La FIDH* recense les lois liberticides dans le monde depuis le 11-Septembre
Dossier spécial 11 septembre –
Antiterrorisme et droits humains : dix ans d’incompatibilité ?
Traumatisme majeur, rupture profonde dans l’ordre géopolitique mondial, le 11 septembre 2001 a également marqué le début d’une véritable régression des droits et libertés. Les attentats de New York ont en effet été immédiatement suivis de l’adoption par de très nombreux pays, y compris les pays démocratiques, en premier lieu les Etats-Unis et le Royaume Uni, de législations d’exception particulièrement liberticides. Au nom de la lutte contre le terrorisme, ces textes ont légalisé la possibilité de détenir pour une période indéterminée des non ressortissants, sans aucune charge précise, sur la simple suspicion de leur participation à des activités terroristes ou de liens même supposés avec des organisations terroristes. De nombreux Etats autoritaires ont adopté des législations similaires, qu’ils ont aussi utilisées pour légitimer la répression de leurs opposants, des défenseurs des droits de l’Homme et criminaliser toute autre forme de protestation sociale.
La lutte contre le terrorisme a également servi de prétexte à des pratiques absolument interdites et réprouvées, dont le recours « légalisé » à la torture dans des centres de détention tels que Guantanamo ou Abou Ghraïb sous contrôle américain, ou dans de nombreux autres centres de détention nationaux secrets afin d’échapper à tout cadre légal. Dans certains cas, des gouvernements ont eu recours à des assassinats ciblés et extrajudiciaires. Selon Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH, « la propagande de légitimation des atteintes aux libertés au nom de la lutte antiterroriste, relayée par le réflexe de peur engendré et instrumentalisé, a conduit à un abandon progressif des valeurs essentielles de l’humanité ».
Dix ans plus tard, loin d’avoir porté ses fruits, cette politique liberticide a des effets dévastateurs. Certes, l’élection de Barack Obama a entraîné un changement de discours salutaire. Mais force est de constater que l’engagement pris de fermer la prison de Guantanamo ne s’est toujours pas concrétisé.
La guerre se poursuit en Afghanistan et l’alliance entre le mouvement Talibans et diverses mouvances terroristes semble gagner du terrain. Au-delà du combat mené par les États-Unis et ses alliés contre Al Qaida, d’autres États invoquent la lutte contre le terrorisme pour continuer d’agir en toute impunité, comme le font les autorités russes dans le Caucase du Nord. Le reste de l’Asie n’est pas épargnée avec, par exemple, la politique de répression menée par la Chine à l’encontre de ses minorités, que se soit au Tibet ou au Xinjiang contre le peuple Ouïghour.
Au prétexte de la lutte contre le terrorisme, de nombreuses dictatures ont longtemps bénéficié du soutien souvent inconditionnel, de pays occidentaux, leur permettant de se maintenir au pouvoir. Alors que les révolutions secouent le monde arabe depuis le début de l’année 2011, beaucoup de dirigeants de pays occidentaux semblent enfin réaliser que soutenir les aspirations des peuples pour la conquête des droits et libertés contribue davantage à la stabilité de l’ordre international que le maintien au pouvoir des régimes autoritaires. Ce changement d’attitude reste toutefois timide, freiné à la fois par divers intérêts d’ordre économique et géostratégique et par le scepticisme voire l’inquiétude suscitée par ces bouleversements rapides.
Dans ce contexte, la FIDH demande l’abrogation des législations liberticides adoptées ou renforcées au lendemain du 11 septembre au nom de la lutte antiterroriste, et demande aux Etats d’oeuvrer pour une meilleure prise en compte des droits de l’Homme dans leur lutte contre le terrorisme.
Pour plus d’information :
Dossier Afrique sur Antiterrorisme et droits de l’Homme
Dossier Asie sur Antiterrorisme et droits de l’Homme
Dossier Maghreb et Moyent Orient sur Antiterrorisme et droits de l’Homme
Dossier Europe de l’Est et Asie Centrale sur Antiterrorisme et droits de l’Homme
Dossier Amérique Latine sur Antiterrorisme et droits de l’Homme
* FIDH : Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
Source : http://www.fidh.org/Dossier-special-11-septembre
En savoir plus sur l’EVOLUTION EN FRANCE :
Voir l’article de Soren Seelow publié le 10 septembre 2011 sur lemonde.fr, «11 Septembre 2011 : bienvenue dans l’ère du soupçon» et présenté comme suit : « Au nom de la lutte antiterroriste, les Etats ont développé leur arsenal de prévention, sacrifiant au passage quelques droits fondamentaux. Petit récapitulatif des libertés qui ont disparu en France depuis le 11 septembre 2001. »
Lire l’article : L’ère du soupçon