Le piège européen : SSIG, SIEG, SIG et Directive SERVICES…
L’Union européenne et les Services
SSIG : Services sociaux d’intérêt général.
SIEG : Services d’intérêt général.
SIG : Services d’intérêt général (conception des Services publics à la sauce de l’Union européenne).
SIG, SSIG, SIEG :
L’Union européenne n’ayant pas retenu « public » dans « Service public » (exception française), elle l’a remplacé par « intérêt général ». Elle s’est concentrée sur « Service » en ne laissant au mot que la dimension économique, le Service étant conçu comme une forme de produit.
Les SIEG (Services économiques d’intérêt général) concernent l’électricité, le gaz, les télécommunications, les services locaux, l’eau, les déchets, la santé, le logement, l’insertion, la formation professionnelle, les crèches, la protection sociale complémentaires (mutuelles), le handicap, le placement des chômeurs, etc. En sont exclus la police, la défense, la justice, l’état-civil, la sécurité sociale (pour le moment) et l’éducation obligatoire. Les SIEG entrent donc dans le marché intérieur avec liberté d’établissement, des prestations de service, interdiction des aides de l’Etat et contrôle par la Commission européenne.
Il faut savoir qu’il y a en France un projet de modifier l’Ecole : la prise en charge des enfants de 0 à 6 ans est incluse dans les SIEG. Les enfants de 5 ans seraient rattachés à l’école élémentaire et il y aurait création pour les plus petits de jardins d’enfants ouverts au partenariat public/privé. Que deviendra l’École maternelle ?
Les SSIG (Services sociaux d’intérêt général) concernent tous les services sociaux n’étant pas rentables, (par exemple les Caisses d’action sociale pour une partie de leurs activités), il y a nécessité d’y injecter de l’argent public. Mais il faut respecter le principe de concurrence libre et non faussée : soit liberté d’établissement et de prestation de service et égalité de traitement entre entreprise publique et entreprise privée. Si une association à but non lucratif à qui on a délivré une délégation de Service public (comme par exemple certains centres médicaux-sociaux) perçoit de l’argent public, la Commission estime que cela « tord » le marché, aux dépens d’une entreprise privée qui proposerait la même prestation. Cette obligation, créée par la « Directive service » concoctée par l’Union européenne est applicable depuis janvier 2010 pour toutes les collectivités locales : les élus se doivent de mettre en concurrence toutes les entreprises désireuses de « prester ».
La soumission du gouvernement français
L’Union européenne s’appuie sur le zèle des gouvernements nationaux pour le contrôle de l’application de la directive. Entre juin 2009 et décembre 2009, le gouvernement Sarkozy a mis à contribution l’ensemble des collectivités territoriales pour obtenir la liste de toutes les subventions accordées pour des Services sur leur territoire. Les fiches collectées par Bercy ont été transmises à la Commission européenne.
Pourtant certains pays ont su se protéger, en partie tout du moins. Les Parlements de 26 pays sur 27 ont décidé de promulguer une « loi-cadre » pour définir « l’intérêt général » sur leur territoire et ont listé les SSIG qui devaient échapper aux contraintes de la Directive services. Ainsi, par le principe de subsidiarité, ils ont établi une sécurité juridique pour toutes les collectivités territoriales redevables à la population de services qui ne soient pas basés sur la rentabilité. Le seul pays à ne pas l’avoir fait, c’est la France… dans un silence meurtrier des élus. Pas de loi-cadre… pas de débat au Sénat… pas de débat public… Et la Directive passe morceau par morceau, secteur par secteur.
La Révision générale des Politiques publiques (RGPP) est déjà un moyen de mettre la France en conformité la Directive. Par exemple la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoire) consiste à donner au privé la possibilité d’accéder aux aides de l’Etat liées à la mise en place des Agences régionales de Santé : partenariat public/privé pour la création de maisons de santé, réorganisation des Conseils d’administration des hôpitaux, etc.
Pourquoi la Gauche se tait-elle alors qu’elle est confrontée à cette contrainte dans la gestion des collectivités territoriales qu’elle dirige ? Les luttes sectorielles rendent la stratégie du pouvoir invisible, incompréhensible pour les citoyens.
Le super calendrier de la Commission européenne
Fin 2009, on a transposé la Directive dans les pays de l’Union. Janvier 2010, on a ouvert les guichets uniques – les Chambres de Commerce et d’Industrie – pour la mise en œuvre des directives services : les Services, c’est du commerce ! Fin 2010, la Commission ramasse les rapports sur la transposition de la Directive chez les « 27 », en fait la synthèse et demande à chaque pays de se mettre en conformité. Fin 2011, elle fera un rapport complet sur la Directive accompagné de propositions de modifications concernant les domaines exclus du champ d’application. C’est-à-dire qu’elle se réserve la possibilité d’intégrer après 2011 de nouveaux secteurs qu’elle n’avait pu imposer dans un premier temps : toujours la stratégie lancinante du « secteur par secteur ».
Il y a fort à parier qu’en 2012, l’école maternelle pourrait être concernée : comme nous l’évoquions plus haut, nous aurions des écoles privées, des « jardins d’enfants » comme en Allemagne… et c’est très cher ! Parmi les conséquences possibles : la baisse de la natalité ou que les femmes cessent de travailler… C’est toute l’organisation sociale qui s’en trouverait modifiée, non seulement en termes de prestations, mais aussi dans la manière de vivre.
Désobéir !
Que peuvent alors faire les collectivités territoriales : mettre en œuvre ou pas la directive services ? Il y a deux possibilités de ne pas mettre en œuvre : s’arranger « à la sauvage » ou désobéir.
Désobéir c’est refuser la Directive, considérant qu’en y obéissant les élus sont empêchés de mettre en œuvre le programme sur lequel ils se sont présentés au suffrage des citoyens, alors qu’ils sont garants de l’intérêt général et de l’intérêt social.
Concrètement, désobéir, cela signifie que, comme l’avaient fait certaines collectivités concernant l’AGCS (Accord général sur le Commerce des Services), cousin germain de la Directive (mais initié par l’OMC), on annonce la couleur par une décision forte. Si elles ne désobéissent pas à la Directive services, les collectivités vont être amenées à, par exemple, fermer des crèches municipales ou accorder de l’argent public à Véolia si Véolia propose une prestation jugée équivalente, ou à Bouygues, ou d’autres… Même chose pour les centres de loisirs ou de santé…
Mais il faut désobéir, en le revendiquant clairement, pas en catimini, pour créer un mouvement, une prise de conscience pour permettre à la population de comprendre ce qui est en jeu et de s’associer à ce refus. Désobéir devient alors un acte politique.
Michèle DESSENNE
Source : Site internet du M’PEP (Mouvement Politique d’Education Populaire) – 18 février 2011.
Extraits d’une intervention publique faite par M. Dessenne, le 10 décembre 2010.
Texte complet à l’adresse : http://www.m-pep.org/spip.php?article1989