A propos de la prière pour le 15 août 2012 proposée par Mgr Vingt-Trois
Suite à la prière* proposée pour le 15 août 2012 par l’archevêque de Paris André Vingt-Trois, l’association David et Jonathan (DJ) a diffusé le texte ci-après rédigé par Jacques Fraissignes, prêtre-ouvrier, membre de DJ.
Le cardinal Vingt-Trois nous invite à la prière.
Je ne sais guère prier. Du moins, je ne sais pas demander à Dieu de faire à ma place ce que me dicte ma conscience.
Prier, serait pour moi regarder la réalité qui m’entoure, le faire avec le regard de Jésus, me demander si j’ai bien vu, si l’apparence ne me cache pas la réalité profonde, si mon regard étroit voit dans chaque homme ou chaque femme l’image de Dieu qu’ils représentent.
La réalité est là, incontournable. Le couple homo existe, il est bien visible.
Les partenaires n’ont pas fait un choix. Ils sont nés avec ce désir particulier qui les pousse vers une personne de leur sexe et l’impossibilité d’investir leur vie affective dans une relation hétérosexuelle. Ce couple homosexuel est riche d’amour et fécond, sinon d’enfants, du moins d’engagements et de services généreux. Ce couple a été reconnu par la loi et le Pacs lui a apporté un surcroît de stabilité et de sereine visibilité. Gais et lesbiennes demandent que leur soient reconnus les mêmes droits que ceux qui sont donnés aux couples mariés. Parmi ces couples, de nombreux se reconnaissent chrétiens et célèbrent comme un don de Dieu l’amour qui les unit. Ils témoignent de cette réalité dans leurs communautés religieuses comme ils le font dans la vie quotidienne. Nombreux sont les croyants et les pasteurs qui leur rendent témoignage et partagent leur désir de reconnaissance. Xavier Thévenot écrivait : « Des couples gais m’ont évangélisé ? »
De tout cela, je veux rendre grâces et je souhaiterais que les communautés de croyants en fassent autant.
Dans ma prière, je vois que la famille homoparentale existe, qu’il s’agisse de famille reconstituée ou d’enfants voulus ou adoptés. Je vois le long le travail sur eux-mêmes que font ces couples avant de prendre une telle décision. Combien de familles font-elles un tel travail avant de concevoir un enfant? J’ai eu à préparer le baptême d’un de ces enfants. A le voir vivre dix ans plus tard, je n’ai pas constaté qu’il ait eu a souffrir de deux parents masculins. De nombreuses études confirment ce constat.
Mais ma prière devient colère quand je vois mes frères et soeurs homosexuels subir la suspicion et le déni apporté par un prélat qui prétend parler au nom de tous les chrétiens de France et refuser toute réflexion sur le mariage homosexuel et la possibilité de faire famille en accueillant des enfants. De quel droit peut-il refuser la réalisation de ces légitimes aspirations ? L’a-t-on entendu tirer argument des paroles de Jésus au nom de qui il prétend parler ? Mis à part le rappel de la fidélité entre époux, Jésus a-t-il jamais condamné ni rejetée une personne qui vivait une sexualité différente ? L’accueil qu’il fait à ces personnes paraît même laxiste à ses ennemis.
Et même si ce prélat croit avoir autorité sur les croyants catholiques, au nom de quoi prétend-il interdire le droit à de légitimes revendications à ceux qui ne se recommandent pas de cette foi ?
Ma prière devient solidarité. Le monde évolue et la façon de vivre la sexualité et de faire famille évolue en même temps. Loin de nous crisper sur des réponses d’un autre temps, ces changements sont appel à notre conscience à discerner ce qui fait grandir chaque personne, ce qui la rend plus humaine, plus « image de Dieu ».
Mais que ceux qui parlent au nom de Jésus nous incitent à grandir en humanité, loué soit Dieu! Loin de s’accrocher à une Loi, Jésus a-t-il fait autre chose que d’appeler ceux qui venaient à lui à vivre en plénitude ?
Jacques Fraissignes
* Le texte de cette prière est téléchargeable (en pdf) ci-après :
Plus d’informations sur ce sujet : voir le site de l’association David et Jonathan : http://www.davidetjonathan.com/
Source : Association David et Jonathan, membre de la Fédération Réseaux du Parvis.
Voici la réponse de Jacques Fraissignes.
Jésus accueille des personnes dites pécheresses. Voici des références.
” Le Fils de l’homme est venu, il mange et il boit et vous dites : ” Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pêcheurs. ”
(Lc 7,34) Luc ne mentionne pas les pécheresses dont le statut était incertain à l’époque mais on les trouve dans les pages de l’évangile.
