Les Eglises tchèques en voie de récupérer les biens saisis sous le communisme
Prague, correspondant
Jamais les Eglises chrétiennes en République tchèque n’ont été aussi proches d’une issue favorable à leur revendication exprimée dès 1990, au lendemain de la ” révolution de velours “, d’une restitution de leurs biens confisqués par les communistes après le putsch de février 1948. Le Parlement de Prague a amorcé les discussions sur un projet de loi en vue de rendre aux Eglises la moitié (56 %) des terres, forêts et bâtiments saisis par le régime communiste, d’une valeur estimée de 75 milliards de couronnes (3 milliards d’euros), et de verser une indemnisation de 59 milliards de couronnes pour l’autre moitié.
Benoît XVI et Dominik Duka archevêque de Prague. Photo : CTK
L’accord conclu entre les Eglises et la coalition de droite de Petr Necas, premier chef de gouvernement catholique pratiquant depuis la chute du communisme en 1989, soulève néanmoins de fortes oppositions. A gauche, bien sûr, mais aussi dans la société, foncièrement indifférente à la religion. Selon un sondage réalisé en décembre 2011 par l’agence STEM, 69 % de la population se sont opposés à ces restitutions. Les Eglises n’inspirent pas confiance aux Tchèques, qui ne comprennent pas pourquoi le gouvernement veut leur verser environ 1,5 milliard par an pendant trois décennies, au moment où il procède à des coupes budgétaires, des baisses de salaires et des hausses d’impôts pour résorber les déficits.
Les querelles entre la douzaine d’Eglises intéressées, particulièrement le culte catholique, qui réclame 80 % des biens concernés, et les gouvernements démocratiques successifs à propos des restitutions, ont ruiné le capital de sympathie acquis par les autorités religieuses lors des dernières années du régime communiste.
Si près de la moitié des 10 millions de Tchèques avaient déclaré une appartenance religieuse lors du recensement de 1991, ils n’étaient plus que 1,5 million à peine en 2011. L’Eglise catholique a vu son troupeau se réduire de 4 millions à 1 million de fidèles, alors que les ” indifférents ” et les ” athées ” constituent les trois quarts de la population.
L’adoption de la loi est néanmoins très attendue par de nombreux maires, quelle que soit leur opinion. Depuis 1990, les communes où se trouvent ces biens restituables ne peuvent en disposer à leur gré, bien qu’ils doivent en assurer l’entretien. Quelque 500 des 6 000 communes du pays n’ont ainsi pas accès aux fonds européens pour des travaux de modernisation, car ces terrains disponibles étaient jadis paroissiaux et sont restés dans un vide juridique.
Le chemin s’annonce encore long avant l’entrée en vigueur de la loi de restitution des biens d’Eglises. Si la Chambre des députés, où le gouvernement dispose d’une confortable majorité, devrait approuver le projet de loi prochainement, la réalisation d’un des plus importants transferts de propriété de l’après-communisme devra encore surmonter des obstacles. Le Sénat, dominé par l’opposition sociale-démocrate et communiste, devrait rallier à lui un grand nombre d’élus indépendants pour renvoyer le texte aux députés pour un second vote. Et la loi devra encore franchir l’épreuve du veto présidentiel, une menace brandie par Vaclav Klaus. Le président doute du bien-fondé de la restitution, qu’il avait empêchée lorsqu’il était premier ministre pendant les années 1990.
Martin Plichta
Source : article publié dans le Cahier du « Monde » Géo & Politique n° 209123 daté du 15 avril 2012.
En savoir plus sur l’église tchèque : lire l’article « L’archevêque de Prague Dominik Duka a été fait cardinal » (20 février 2012).