Par Hervé Kempf
Le gouvernement indien a eu une idĂ©e lumineuse. Il a demandĂ© aux psychiatres de l’Institut national de la santĂ© mentale (Nimhans) d’Ă©tudier les  » dĂ©sĂ©quilibres mentaux « des opposants antinuclĂ©aires. Depuis des annĂ©es, en effet, paysans et Ă©cologistes tentent d’empĂŞcher la mise en service de la centrale nuclĂ©aire de Kudankulam, dans l’Etat du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde. Ils jugent que l’implanter dans une rĂ©gion oĂą vivent un million d’habitants dans un rayon de trente kilomètres est très dangereux, et que les consĂ©quences d’un accident seraient Ă©normes. Car ils pensent qu’un accident nuclĂ©aire pourrait se produire ! Ils sont fous, c’est sĂ»r.
Le torrent de protestations a eu raison de l’intention du gouvernement qui, en juin, a dĂ» renvoyer les psychiatres Ă leurs occupations. Mais le geste est rĂ©vĂ©lateur. Les classes dirigeantes sont tellement persuadĂ©es d’avoir raison qu’elles attribuent l’opposition Ă un dĂ©sordre mental.
Du samedi 7 au mercredi 11 juillet, se rassemblent Ă Notre-Dame-des-Landes une kyrielle de fous : le 2e Forum europĂ©en contre les grands projets inutiles imposĂ©s. Des centaines d’Ă©cologistes de toute l’Europe vont partager leur expĂ©rience des projets d’aĂ©roports gĂ©ants, de lignes TGV, d’autoroutes, de centrales nuclĂ©aires, de casinos dĂ©mesurĂ©s… Car ils se sont rendu compte que tous ces projets prĂ©sentaient des caractères communs : gaspillage des ressources des terres agricoles, corruption frĂ©quente, privatisation des bĂ©nĂ©fices, manque de transparence, refus d’examiner les argumentations critiques et les propositions alternatives. Ces projets sont aussi toujours soutenus, observent-ils, par  « une alliance de la droite libĂ©rale classique et des sociaux-dĂ©mocrates », et donnent lieu à « une rĂ©pression de plus en plus fĂ©roce ». Du forum pourrait naĂ®tre une coordination europĂ©enne, indispensable pour parvenir Ă porter la question des grands projets dans le dĂ©bat public.
Le travail de ces fous est des plus utiles. Car dans la panique qui saisit les dirigeants Ă©conomiques Ă mesure que l’Ă©conomie se dĂ©lite, et faute d’aucune volontĂ© de reprendre la main sur le système financier, les « responsables » vont dĂ©sespĂ©rĂ©ment vouloir lancer « grands chantiers » et « grandes infrastructures » au nom du totem de la croissance. Il est urgent de montrer que ces projets dĂ©truisent l’environnement, mais aussi l’emploi et les finances publiques, et que des alternatives sont possibles et nĂ©cessaires.
Hervé Kempf
 Source : article publié dans Le Monde daté du 8-9 juillet 2012
 En savoir plus :
• le 2ème Forum Européen contre les Grands Projets Inutiles Imposés
           • Ces projets coûteux et polémiques qui bétonnent la France et l’Europe
Par Nolwenn Weiler, Rachel Knaebel, Sophie Chapelle (9 juillet 2012) : Les grands projets ne connaissent pas l’austĂ©rité : un stade Ă 600 millions d’euros, une autoroute Ă 2 milliards, une gare Ă 4 milliards, une centrale nuclĂ©aire Ă 6 milliards, un tunnel Ă 8 milliards, un parc de loisirs Ă 26 milliards… De Nantes Ă Moscou en passant par les Alpes ou Berlin, tour d’horizon de ces chantiers pharaoniques jugĂ©s inutiles.