Dans le même chapitre, l’hétaïre qui vient chez Simon verser un parfum de grand prix sur ses pieds est montrée en exemple de foi, à la grande confusion de Simon le pur, le bon pratiquant. Or cette femme n’a pas dit un mot. Elle s’est exprimée par la seule rhétorique de son art, par des touchers, des baisers, des larmes, des parfums, au risque de rendre Jésus impur jusqu’au soir. Ainsi dit-elle sa foi !
De même avec la Samaritaine. Elle a eut 5 maris. Aucun reproche, sinon le constat que l’actuel n’est pas son mari. Et Jésus part avec elle sur d’étonnants sommets spirituels. (Jean 4)
En Jean 8, Jésus se pose en rempart de la femme surprise en adultère. Il prend le risque de voir se retourner contre lui les pierres qui étaient destinées à la pécheresse. Il provoque la confusion de ses accusateurs. ” Ils ne t’ont pas condamnée ? Moi non plus. Va et ne pêche plus. ” L’admonestation finale est des plus sobres pour ne pas dire laxistes. Pouvait-on faire moins ?
Jésus est entouré de femmes qui l’accompagnent dans sa prédication. La plupart de ces femmes ne se définissent pas par leur mari ou par leurs enfants, contrairement à la coutume de l’époque. Elles ont un nom, contrairement à d’autres qui sont désignées, telle la mère des fils de Zébédé, par leur famille.
Parmi elles des femmes qui vont cheveu au vent à la mode des hétaïres grecques, ces femmes qui discutaient d’égal à égal avec les hommes, comme Marie de Béthanie. Beaucoup d’entre elles ont eu des problèmes avec leur sexualité et Jésus les en a délivrées.
Jésus mérite bien d’être appelé l’ami des pécheurs et des pécheresses.
Merci à ce lecteur de rappeler qu’il ne faut pas tout mélanger. Il est prudent de définir ses mots si on veut se comprendre. Le mot mariage a une foule d’acceptions. Il désigne un acte ou une situation. Outre l’état d’un homme et d’une femme qui font famille, il peut désigner :
– soit la fête autour d’un couple qui se crée
– un acte qui associe deux fortunes pour le notaire,
– un chapitre important du code civil
– un repas de fête à préparer pour le restaurateur
– une robe pour la couturière
– l’improbable union de la carpe et du lapin pour la sagesse des nations…
– la consignation dans un registre de l’engagement pris par un couple de créer une famille pour le maire.
Comme il est rappelé, ce registre a été créé en France par l’édit de Villers-cotterêts et confié aux curés des paroisses. Mais ceux-ci ne pouvaient inscrire les mariages des athées, des juifs ou des protestants. La Révolution en a confié le soin exclusif aux maires, effaçant ainsi les différences confessionnelles. Il est à noter que le formulaire contient une case destinée à enregistrer la rupture, ce qui est le cas d’un mariage sur trois.
Le mariage est aussi un sacrement, ce qui est juste pour ceux qui se recommandent de la foi catholique, soit une petite fraction des français. Qu’en est-il de l’union de ceux qui vivent hors de cette religion ? Ils sont pourtant mariés !
Faut-il rappeler que le mariage chrétien n’est devenu sacrement qu’au 13e siècle et que pendant 1200 ans, des chrétiens se sont unis et ont fait des enfants sans savoir qu’ils vivaient un sacrement ?
Une catégorie nouvelle doit être prise en considération, celle du couple. Avec les techniques de contraception, le rapport sexuel peut être dissocié de la conception d’un enfant. Beaucoup de jeunes forment des couples, plus ou moins provisoires et sans projet d’enfants. De fait, ces couples ont été reconnus par la loi ? En effet le Pacs a été revendiqué par les couples homosexuels et ce sont ces couples hétéros qui s’y sont majoritairement engouffrés. La réflexion sur cette réalité ne fait que commencer.
Jacques Fraissignes
Il faudrait bien, enfin, ne pas tout mélanger pour arriver à y comprendre quelque chose.
La célébration ecclésiale du mariage n’est pas un acte d’état civil: ça c’est la célébration à la mairie.La confusion vient du passé, du temps où l’Eglise tenait les registres d’état civil.
la célébration a l’église est un sacrement, c’est à dire la demande d’une grâce sacramentelle, par l’engagement devant Dieu des 2 époux, ministres du sacrement.
L’Église est donc parfaitement fondée à en définir les modalités.
Incidemment, je voudrais bien connaître la référence textuelle de : “L’accueil que Jésus fait à ces personnes paraît même laxiste à ses ennemis.”