32 à 45 jours. Une transposition de la directive européenne « retour » explique le gouvernement. « Interprétation biaisée », rétorque Florence Boreil. « Il faut transposer cette directive mais ça reste un minimum. On peut toujours garder les choses du droit national qui sont plus favorables. Rien n’oblige donc à niveler par le bas », explique-t-elle.
« Les étrangers sans papiers seront considérés comme des criminels »
Autre mesure pointée du doigt par les associations : l’assignation à résidence sous bracelet électronique pour les étrangers en instance d’expulsion et parents de mineurs. « Les étrangers sans papiers seront considérés comme des criminels », accusent les associations. Celles-ci s’inquiètent également d’une nouvelle obligation créée par le texte : celle de notifier, « sauf raison humanitaire », une interdiction de retour de deux à cinq ans sur le territoire français à un étranger qui s’y est maintenu au-delà du délai de départ volontaire. « Qu’est-ce que recouvre l’expression sauf raison humanitaire ? », s’interroge Jean Haffner, responsable Etrangers en France du Secours Catholique, qui sera présent mardi au Palais du Luxembourg aux côtés d’autres responsables des organismes chrétiens pour rencontrer les sénateurs. « Nous allons leur faire prendre en compte les situations humaines et porter nos alertes sur l’aspect criminalisation de l’immigration », explique Jean Haffner.
Les associations ont des raisons d’espérer. La commission des Lois a d’ores et déjà retoqué deux points du texte voté par les députés. Les sénateurs ont d’abord abrogé la disposition durcissant les conditions d’accès à l’aide médicale d’Etat. Ils sont aussi revenus sur les dispositions relatives au maintien en rétention des sans-papiers en instance d’expulsion qui retardaient l’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) à cinq jours au lieu de deux jours actuellement. « On a l’impression d’être davantage entendus qu’à l’Assemblée nationale », se félicite Florence Boreil. Mais celle-ci regrette que les associations n’aient pas été entendues « sur l’aspect asile de ce projet de loi » en maintenant notamment les zones d’attente spéciales créées pour faire face à l’arrivée « d’un groupe d’au moins dix étrangers en dehors d’un point de passage frontalier en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres ».
« Le monde associatif attend beaucoup du Sénat »
Les associations souhaitent donc profiter de la manifestation prévue mardi devant le Sénat et de leur rencontre avec les sénateurs pour continuer à convaincre que « ce texte handicape un peu plus les sans-papiers ». Celles-ci ont déjà pu échanger avec le rapporteur du projet de loi au Sénat, François-Noël Buffet (UMP). Le sénateur du Rhône aurait prêté une oreille attentive à leur discours. Les responsables associatifs ont prévu de rencontrer mardi d’autres sénateurs comme Hugues Portelli (UMP), Jean-Pierre Sueur (PS) et Richard Yung (PS). « Le monde associatif attend beaucoup du Sénat », insiste Jean Haffner, rappelant que « la question des étrangers est un point très sensible pour les chrétiens ». La polémique autour des expulsions de Roms avait déjà suscité l’émoi de la communauté chrétienne et les critiques du Vatican l’été dernier. « A priori, les sénateurs prétendent représenter une espèce de sagesse par rapport aux députés. Du coup, il faut toujours espérer qu’ils manifesteront cette sagesse.
Laurent Berbon
Le 01.02.2011 à 17:17
source : http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/categorie/slug/article”
Une délégation a été reçue par Hugues Portelli, sénateur UMP du Val d’Oise et par Richard Yung, sénateur PS des Français de l’étranger. La délégation reçue a rencontré la compréhension des deux élus qui ont mentionné les amendements déposés pour atténuer les effets néfastes de cette loi jugée liberticide par ses opposants. Près de 200 personnes étaient rassemblés devant l’une des entrées du Sénat, dans le square Francis Poulenc, pour soutenir la délégation reçue au même moment, mais aussi pour entendre les prises de parole des associations présentes.
Lors des vœux, les associations chrétiennes avaient envoyé aux sénateurs une carte sur laquelle un dessin figurait les rois mages ramenés de force à la frontière par un policier. Quant au texte, il insistait sur trois points du projet de loi particulièrement choquants : l’administration prendra le pas sur la justice : les étrangers sans papiers seront considérés comme des criminels ; et des étrangers malades ne seront plus soignés.