EVANGILES DE L’ENFANCE – Partie V
Voici le cinquième et dernier volet de l’étude présentée depuis le 28 juillet dernier sur les Evangiles de l’enfance.
(Cf Partie 1 à :
http://www.nsae.fr/2011/07/28/evangiles-de-l’enfance-–-partie-i/ ;
Partie 2 à :
http://www.nsae.fr/2011/08/04/evangiles-de-l’enfance-–-partie-ii/ ;
Partie 3 à :
http://www.nsae.fr/2011/08/11/evangiles-de-l’enfance-–-partie-iii/ ;
Partie 4 à :
http://www.nsae.fr/2011/08/17/evangiles-de-l’enfance-–-partie-iv/)
Ce volet concerne le chapitre 2 de Luc (cf texte ci-après) suivi des notes rédigées par Claude Bouret.
Evangile de Luc, chapitre 2
Naissance de Jésus et visite des bergers.
1 Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier.
2 Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville ;
4 Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David,
5 pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva ;
7 elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes.
8 Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau.
9 Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte.
10 L’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :
11 Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ;
12 et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
13 Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait :
14 « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »
15 Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : « Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. »
16 Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers.
19 Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens.
20 Puis les bergers s’en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé.
Circoncision de Jésus.
21 Huit jours plus tard, quand vint le moment de circoncire l’enfant, on l’appela du nom de Jésus, comme l’ange l’avait appelé avant sa conception.
Présentation de Jésus au Temple.
22 Puis quand vint le jour où, suivant la loi de Moïse, ils devaient être purifiés, ils l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur
23 — ainsi qu’il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur —
24 et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la loi du Seigneur, un couple de tourterelles ou deux petits pigeons.
25 Or, il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit Saint était sur lui.
26 Il lui avait été révélé par l’Esprit Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur.
27 Il vint alors au temple poussé par l’Esprit ; et quand les parents de l’enfant Jésus l’amenèrent pour faire ce que la Loi prescrivait à son sujet,
28 il le prit dans ses bras et il bénit Dieu en ces termes :
Le cantique de Syméon.
29 « Maintenant, Maître, c’est en paix, comme tu l’as dit, que tu renvoies ton serviteur.
30 Car mes yeux ont vu ton salut,
31 que tu as préparé face à tous les peuples :
32 lumière pour la révélation aux païens et gloire d’Israël ton peuple. »
Prophétie de Syméon.
33 Le père et la mère de l’enfant étaient étonnés de ce qu’on disait de lui.
34 Syméon les bénit et dit à Marie sa mère : « Il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté
35 — et toi-même, un glaive te transpercera l’âme ; ainsi seront dévoilés les débats de bien des cœurs. »
Prophétie d’Anne.
36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort avancée en âge ; après avoir vécu sept ans avec son mari,
37 elle était restée veuve et avait atteint l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’écartait pas du temple, participant au culte nuit et jour par des jeûnes et des prières.
38 Survenant au même moment, elle se mit à célébrer Dieu et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem.
Vie cachée de Jésus à Nazareth.
39 Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.
40 Quant à l’enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui.
Jésus parmi les docteurs.
41 Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
42 Quand il eut douze ans, comme ils y étaient montés suivant la coutume de la fête
43 et qu’à la fin des jours de fête ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s’en aperçoivent.
44 Pensant qu’il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.
45 Ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem en le cherchant.
46 C’est au bout de trois jours qu’ils le retrouvèrent dans le temple, assis au milieu des maîtres, à les écouter et les interroger.
47 Tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur l’intelligence de ses réponses.
48 En le voyant, ils furent frappés d’étonnement et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Vois, ton père et moi, nous te cherchons tout angoissés. »
49 Il leur dit : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
50 Mais eux ne comprirent pas ce qu’il leur disait.
Encore la vie cachée à Nazareth.
51 Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth ; il leur était soumis ; et sa mère retenait tous ces événements dans son cœur.
52 Jésus progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes.
___________________________________________________
Le texte est un interlocuteur et il vient nous questionner. La sensibilité de chacun donne une richesse à l’ensemble des réflexions.
