« L’ÉGLISE EN 2011 ; prendre un nouveau départ est une nécessité »
143 théologiens ont déjà signé ce catalogue de réformes. Les théologiens y réclament de profondes réformes de l’Église catholique. Lisez ci-dessous le memorandum complet.
Il s’est bien passé un an depuis que des cas d’abus sexuel commis par des prêtres et des congréganistes sur des enfants et des adolescents au sein du collège Canisius de Berlin ont été rendus publics. Suivie une année qui plongea l’église catholique en Allemagne dans une crise sans pareil. Aujourd’hui, l’image qui est donnée est ambiguë : beaucoup de choses ont été entamées pour rendre justice aux victimes, surmonter l’injustice, pister les causes des abus, du silence et de la morale équivoque dans les propres rangs. Après avoir commencé par éprouver de l’effroi de nombreuses chrétiennes et de nombreux chrétiens – occupant ou non des fonctions – ont pris conscience que de profondes réformes sont nécessaires. L’appel à un dialogue ouvert sur les structures de pouvoir et de communication, sur l’organisation de la fonction ecclésiale et la participation des croyants aux responsabilités, sur la morale et la sexualité a éveillé des espoirs, mais aussi des craintes. Est-on en train de perdre ce qui est peut-être la dernière chance de sortir de la paralysie et de la résignation en attendant que la crise se passe ou en la minimisant ? Le remous d’un dialogue ouvert et sans tabou n’inspire pas confiance à tout le monde, encore moins quand s’annonce une visite papale. Mais il ne saurait encore moins être question de l’alternative suivante : un silence de tombe car les derniers espoirs ont été détruits.
La profonde crise de notre église exige aussi d’aborder ces problèmes qui à première vue n’ont pas à voir directement avec le scandale des abus et leur passage sous silence durant des dizaines d’années. En tant que professeurs de théologie nous n’avons pas le droit de nous taire plus longtemps. Il est de notre responsabilité de contribuer à un véritable nouveau départ. Pour l’église, 2011 doit devenir l’année d’un nouveau départ. Jamais les chrétiens n’ont été aussi nombreux à quitter l’église que l’année passée ; ils ont refusé dorénavant d’obéir à l’autorité ecclésial ou ont privatisé leur vie de foi pour la protéger de l’institution. L’église doit comprendre ces signes et elle-même quitter des structures ossifiées pour regagner nouvelle vitalité et crédibilité.
Le renouvellement de structures ecclésiales ne réussira pas en s’isolant craintivement de la société, mais seulement en ayant le courage de s’autocritiquer et d’accepter des impulsions critiques, venues aussi de l’extérieur. Cela fait partie des leçons de l’année passée. La crise des abus n’aurait pas été traitée de manière aussi décidée sans l’accompagnement critique des gens. L’Église ne peut regagner de la confiance qu’en communiquant ouvertement. L’Église ne sera crédible que si l’image qu’elle donne d’elle-même et l’image perçue par les personnes qui lui sont extérieures ne divergent pas. Nous nous adressons à tous ceux qui n’ont pas encore renoncé à espérer un nouveau départ au sein de l’Église et qui s’engagent en faveur de celui-ci. Nous nous inspirons de signaux pour un nouveau départ et un dialogue que quelques évêques ont posés dans des discours, sermons et interviews durant les derniers mois.
L’Église n’est pas un but en soi. Elle a pour mission d’annoncer le Dieu libérateur et aimant de Jésus-Christ à tous les hommes. Elle ne peut remplir cette mission que si elle est elle-même un lieu et un témoin crédible du message de liberté de l’évangile. Son discours et son action, ses règles et structures – toute sa façon de faire avec les gens à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Église – doivent répondre à l’exigence suivante : reconnaître et développer la liberté des Hommes en tant que créatures de Dieu. Le respect inconditionnel de chaque personne humaine, le respect de la liberté de conscience, l’engagement pour le droit et la justice, la solidarité avec les pauvres et les opprimés, voilà des critères théologiques fondamentaux qui découlent. L’amour de Dieu et du prochain s’y concrétisent.
