Geneviève Azam : “L’économie verte, c’est la marchandisation de la nature”
Geneviève Azam, économiste et membre du conseil scientifique d’Attac nous explique l’importance du Sommet des Peuples, qui se tiendra du 15 au 23 juin à Rio. Cette rencontre se veut une alternative réelle et constructive au Rio+20. Droit des peuples, critique de l’économie verte, ce sommet anti lobby propose une autre voie.
Entretien
Propos recueillis par Marthe Rubio
L’Humanité.fr : Comment est né le Sommet des peuples ?
Geneviève Azam : Le Sommet des peuples est un sommet alternatif au Rio+20. Nous connaissons déjà une grande partie des résultats du sommet. Des brouillons des conclusions qui vont être données ont circulé et nous savons qu’il n’y aura pas d’avancée significative. Au sein du Sommet des peuples, nous voulons réfléchir et émettre des déclarations communes, énoncer des positionnements politiques qui nous feront avancer vers la transition énergétique.
Qu’est-ce qui ne va pas dans Rio+20 ?
Le sommet de la Terre est parasité par une présence très forte de lobbys industriels, peut-être plus que jamais dans un sommet de l’ONU. Il y a une critique partagée parmi tous les participants au Sommet des peuples (même si l’on observe des nuances) de l’économie verte. L’économie verte, c’est la marchandisation de la nature. Nous refusons que s’exerce un droit de propriété sur la nature, qui ne peut pas être gérée de manière rationnelle. Les services écosystémiques sont rendus gratuitement. C’est l’une des principales critiques que l’on peut faire du Rio+20.
Comment se positionne le Sommet des peuples par rapport au Rio+20 ?
Le Sommet des peuples n’est pas contre le Sommet de l’ONU. C’est pour cette raison que de nombreuses associations seront à la fois présente au Sommet de la terre et au Sommet des peuples. Il faut faire le lien entre les deux sommets.
Quels sont les thèmes qui seront spécifiquement abordés pendant le Sommet des peuples ?
Les droits humains, les droits de la terre, les droits sociaux ou les droits écologiques seront abordés. Globalement, le Sommet des peuples est là pour réaffirmer des droits et tenter de les protéger. C’est d’ailleurs normalement ce qu’on devrait pouvoir attendre du Sommet de la terre.
Au Brésil, en quoi ces problématiques sont plus importantes qu’ailleurs ?
Le Sommet de la terre est né sous l’initiative du gouvernement Lula. Aujourd’hui, le Brésil fait partie des pays qui poussent le plus au développement de cette économie verte. Le lobby agroindustriel brésilien est extrêmement puissant. On le vot à travers la construction du gigantesque barrage de Belo Monte ou de la poursuite de la déforestation. Pour une puissance émergente comme le Brésil, l’économie verte apparaît comme une manne pour satisfaire les besoins sociaux, éradiquer la pauvreté. Mais c’est une erreur. On peut très bien satisfaire les besoins sociaux des peuples sans économie verte.
Quelle est la position de l’ONU vis-à-vis du Sommet des peuples ?
Elle ne le reconnaît pas.
Depuis combien de temps travaillez-vous à la préparation de ce Sommet ?
Cela fait plusieurs mois, sinon années. A chaque grand rassemblement international nous y travaillons. Que ce soit au Forum socil de Porto Alegre, au G20 de Nice ou au Forum social de Dakar par exemple.
Le Sommet des Peuples en chiffres : 200 : c’est le nombre d’associations brésiliennes et internationales à l’initiative de la « Cupula dos Povos ». 15 000 : c’est le nombre de personnes que le Sommet des peuples espère accueillir par jour. 400 : c’est le nombre d’indiens qui vivront dans le village installé à l’occasion du Sommet des peuples à Rio de Janeiro. Provenant de vingt ethnies brésiliennes comme les Guaranis, Tikunas, Tukanos, Gavioes, Kaiapos, Xavantes, Bororos etc…ils seront rejoints par 1200 indiens venus de toute l’Amérique. 600 : c’est le nombre d’ateliers autogérés qui auront lieu du 15 au 23 juin au sein du Sommet des peuples.
Propos recueillis par Marthe Rubio
14 juin 2012
EN SAVOIR plus :
• Rio+20 : note de décryptage n°2 , 20 juin 2012 – par Attac France
• L’Europe vue de Rio de Janeiro, Rio Centro, 22 juin 2012 – par Geneviève Azam
A LIRE : « La nature n’a pas de prix – Les méprises de l’économie verte » par Attac, Ed. Les liens qui libèrent, Mai 2012, 9 €.