Quelles sont les raisons de l’écriture de ce texte : la date, le lieu, la naissance elle-même, les bergers ? On n’a pas de raisons de jeter un doute sur ce que dit Luc. L’accent est mis essentiellement sur l’enfant. Il n’y a aucun détail sur la naissance mais sur ce que cela va produire. Les détails fournis en 2,1 et 3,1 permettent de fixer les événements en l’an 754 de l’Empire Romain, c’est-à-dire entre -4 et -6 de notre ère. Bethléem est bien une ville de la lignée de David. Mais il n’y a pas de certitude que soit Bethléem, soit Nazareth soient le lieu de naissance de Jésus : mais ces villes sont bien de la lignée de David et cela confirme le point de vue de Mathieu.
La date du recensement n’est pas historiquement confirmée. Le récit de la naissance est d’une grande simplicité, une grande brièveté, ce n’est pas la naissance qui intéresse Luc. La présence de l’âne et du bœuf n’arrive qu’en 1221 à l’initiative de François d’Assise qui avait installé ces deux animaux dans une crèche, établissant sans doute un lien avec Isaïe 1, 3 : « Un bœuf connaît son propriétaire et un âne la mangeoire chez son maître : Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas. » Verset 6 : « elle accoucha de son fils premier-né » (voir ci-dessus page 3 ligne 35). Marie emmaillote le bébé : Salomon dit dans le Livre de la Sagesse, 7, 4-6 : « 4 j’ai été élevé dans les langes, au milieu des soucis 5 aucun roi n’a débuté autrement dans l’existence 6 pour tous il n’y a qu’une façon d’entrer dans la vie comme d’en sortir. ».
Annonce des bergers : les annotations qui précèdent sont courtes, brèves, voilà que vient ensuite une véritable annonciation ; Luc utilise la présence de ces hommes pour confirmer son point de vue, son but. À cette époque les bergers étaient considérés comme les derniers des derniers. Luc leur donne de l’importance, il est très attentif aux pauvres, aux exclus. Mathieu parle des ‘pauvres en esprit’ = ceux qui n’ont pas un « ego protubérant ». Dans l’évangile de Luc, les pauvres, ce sont les moins que rien, les exclus (voir : le samaritain, la femme adultère, Luc 5, 31 : « Jésus prenant la parole leur dit : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. » ; 15, 1 : « Les collecteurs d’impôts et les pécheurs s’approchaient tous de lui pour l’écouter. » ; 19,7 : « Voyant cela, tous murmuraient ; ils disaient : « C’est chez un pécheur qu’il est allé loger. » …). Aussi bien chez Mathieu que chez Luc on perçoit bien l’universalité de Jésus.
Dans Isaïe, chap. 9 on lit : « (9-5) Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. La souveraineté est sur ses épaules. On proclame son nom : « Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père à jamais, Prince de la paix. » 7 (9-6) Il y aura une souveraineté étendue et une paix sans fin pour le trône de David et pour sa royauté, qu’il établira et affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours l’ardeur du SEIGNEUR, le tout-puissant, fera cela. Et Luc, chap. 2 écrit : « 10 L’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : 11 Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur. Noter que l’Ange dit aux bergers « ne craignez rien » tout comme l’ange dira aux femmes venues au tombeau : « ne craignez rien ! » Luc donne à l’enfant les titres de : Sauveur, Christ, Seigneur, Fils de Dieu. Et Jésus est circoncis comme tous les hommes de son peuple.
Présentation au Temple
Au verset 22 : « Puis quand vint le jour où, suivant la loi de Moïse, ils devaient être purifiés, ils l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur » Luc commet une erreur : la purification de la mère et l’offrande requise pour le premier-né ne nécessitait pas obligatoirement la présence de l’enfant. Luc présente l’action de grâce de Siméon (encore un trait d’universalité), il annonce que l’Évangile n’est pas simple à appliquer : cela peut se faire dans la violence. Avec les premières persécutions chacun doit choisir la Parole de Dieu ou l’oublier, chacun doit se déterminer : on est pour ou on est contre. Marie est avertie aussi qu’elle aura à souffrir. Cela nous concerne directement dans nos attitudes dans le monde. Luc fait ensuite intervenir une veuve dans ce passage au temple.
