« Il faut une cohérence entre les discours de la communauté internationale et les attitudes des grandes entreprises. »
Evêque de San Marcos, au Guatemala, Monseigneur Alvaro Ramazzini, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, dénonce depuis des années les impacts sociaux et environnementaux de l’activité minière. Il pointe également les contradictions entre les politiques de coopération au développement prônées par les grandes puissances économiques et les abus des multinationales.
Entretien
Quelle est la situation de l’activité minière au Guatemala et ses conséquences sur l’environnement et les populations ?
Dans ce secteur d’activité, l’Etat considère depuis plusieurs années que les investissements des grandes compagnies multinationales est un point positif pour le pays. Et pour attirer les entreprises, tout est permis. Par exemple, les grandes entreprises sont exonérées d’impôts pendant les sept premières années de leur activité économique. Les paramètres requis pour les études d’impacts environnementaux sont par ailleurs extrêmement faibles. La preuve ? Des communautés entières vivent aujourd’hui dans des régions où les taux d’arsenic dans l’air et le sol sont très inquiétants. Sans parler de la pollution des nappes d’eau souterraines.
Vous avez entrepris auprès des instances de l’Union Européenne une démarche de sensibilisation sur les conséquences sociales et environnementales de l’exploitation minière dans votre pays. Quels sont les résultats ?
En fait, le projet que nous menons avec l’UE va bien au-delà du thème de l’industrie minière. Il est lié à la problématique de la terre en général et notamment de conflits liés à la terre. Cette démarche globale nous aide à travailler plus spécifiquement sur les conflits sociaux liés à l’industrie minière. Jusqu’à présent, les aides que nous avons reçues nous ont permises d’appuyer les communautés et leur assurer un accompagnement juridique. Elles ont également été destinées à appuyer le travail accompli dans le diocèse de San Marcos, dans lequel existe une commission essentiellement axée vers le thème de l’environnement. Ces aides européennes sont également précieuses pour travailler sur d’autres thèmes environnementaux comme l’usage massif de l’eau et la pollution liées aux monocultures de la banane et de la palme africaine qui se développent sur la côte.
Vous avez participé fin mars comme témoin d’honneur à une réunion entre organisations rurales et indigènes, et le Président de la république. Quel est votre sentiment sur les réponses du gouvernement aux revendications paysannes en matière d’annulation des licences d’exploration et d’exploitation minières ?
Sur le fond, c’est déjà un signal encourageant que le président ait pris le temps d’écouter ces organisations. En termes de résultats, je dirais que les organisations ont obtenu environ 40% de ce qu’elles espéraient. J’ai néanmoins des doutes quant à la réelle volonté de changement du gouvernement qui, je crois, va poursuivre cette politique d’appui aux industries extractives. Je suis aussi inquiet de savoir quelle va être la position du gouvernement sur le thème de la possession de la terre. C’est un point particulièrement délicat, notamment en ce qui concerne les communautés indigènes. Nous devrions en savoir un peu plus lors des prochaines réunions prévues entre le gouvernement et les organisations.
Quelles sont les perspectives sur ces thèmes des impacts sociaux et environnementaux de l’activité minière ?
Il faut continuer le dialogue et renforcer la résistance pacifique des communautés pour exiger des changements légaux, en particulier dans le domaine de l’industrie minière et sur le développement rural. Il est important que le gouvernement continue à avoir un dialogue concret et qu’il prenne réellement en compte les revendications des mouvements paysans et indigènes. Ils ont en effet été trop longtemps marginalisés. Mais pour qu’ils puissent occuper un espace réel, il faut des changements dans la loi, dans les programmes de développement et dans les politiques publiques.
Quel peut et doit être le rôle de la communauté internationale et celui du CCFD-Terre Solidaire ?
L’appui de la communauté internationale est très important pour continuer ce travail de reconnaissance des droits des communautés paysannes et indigènes. Ce pays ne pourra vivre en paix que s’il existe une profonde coopération dans les programmes de développement. Il est fondamental aussi que les entités comme le CCFD-Terre Solidaire continuent d’interpeller les gouvernements sur le type de coopération internationale au développement que ces derniers souhaitent promouvoir. Et ce, alors même que les grandes entreprises des pays qui forment cette communauté internationale profitent de la faiblesse de l’état guatémaltèque pour réaliser un maximum de profits. Les pays qui composent cette communauté internationale ne doivent donc pas seulement superviser les actions de leurs propres entreprises. Il doit y avoir une cohérence entre les discours de la communauté internationale et les attitudes des grandes entreprises.
Jean Claude Gerez
Brésil 10 avril 2012
Source : Actualités – Les infos du CCFD-Terre Solidaire publié à :
http://ccfd-terresolidaire.org/ewb_pages/i/info_2826.php?PHPSESSID=de88995e0234222b7b0b891d84074dd3
Source photo :
http://www.kairoscanada.org/kairostimes/kairostimes-10-10-fra.html
En savoir plus :
Dans ce contexte on lira avec grand intérêt le Communiqué du 31 mai 2012 de la Conférence Episcopale du Guatemala transmis par nos amis de Somos Iglesia Chile (Nous Sommes Eglise Chili) et traduit par Didier Vanhoutte : « Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » ; texte téléchargeable (en pdf) ci-après : GuatemalaConférenceEpiscopaleTraduc.française