Crucifix dans les classes des écoles publiques italiennes : la CEDH ne constate pas de violation
La Croix du 21 mars 2011 * nous informe que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est – malheureusement – revenue sur un premier arrêt qui demandait à l’Etat italien de retirer les crucifix des écoles publiques de la péninsule pour respecter la diversité des convictions des parents et des enseignants.
Dans un article digne des périodes que l’on croyait révolues du catholicisme triomphaliste, La Croix met en encadré un extrait d’une prise de position du cardinal Peter Erd, président du conseil des conférences épiscopale d’EUROPE (COMECE) : « Sans le crucifix, proclame ce cardinal, l’Europe que nous connaissons aujourd’hui n’existerait pas. Voilà pourquoi ce jugement est avant tout une victoire de l’Europe »
De tels propos nient de façon insoutenable la réalité de l’histoire et encore plus la réalité de ce qu’est aujourd’hui l’Europe. Comment un membre éminent de la hiérarchie catholique ignore-t-il qu’il n’y aurait pas l’Europe que nous connaissons aujourd’hui sans le christianisme, sous des formes extrêmement variées et évolutives d’ailleurs, sans les traditions celtiques, la pensée grecque, la civilisation et la philosophie latine, sans les apports de la pensée juive musulmane, sans l’humanisme des Lumières, sans les philosophies athées ou agnostiques sans la multiplicité des sagesses religieuses ou laïques …?
C’est pourquoi imposer l’accrochage de crucifix dans des écoles publiques ouvertes à tous les enfants de toutes les familles de conviction qui enrichissent aujourd’hui l’Europe et notamment l’Italie, n’est pas une victoire de l’Europe mais une défaite des valeurs qu’elle représente dans le monde, valeurs de respect mutuel et d’accueil de la diversité. C’est revendiquer le monopole des catholiques sur la culture commune et favoriser les réflexes identitaires et communautaristes.
Je suis un chrétien qui souffre de ce mépris affiché par des chrétiens à l’égard de tous les européens qui ne se situent pas dans la tradition catholique et ne considèrent pas le crucifix comme symbole de leurs valeurs.
Jean Riedinger, secrétaire de l’Observatoire Chrétien de la Laïcité (OCL)
21 mars 2011
* Cf article reproduit ci-après
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Les écoles italiennes pourront conserver leurs crucifix
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé vendredi 18 mars que la présence de crucifix dans les écoles publiques italiennes n’était pas contraire au droit de l’éducation.
Quels sont les faits ?
Au début des années 2000, Soile Lautsi, mère de deux enfants scolarisés dans une école publique de la province de Padoue (nord-est de l’Italie), avait saisi la justice italienne pour protester contre la présence de crucifix dans les salles de classe, estimant que ses fils subissaient une différence de traitement discriminatoire par rapport aux élèves catholiques. Le Conseil d’État italien avait conclu que ces crucifix constituaient « un symbole adéquat pour exprimer les valeurs civiques comme la tolérance, le respect et l’attention aux autres » . L’affaire fut portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, au nom de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion. En 2009, la CEDH a jugé la présence de crucifix « contraire au droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions » . Mais, vendredi, un second jugement a finalement estimé que ce symbole religieux ne viole pas le droit à l’instruction. Un revirement notable : l’arrêt précise que « les autorités ont agi dans les limites de la latitude dont dispose l’Italie dans le cadre de son obligation de respecter le droit des parents d’assurer cette instruction conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ».
Comment ont réagi le Vatican et les autorités italiennes ?
Le P. Federico Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, a salué une sentence « particulièrement engageante et historique ». « La décision reconnaît à un niveau juridique international (…) que la culture des droits de l’homme ne doit pas être en contradiction avec les fondements religieux de la civilisation européenne, à laquelle le christianisme a apporté une contribution essentielle. Elle reconnaît que, conformément au principe de subsidiarité, chaque pays doit pouvoir bénéficier d’une marge importante quand il s’agit de la valeur des symboles religieux dans son histoire culturelle et son identité nationale. Dans le cas contraire, on finirait paradoxalement, au nom de la liberté religieuse, par bannir son expression de l’espace public en violant cette même liberté et gommant les identités spécifiques et légitimes. » De son côté, Franco Frattini, ministre italien des affaires étrangères, a ajouté que « cette décision nous aide à surmonter les symptômes d’un laïcisme dangereux. C’est le premier signal d’un réveil de l’Europe, qui s’est montrée timide et éloignée du bon sens, en sacrifiant des valeurs et un principe tel que l’identité chrétienne. »
Quelles sont les réactions des épiscopats européens ?
Le cardinal Peter Erd, président du Conseil des conférences épiscopales d’Europe, a déclaré qu’« un espoir est né non seulement pour les chrétiens, mais pour tous les citoyens de l’Europe, croyants et laïques, qui avaient été profondément blessés par le jugement du 3 novembre 2009 et qui sont préoccupés face à des procédures qui tendent à effriter une grande culture comme la culture chrétienne ». En effet, rappelle-t-il, «sans le crucifix, l’Europe que nous connaissons aujourd’hui n’existerait pas. Voilà pourquoi ce jugement est avant tout une victoire pour l’Europe». Même tonalité du côté de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne : « Pour les croyants d’autres religions et même pour les non-croyants, la croix peut être appréciée comme un symbole de non-violence et de résistance à la vengeance. Son exposition publique rappelle à tous les êtres humains la nécessité de respecter la dignité humaine, un principe qui est à la source de tous les droits fondamentaux. »
François-Xavier Maigre et Frédéric Mounier (à Rome)
Article publié dans La Croix du 21 mars 2011
texte mis en encadré dans l’article :
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«Sans le crucifix,l’Europe que nous connaissons aujourd’hui n’existerait pas.
Voilà pourquoi ce jugement est avant tout une victoire pour l’Europe. » _______________________________________________ Lire le communiqué de presse détaillé publié par la CEDH : |