À la fin de ce chapitre deux groupes de versets attirent notre attention car ils sont quasiment identiques :
le premier : 39 Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. 40 Quant à l’enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui.
Et le second : 51 Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth ; il leur était soumis ; et sa mère retenait tous ces événements dans son cœur.52 Jésus progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes.
Entre les deux on trouve ce passage des parents de Jésus qui le cherchent alors qu’il est au Temple. Placé ainsi ce texte semble une pièce rapportée dont on ne connait pas l’origine, et n’a pas trop de valeur historique.
EN GUISE DE CONCLUSION GÉNÉRALE
La session de réflexions sur les Evangiles de l’enfance s’est terminée par un retour sur un entretien avec Joseph MOINGT à propos des récits de la nativité. Cet entretien (propos recueillis par Muriel de Souich) a été publié dans la revue « Croire Aujourd’hui » n° 262 (Déc. 2009).
Plus d’infos sur la revue :
http://www.jesuites.com/actu/2004/croire
On peut accéder au texte en cliquant ci-après :
Noël, Dieu qui vient à l’homme
La première expression de la foi ayant été celle de la Résurrection, ces récits sont un retour en arrière sur le passé de Jésus et ils nous renseignent ainsi sur la volonté de Dieu de faire de l’enfant à naître son propre fils et de le donner au monde. C’est la révélation d’un Dieu d’humilité qui ne vient pas forcer l’homme à le reconnaître dans la crainte. Nous pouvons lire devant la crèche ce passage de la Lettre aux Éphésiens 1, 4-5 «4 Il nous a choisis en lui avant la fondation du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard, dans l’amour. 5 Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus Christ ». Ou celui de la lettre aux Galates 4, 4-5 : «4 Mais, quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la loi, 5 pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs » Si l’on comprend que l’annonce de l’Évangile commence par la mort et la résurrection du Christ, on saisit que Noël fait de la totalité de la vie de Jésus un événement de révélation. En ce qui concerne la naissance virginale de Jésus J.M. déclare que cela le gênerait dans sa foi qu’il ne soit pas né comme tous les hommes car sa solidarité avec nous passe par sa naissance. Dans Jean 1, 14 : «L’Incarnation c’est la descente du Verbe en Jésus naissant. Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père. » L’Incarnation, c’est la descente du Verbe en Jésus naissant. Les récits de la nativité veulent dire que Jésus nous est donné par Dieu, même s’il est né entièrement de Joseph et Marie. L’identité de Dieu révélée à Noël, c’est sa proximité des hommes. L’humanité avait pressenti depuis le début de son histoire que la vie de l’homme était promise à l’immortalité auprès de Dieu. Et le projet de Dieu se réalise dans une activité continue, créatrice en même temps que salvatrice ; il conduit l’humanité à sa perfection en l’arrachant à l’anéantissement qui menace tout être créé, et il lui communique déjà dans le temps sa vie éternelle. De même que la foi des tout premiers chrétiens s’est retournée, de la Résurrection vers la naissance de Jésus, pour accueillir toute sa vie comme un événement révélateur, de même nous aussi, nous devons faire de toute notre existence humaine l’incarnation du projet de Dieu sur l’homme, de son projet d’adoption filiale.
Après la mort de Jésus, les apôtres ne comprenaient pas : un Messie ne peut pas mourir ! Lorsque Jésus revient il leur fait relire l’Ancien Testament pour saisir le but de Dieu : c’est ce qui se passe à la Pentecôte. Les apôtres ont crié : « Il est vivant ! », mais il leur a fallu du temps pour qu’ils disent : « Il a rejoint son Père ! »
La Résurrection est du domaine de la foi : on ne peut pas la prouver. Le Projet Divin, c’est la victoire de la vie sur la mort.
C’est tout de même formidable de pouvoir dire NOTRE Père !
Nous devons incarner nous-mêmes l’Évangile dans la société où nous vivons.
Étude créée et dirigée par M. D., Oratorien
Notes prises par Claude BOURET – 23 juillet 2011
_____________________________________