S’orienter au message biblique de liberté inclut un rapport différencié à la société moderne : à plus d’un égard elle est en avance sur l’Église, quand il s’agit de reconnaître la liberté, l’émancipation et la responsabilité des individus ; l’Église peut en tirer un enseignement, comme le Concile Vatican 2 l’a déjà souligné. À d’autres égards la critique de cette société dans l’esprit de l’évangile est absolument nécessaire, par exemple quand des êtres humains ne sont plus jugés qu’en fonction de leur rendement, quand la solidarité réciproque finit dans l’oubli ou quand la dignité de l’Homme est bafouée.
Mais en tout état de cause il est vrai que le message de liberté de l’évangile est le critère pour une Église crédible, pour son action et sa forme sociale. Les défis concrets auxquels l’Église doit faire face ne sont nullement nouveaux. Malgré cela, on ne peut guère distinguer des réformes orientées vers l’avenir. À ce sujet un dialogue ouvert doit être mené dans les champs d’action suivants .
1) Structures participatives : dans tous les champs de la vie de l’Église la participation des croyants est une pierre de touche pour la crédibilité du message de libération de l’évangile. Conformément au vieux principe de droit qui dit que « ce qui concerne tout le monde, doit être décidé par tout le monde » il faut plus de structures synodales à tous les niveaux de l’Église. Les croyants doivent être impliqués dans la désignation d’importants fonctionnaires (évèque, prêtre). Ce qui peut être décidé sur place, doit être décidé sur place. Les décisions doivent être transparentes.
2) Communauté : les communautés chrétiennes doivent être des lieux où les gens partagent entre-eux des biens spirituels et matériels. Mais présentement la vie communautaire se détériore. Sous la pression du manque de prêtres on érige des unités administratives de plus en plus grandes – des paroisses XXL – au sein desquelles on ne peut plus guère faire l’expérience de la proximité et de l’appartenance. Des identités historiques et des réseaux sociaux qui se sont mis en place au fil du temps sont abandonnés. Des prêtres sont « envoyés au casse-pipe » et sont au bout du rouleau. Les croyants prennent leur distance quand on ne les croit pas capable d’assumer des corresponsabilités et de participer à la direction de leur communauté au sein de structures plus démocratiques. La fonction ecclésiale doit être au service de la vie de la communauté et non inversement. L’Église a aussi besoin de prêtres mariés et de femmes pour occuper la fonction ecclésiale.
3) Culture du droit : la reconnaissance de la liberté et de la dignité de chaque être humain se voit particulièrement quand un conflit est règlé à la loyale et dans le respect réciproque. Le droit ecclésial ne mérite ce nom que si les croyants peuvent réellement faire valoir leurs droits. Il est urgent d’améliorer la protection juridique et la culture du droit au sein de l’Église ; un premier pas dans cette direction serait la mise en place d’une juridiction administrative ecclésiale.
4) Liberté de conscience : le respect de la conscience individuelle signifie mettre sa confiance dans la capacité de choisir et de se montrer responsable. Il est aussi du devoir de l’Église d’encourager cette capacité ; mais cela ne doit pas se transformer en paternalisme. Prendre cela au sérieux concerne particulièrement le domaine des choix de vie personnels et de la forme de vie individuelle. La haute estime que l’Église accorde au mariage et à la vie non-maritale n’est pas en question. Mais elle ne commande pas d’exclure ceux qui vivent de manière responsable l’amour, la fidélité et le souci réciproque dans un partenariat unissant deux personnes du même sexe ou un couple de divorcés-remariés.
5) Réconciliation : la solidarité avec les « pécheurs » présuppose de prendre au sérieux le péché dans ses propres rangs. Le rigorisme suffisant et moral ne sied pas à l’Église. L’Église ne peut prêcher la réconciliation avec Dieu, sans elle-même créer par sa propre action la condition préalable à une réconciliation avec ceux envers lesquels elle s’est rendue coupable, par la violence, en les privant de leur droit, en inversant le message biblique de liberté en une morale rigoureuse sans miséricorde.
6) L’office : la liturgie vit par la participation active de tous les croyants. Les expériences et formes d’expression du présent doivent avoir une place en son sein. L’office ne doit pas se figer en un traditionalisme. La diversité culturelle enrichit la vie liturgique et ne se marie pas bien avec des tendances à l’uniformisation centralisée. Le message de l’Église n’atteindra les êtres-humains que si la fête de la foi accueille des situations de vie concrètes.
