Théologie : trois omissions et trois ignorances ?
Cet article nous a été transmis par “Nous Sommes Eglise Chili”. Il a été traduit de l’Espagnol par Didier Vanhoutte.
Je me demande pourquoi la théologie, la science qui traite de Dieu et de ses attributs et perfections (RAE), n’affronte pas convenablement – de mon modeste point de vue – trois questions qui sont déterminantes en ce moment : DIEU, le POUVOIR, l’ARGENT. Cela m’interpelle que, dans presque toutes les librairies générales, l’espace accordé à l’ésotérisme soit plus vaste et mieux situé que celui accordé à la religion. Sans parler de celui de la théologie.
Il y a trois grands thèmes, qui n’ont jamais eu autant d’intérêt qu’ils en ont aujourd’hui : la CORRUPTION, la POLITIQUE, l’ECONOMIE. Ce sont les trois questions théologiques dont j’ai parlé avant, mais dans leur version laïque ou séculière. Quel rapport entre des sujets d’une telle importance, identique dans parlements et cathédrales ?
DIEU.
C’est un fait, sociologiquement démontré, qu’il n’y a pas d’équivalence entre « pratique religieuse » et « intégrité éthique ». Nous finissons par nous rendre compte qu’il y a des gens de prière et de messe, y compris des « professionnels de la religion », qui ne sont pas précisément des exemples d’incorruptibilité. Et la théologie ne se demande pas pourquoi cela se produit ? Il arrive fréquemment que les plus corrompus sont ceux qui parlent de Dieu avec le plus d’assurance. Quel Dieu est celui-là ? La première chose que nous devrions nous demander est : pourquoi parlons-nous de Dieu ? pourquoi, pendant tant de millénaires, les gens ont-ils eu besoin d’un Dieu et se le sont-ils « représenté » comme ils ont pu ? Dans la Bible, sans aller plus loin, on parle de Dieu à partir de « représentations » littéralement contradictoires : depuis le Dieu le plus violent jusqu’au Dieu le plus intime et le plus empreint de bonté. Mais nous savons que les deux choses ne peuvent être vraies en même temps. Ou l’un, ou l’autre. Et c’est que « Dieu, personne ne l’a jamais vu » (Jn 1, 18). Parce que Dieu est, par définition, le transcendent. Ou bien, Dieu n’est pas à notre portée. à cause de cela, déclarer avec autorité : « Dieu est ainsi », « Dieu dit cela », « Dieu veut cela »…, tout ce langage est le plus faux que nous pouvons prononcer. Alors, passons-nous de Dieu ? Je ne dis pas cela. Ce que je dis, c’est que la tâche la plus urgente de la théologie est de nous expliquer ce que signifie, en ce moment, la phrase de l’évangile : « Ce que vous avez fait à l’un d’entre eux (pauvres, malades, prisonniers, étrangers…), c’est à moi (le Seigneur) que vous l’avez fait » (Mt 25, 17-40). Là où on favorise ou permet la corruption, Dieu ne se trouve pas. Dieu, plus qu’une question de croyance, est une question de conduite.
POUVOIR.
À ces hauteurs, dans l’église, on n’a pas encore fait une théologie du pouvoir : son origine, sa finalité, ses limites, qui peut l’exercer, comment on doit l’exercer, quand on doit et quand on ne doit pas l’accepter. Et tout cela, aussi bien dans « le religieux » que dans « le civil ». Ce que c’est de parler d’un supposé pouvoir « divin » aussi bien que du nécessaire pouvoir « humain ». Mais, comment doivent-ils être en harmonie et vivre ensemble ? Toutes ces questions, avant de les résoudre au moyen de concordats, il est nécessaire de les préciser au moyen d’une théologie correcte. Mais je dis qu’une telle théologie n’existe pas. Que fait-on d’habitude ? On fait appel à la gestion politique. Et ainsi, ce qui se produit très souvent, c’est que, dans l’église, les manigances politiques sont plus déterminantes que l’évangile. Mais, est-ce que, dans la pratique, l’église a le pouvoir de supprimer les droits fondamentaux qui sont du ressort des citoyens dans l’état de droit moderne ?
L’ARGENT.
Nous nous plaignons du silence du pape et des évêques devant la crise économique. Mais ont-ils quelque chose à dire dans cette situation ? répéter la doctrine sociale de l’église ? Au-delà de recommandations de bonne volonté, est-ce que cette doctrine sert à quelque chose ? Pourquoi l’église n’a-t-elle pas fait une solide théologie de l’argent et de la richesse ? L’insistance et la force avec lesquelles l’évangile parle des riches et de l’argent m’ont toujours interpellé. Dans le Sermon sur la montagne (Mt 6, 19-34), dans les interdictions que Jésus a imposé aux apôtres quand il les a envoyés annoncer la Parole (Mt 10, 9-10), dans les nombreuses paraboles qui ont pour thème la richesse et la pauvreté (Mt 18, 23-35 ; 20, 1-16 ; Mc 12, 1-12 ; Mt 22, 1-14 ; 25, 14-30 ; Lc 12, 13-21 ; 15, 11-32 ; 16, 1-13 ; 16, 14-31), dans la conduite de Jésus lui-même et des gens qu’il a fréquentés pendant sa vie, dans toute cette documentation, n’y a-t-il pas une base pour faire une théologie à partir de laquelle on puisse dire une parole sûre pour les responsables de la politique et de l’économie, pour les professionnels de la justice, pour les citoyens ? L’auteur d’une théologie tellement minutieuse sur le sexe et la famille ne pouvait-il pas faire une bonne théologie sur l’économie ? Si l’éthique protestante a eu des conséquences si sérieuses sur l’économie européenne (M. Weber), ne pouvait-on pas faire une éthique théologique déterminante à partir de l’évangile ?
Dieu, le pouvoir, l’argent, en définitive un immense vide à partir duquel l’église a peu à dire. Et c’est pour cela, parce que l’église et sa théologie sont tellement importantes pour moi, que je dis tout cela.
José Maria Castillo
Simple chrétien de base proche de mes 80 printemps, je voudrais dire que je partage totalement les interrogations et propositions de José Maria Castillo. Si l’Eglise a si peu à dire sur ces sujets aussi fondamentaux c’est qu’elle même est empétrée dans ces 3 sujets : Dieu-Pouvoir-Argent. Ouvrir le débat serait remettre en cause son Pouvoir et son organisation. Le monde dans lequel nous vivons est soumis au Pouvoir de la finance anonyme mais bien réel et l’on voit bien que dans nos sociétés dites démocratique le pouvoir politique n’a comme vocation celle de réparer les dégats humains de cette toute puissance. Que l’Eglise n’ait rien à dire ou si timidement est de l’ordre de la démission, alors que les paroles fortes du Christ ont été mises sous le boisseau : « Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre.
Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’Argent. » (Luc 16, 13).
Plus que jamais notre société a besoin d’une Parole forte, audible pour que notre humanité construise une Citée de la fraternité et du partage. Des “petits “prophètesle disent et le vivent ici et là mais ne sont pas entendus et reconnus.
Jean-Claude METTON