Laïcité, le triomphe de l’équivoque
Incessantes concessions à l’école privée
Parmi les soixante propositions du candidat socialiste à l’élection présidentielle française figure l’inscription dans la Constitution de la loi de 1905 instaurant la séparation des Eglises et de l’Etat… mais aussi du concordat en Alsace-Moselle. M. François Hollande témoigne ainsi de la valse-hésitation des pouvoirs publics à l’égard des religions. Alors que l’islam focalise l’attention, les Eglises chrétiennes mènent l’offensive contre la laïcité, en particulier à l’école.
par Eddy Khaldi*
Début de l’article :
Pierre angulaire du modèle républicain, la laïcité fait aujourd’hui l’objet d’un unanimisme trompeur. Cette récupération du mot participe d’une dénaturation du concept, lequel revêt dorénavant des sens très divers, et parfois antinomiques. Dans une attitude de façade, l’extrême droite et la droite concentrent leurs feux sur l’islam, avec des arrière-pensées évidentes : « Je veux bien qu’on se cache derrière son petit doigt, mais les violations de la laïcité sont effectuées par un certain nombre de groupes politico-religieux musulmans, qui cherchent à imposer des lois religieuses au détriment des lois de la République. C’est pour cela que la laïcité s’affaisse », déclarait ainsi la présidente du Front national, Mme Marine Le Pen, le 3 avril 2011 . Dans le domaine institutionnel, l’offensive menée sur le terrain de l’école par l’Eglise catholique, avec l’appui d’élus locaux ou nationaux, de gauche comme de droite, favorise la remise en cause de la neutralité de l’Etat.
Certes, on ne saurait réduire la question de la laïcité à celle de l’école. Pour autant, l’en exclure serait une erreur, car c’est principalement dans l’éducation que se joue l’avenir de ce principe fondamental. Ainsi le secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique du Vatican, l’archevêque français Jean-Louis Bruguès, souligne-t-il que l’école, « point crucial pour notre mission », pourrait devenir « le seul lieu de contact avec le christianisme ».
L’ecclésiastique conteste même la laïcité comme « principe constitutif de la mission éducative universelle » et juge « agressive » la séparation avec l’Etat, votée en 1905. En 1987 déjà, lors de l’assemblée de l’épiscopat, l’évêque Jean Vilnet déclarait que l’heure lui semblait venue de « travailler avec d’autres à redéfinir le cadre institutionnel de la laïcité », permettant à l’Eglise de conquérir de nouveaux privilèges.
Est-ce pour parvenir à cet objectif que l’enseignement catholique devient, à la fin de 2008, un service national de la Conférence des évêques de France ? Jusqu’alors, ce réseau fonctionnait sous la tutelle d’une commission informelle encadrée par un évêque. Désormais, il dépend directement de l’Eglise. La révision prochaine de ses statuts confirmera ce verouillage ecclésial des établissements sous contrat, en institutionnalisant la place du directeur,diocésain auprès des collectivités publiques. […]
* auteur avec Muriel Fitoussi de « La République contre son école », Ed. Demopolis, Paris 2011.
LIRE la suite dans le numéro de Mars 2012 du Monde diplomatique, en kiosques actuellement.
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