Le processus de dialogue ecclésial qui a été entamé peut conduire à la libération et à un nouveau départ si tous les participants sont prêts à s’attaquer aux questions urgentes. Il s’agit, dans un échange libre et honnête d’arguments, de trouver des solutions pour faire sortir l’Église de cette préoccupation de soi qui la paralyse. La tempête de l’an dernier ne doit pas être suivie de calme ! Dans la situation actuelle cela ne pourrait être qu’un silence de tombe. En temps de crise la peur n’a encore jamais été bonne conseillère. L’évangile invite les chrétiennes et chrétiens à regarder vers l’avenir avec courage et – suite à la parole de Jésus – à marcher sur l’eau à l’instar de Pierre : « pourquoi avez-vous si peur ? Votre foi est-elle si petite ?»
Traduction : Michel May
Les signataires :
Albus, Michael, Universität Freiburg
Anzenbacher, Arno, Universität Mainz
Arens, Edmund, Universität Luzern
Autiero, Antonio; Universität Münster
Bäumer, Franz Josef, Universität Gießen
Baumgartner, Isidor, Universität Passau
Bechmann, Ulrike, Universität Graz
Belok, Manfred, Theologische Hochschule Chur
Benk, Andreas, Pädagogische Hochschule Schwäbisch-Gmünd
Bieberstein, Klaus, Universität Bamberg,
Bieberstein, Sabine, Katholische Universität Eichstätt
Biesinger, Albert, Universität Tübingen Bischof,
Franz Xaver, LMU München
Blasberg-Kuhnke, Martina, Universität Osnabrück
Böhnke, Michael, Universität Wuppertal
Bopp, Karl SDB, Phil.-Theol. Hochschule Benediktbeuern
Bremer, Thomas, Universität Münster
Brosseder, Johannes, Universität zu Köln
Broer, Ingo, Universität Siegen
Bucher, Anton A., Universität Salzburg
Collet, Giancarlo, Universität Münster
Dautzenberg, Gerhard, Universität Gießen
Demel, Sabine, Universität Regensburg
Droesser, Gerhard, Universität Würzburg
Eckholt, Margit, Universität Osnabrück
Emunds, Bernhard, Phil.-Theol. Hochschule St. Georgen
Ernst, Stephan, Universität Würzburg
Feiter, Reinhard, Universität Münster
Franz, Albert, Universität Dresden
Frevel, Christian, Universität Bochum
Fröhling, Edward SAC, Phil.-Theol. Hochschule Vallendar
Fuchs, Ottmar, Universität Tübingen
Fürst, Alfons, Universität Münster
Gabriel, Karl, Universität Münster
Garhammer, Erich, Universität Würzburg
Göllner, Reinhard, Universität Bochum
Görtz, Heinz-Jürgen, Universität Hannover
Goertz, Stephan, Universität Mainz
Grümme, Bernhard, Pädagogische Hochschule Ludwigsburg
Häfner, Gerd, LMU München
Haker, Hille, Universität Frankfurt am Main, Chicago
Hartmann, Richard, Theologische Fakultät Fulda
Heimbach-Steins, Marianne, Universität Münster
Heinz, Hanspeter, Universität Augsburg
Hemel, Ulrich, Universität Regensburg
Hengsbach, Friedhelm SJ, Phil.-Theol. Hochschule St. Georgen
Hilberath, Bernd-Jochen, Universität Tübingen
Hilpert, Konrad, LMU München
Höfer, Rudolf, Universität Graz
Höhn, Hans-Joachim, Universität zu Köln
Hoffmann, Johannes, Universität Frankfurt am Main
Hoffmann, Paul, Universität Bamberg
Holderegger, Adrian, Universität Freiburg(Schweiz)
Holzem, Andreas, Universität Tübingen
Hünermann, Peter, Universität Tübingen
Jäggle, Martin, Universität Wien
Jorissen, Hans, Universität Bonn
Kampling, Rainer, Universität Berlin
Karrer, Leo, Universität Freiburg/Schweiz
Kern, Walter, Pädagogische Hochschule Ludwigsburg
Kessler, Hans, Universität Frankfurt am Main
Kienzler, Klaus, Universität Augsburg
Kirchschläger, Walter, Universität Luzern
Knobloch, Stefan, OFMCap, Universität Mainz
Könemann, Judith, Universität Münster
Kohler-Spiegel, Helga, Pädagogische Hochschule Feldkirch/Vorarlberg
Kos, Elmar, Universität Vechta
Kraus, Georg, Universität Bamberg
Kruip, Gerhard, Universität Mainz
Kügler, Joachim, Universität Bamberg
Kuhnke, Ulrich, Hochschule Osnabrück
Kuld, Lothar, Pädagogische Hochschule Weingarten
Ladenhauf, Karl-Heinz, Universität Graz
Lang, Bernhard, Universität Paderborn
Langer, Wolfgang, Perchtolsdorf
Lesch, Karl Josef, Universität Vechta
Loretan, Adrian, Universität Luzern
Lüdicke, Klaus, Universität Münster
Ludwig, Heiner, TU Darmstadt
Lutterbach, Hubertus, Universität Duisburg-Essen
Maier, Joachim, Schriesheim
Meier, Johannes, Universität Mainz
Mennekes, Friedhelm SJ, Köln
Merks, Karl-Wilhelm, Bonn
Mette, Norbert, Technische Universität Dortmund
Michel, Andreas, Universität zu Köln
Mieth, Dietmar, Universitäten Erfurt und Tübingen
Missala, Heinrich, Universität Duisburg-Essen
Möhring-Hesse, Matthias, Universität Vechta
Mooney, Hilary, Pädagogische Hochschule Weingarten
Müller, Klaus, Universität Münster
Müllner, Ilse, Universität Kassel
Nauer, Doris, Phil.-Theol. Hochschule Vallendar
Neuner, Peter, LMU München
Niederschlag, Heribert SAC, Phil.-Theol. Hochschule Vallendar
Odenthal, Andreas, Universität Tübingen
Ollig, Hans-Ludwig SJ, Phil.-Theol. Hochschule St. Georgen
Pellegrini, Silvia, Universität Vechta
Pemsel-Maier, Sabine, Pädagogische Hochschule Karlsruhe
Pesch, Otto Hermann, Universität Hamburg
Pock, Johann, Universität Wien
Poplutz, Uta, Universität Wuppertal
Porzelt, Burkard, Universität Regensburg
Raske, Michael, Universität Frankfurt am Main
Richter, Klemens, Universität Münster
Roebben, Bert, Universität Dortmund
Rotter, Hans, Universität Innsbruck
Sauer, Ralph, Universität Vechta
Schäper, Sabine, Katholische Fachhochschule Münster
Schmälzle, Udo, Universität Münster
Schmidt, Thomas M., Universität Frankfurt am Main
Schmiedl, Joachim, Phil.-Theol. Hochschule Vallendar
Schockenhoff, Eberhard, Universität Freiburg
Scholl, Norbert, Pädagogische Hochschule Heidelberg
Schulz, Ehrenfried, LMU München
Schreiber, Stefan, Universität Augsburg
Schreijaeck, Thomas, Universität Frankfurt am Main
Schüller, Thomas, Universität Münster
Schüngel-Straumann, Helen, Universität Kassel / Basel
Seeliger, Hans-Reinhard, Universität Tübingen
Siller, Hermann Pius, Universität Frankfurt am Main
Simon, Werner, Universität Mainz
Spiegel, Egon, Universität Vechta
Steinkamp, Hermann, Universität Münster
Steins, Georg, Universität Osnabrück
Stosch, Klaus von, Universität Paderborn
Striet, Magnus, Universität Freiburg
Strotmann, Angelika, Universität Paderborn
Theobald, Michael, Universität Tübingen
Trautmann, Franz, Pädagogische Hochschule Schwäbisch-Gmünd
Trautmann, Maria, Katholische Universität Eichstätt
Trocholepczy, Bernd, Universität Frankfurt am Main
Vogt, Markus, LMU München
Wacker, Marie-Theres, Universität Münster
Wahl, Heribert, Universität Trier
Walter, Peter, Universität Freiburg
Weirer, Wolfgang, Universität Graz
Wendel, Saskia, Universität zu Köln
Wenzel, Knut, Universität Frankfurt am Main
Werbick, Jürgen, Universität Münster
Willers, Ulrich, Katholische Universität Eichstätt
Ziebertz, Hans-Georg, Universität Würzburg
Zwick, Reinhold, Universität Münster